Les musées en France
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Les musées en France
Depuis le milieu du 19e siècle, les découvertes fortuites et les fouilles archéologiques subaquatiques menées dans la Saône ont révélé d'importants vestiges. Voici une découverte de ces collections, conservées et mises en ligne par le musée Vivant-Denon de Chalon-sur-Saône sur Joconde, le catalogue collectif des musées de France.
Crédits : ce contenu était originellement publié sur le site Joconde. Il a été constitué entre 2005 et 2015 à partir de textes de Louis Bonamour et Denis Dubois du musée Vivant-Denon à Chalon-sur-Saône, J.-L. Flouest (sur Bragny-sur-Saône) et Ph. Barral (sur Le Petit Chauvort). Les notices du musée Vivant-Denon sont en ligne sur POP, plateforme ouverte du patrimoine.
Dès le milieu du 19° siècle, la Saône a livré une quantité considérable de vestiges archéologiques découverts fortuitement à l’occasion de travaux de dragage : armes, vaisselle en bronze ou en argent… A partir de 1960, le suivi régulier des travaux de dragage a apporté la preuve de l’existence de véritables gisements enfouis au fond de la rivière.
Dès 1978, une première fouille subaquatique d’envergure était réalisée à l’emplacement d’un habitat de la fin de l’Age du Bronze au sud de Chalon. Depuis lors, chaque année, des fouilles de prospection subaquatique se sont succédé, sans interruption, apportant une moisson de trouvailles, mais surtout un enrichissement considérable de nos connaissances.
Plusieurs dizaines de sites ont été découverts et de nombreux gisements fouillés : passages à gué, épaves de bateaux échelonnées du Bronze final à l’époque moderne, sites portuaires antiques et médiévaux, pêcheries, piles des ponts romains de Chalon.
Une recherche exemplaire et novatrice a fait de la Saône un des grands sites archéologiques d’Europe. La diversité et l’état de conservation des vestiges sortis des eaux illustrent la richesse de ce nouveau type de site, autant pour la préhistoire que pour l’histoire, et font du fleuve un gardien de la mémoire.
Quelques découvertes dans la Saône, sur Joconde
L’histoire du grand pont de Saône s’échelonne sur plus de deux millénaires. Sa naissance a précédé, et probablement même suscité, celle de la ville de Chalon-sur-Saône. En effet, l’actuelle sous-préfecture du département de la Saône-et-Loire, en Bourgogne, tire son origine de son implantation au bord de la Saône, le plus important affluent du Rhône.
Pendant l’Antiquité, la ville était le centre commercial des Eduens.
Qui étaient les Éduens ?
Peuple de la Gaule, le plus puissant avec les Arvernes, établi entre la Loire et la Saône, dans une partie du Nivernais et de la Bourgogne.
Alliés des Romains, ils soutinrent cependant Vercingetorix en – 51. Soumis par César, leur pays forma la Lyonnaise Ière avec Autun comme capitale. En 48, Claude leur accorda le droit de cité (c’est-à-dire le fait de jouir des droits civils et politiques en vigueur dans ce territoire).
Après la conquête romaine, la Saône devint une importante voie de transport des métaux nécessaires à la fabrication du bronze, l’étain et le cuivre, qui étaient chargés à Chalon sur des bateaux allant à Lyon pour rejoindre la Méditerranée.
Le grand pont de Saône a été construit au débouché de la rue principale qui traverse la ville du nord au sud, certainement à la fin du règne d’Auguste, vers 14 avant JC. Construit en bois, ses pieux ont pu être datés par dendrochronologie (science de la datation du bois, fondée sur l’observation des cernes concentriques annuels, tels qu’ils apparaissent sur la section transversale d’un tronc d’arbre).
La présence de ce pont permettait de rejoindre la voie terrestre reliant Chalon à Lyon, située sur la rive droite de la rivière, quel que soit le niveau des eaux.
Après ce premier pont, cinq autres ont été successivement édifiés pratiquement au même emplacement. Les ponts médiéval et moderne ont réutilisé les substructions antiques et les piles romaines. Des recherches archéologiques en plongée subaquatique, effectuées de 1992 à 2000, ont permis d’identifier les vestiges de ces anciens ouvrages et d’étudier particulièrement la pile centrale du troisième de ces ponts, le pont romain du 3e siècle de notre ère.
Le troisième pont a été édifié aux environs de 220-230 à l’emplacement exact du premier ouvrage. Son tablier en bois était soutenu par des piles de pierre. Ses bâtisseurs se sont heurtés à deux difficultés majeures : la première a été de supprimer les pieux du premier pont très profondément ancrés dans le sol et quasiment impossibles à arracher. La fouille a montré qu’on s’était résolu à les tirer depuis la berge avec des attelages de chevaux ou de bœufs. Ces pieux ont en effet été retrouvés brisés aux environs de 8 mètres de profondeur.
La seconde difficulté a été occasionnée par l’instabilité du sous-sol. Pour y remédier, il a fallu dans un premier temps entourer le chantier d’une digue afin de mettre en place d’importants remblais constitués d’un mélange d’argile, de pierre et de tuiles et densifiés par des pieux de chêne. Une fois le sous-sol ainsi consolidé, la majeure partie de la digue a été détruite pour permettre l’accès des bateaux acheminant les matériaux de construction.
Travailler à sec était la condition indispensable pour pouvoir assembler les blocs au mortier et surtout couler le plomb scellant les crampons d’assemblage de la pile n° 3, située au milieu du pont. Au lieu de l’habituel système de batardeaux (construction formant une retenue d’eau, afin d’assécher un terrain où l’on doit effectuer des travaux), les bâtisseurs ont eu recours à un caisson étanche préalablement construit sur la berge et acheminé par flottage.
Une fois bien positionné, c’est à l’intérieur de ce caisson que la pile a pu être construite. Dans le domaine des travaux publics, ce terme désigne un grand coffre, autrefois de bois calfaté, aujourd’hui de métal ou de béton armé, partiellement ou totalement immergé, qui permet de travailler au-dessous du niveau de l’eau.
D’une largeur de six mètres, le caisson étanche atteignait à l’origine une douzaine de mètres de longueur. Il dépassait donc de trois mètres la longueur de la pile, ménageant ainsi une aire de travail vraisemblablement utilisée pour installer l’engin de levage permettant de hisser les blocs de pierre acheminés par bateaux jusqu’au niveau du chantier.
La réalisation de ce caisson fit beaucoup appel à la construction navale. Le recours aux techniques fluviales locales (fond plat, calfatage (bouchage des joints des bordages, des fentes et interstices d’un bâtiment de bois, pour en assurer l’étanchéité) à l’aide de fibres végétales…) et complété par des techniques maritimes plus spécifiquement méditerranéennes (existence d’une quille, d’un cabestan et d’une étrave, présence d’outils dont une herminette de type oriental…)
La quille est la pièce axiale située à la partie inférieure d’un navire et sur laquelle repose l’ensemble de la charpente de la carène (partie immergée de la coque, située sous la ligne de flottaison. Le cabestan est un treuil à axe vertical, utilisé pour haler de gros fardeaux. L’étrave est la pièce verticale de bois ou de fer, où viennent s’assembler les éléments de la coque qui forment la proue d’un bateau et assurent la meilleure pénétration possible dans l’eau.
Cette technique de construction, originale et particulièrement élaborée, qui a fait ses preuves à Chalon au 3e siècle de notre ère est ordinairement considérée comme une invention du 18e siècle.
La fouille a permis également de mettre au jour une intéressante série d’outils et de vestiges divers en relation étroite avec les différents corps de métiers qui ont travaillé à la construction du pont : travail des métaux (marteau de forge), travail du bois (herminette, arrache-clou), maçonnerie (fil à plomb, truelle) et travail de la pierre (marteau-têtu, marteau grain-d’orge, gravelet, outils de levage ou de fixation des blocs).
La dégradation de ce troisième pont nécessita l’édification d’un nouvel ouvrage entre 1422 et 1508, constitué d’arches en plein cintre reposant sur les restes des piles antiques.
A la fin du 18e siècle, ce pont connaît d’importants travaux de réfection et d’ornementation par l’architecte Emiland Gauthey.
Très endommagé à la fin de la seconde guerre mondiale, ce pont dit “Saint-Laurent” fut totalement détruit dans les années qui suivirent afin d’être remplacé par un ouvrage neuf, en béton précontraint et paré de calcaire, toujours en service.
Vestiges du grand pont de Saône sur Joconde
Le site gallo-romain de la Vigne de Saule est connu de longue date, en 1937 il est déjà signalé dans les textes (voir L. Armand-Calliat, 1937, Le chalonnais gallo-romain, p. 258). En 1956 d’abord, puis entre 1966 et 1970, de grands travaux d’aménagements routiers vont venir bouleverser le site qui fera alors l’objet d’une fouille de sauvetage.
Cette fouille archéologique révèlera quatre secteurs : l’entrée monumentale, orientée sur la vallée de la Corne, avec la présence de sols superposés et de foyers encore en place, deux hypocaustes orientés l’un à l’ouest, l’autre au nord, ce dernier beaucoup plus abîmé par les travaux de 1956, un ensemble de substructions à l’ouest, composé de trois hypocaustes et d’un nombre important de murs séparant cet ensemble de l’entrée monumentale attestant ainsi l’importance de l’habitation et enfin un dépotoir, situé à 60 m au nord des substructions qui a livré, quant à lui, un important mobilier daté en majorité du 1er siècle. Ce dépotoir peut être interprété comme une preuve de l’existence d’une deuxième habitation à proximité ou bien d’une occupation de la villa après destruction.
Ces quatre secteurs ont livré un mobilier archéologique important et varié. Le domaine architectural s’illustre par la découverte de nombreux fragments d’enduits peints, de plaques de marbre, de pilastres et tambours de colonne ainsi qu’un chapiteau corinthien, attestant la présence de l’entrée monumentale. Les hypocaustes, sont matérialisés par la présence, encore en place, d’empilements de pilettes carrées ou circulaires en terre cuite et de dalles réfractaires. Le mobilier céramique, aux formes et qualités diverses ainsi que les nombreuses monnaies ont également été mis à jour, preuves d’un ensemble homogène daté de la fin du IIIe siècle et du IVe siècle pour les substructions ouest. Le mobilier céramique, retrouvé sous une couche de coquilles d’huitres, à l’intérieur du dépotoir, appartient en majorité au Ier siècle.
Les différentes observations permettent donc d’affirmer que nous nous trouvons en présence d’un seul et même habitat, sans doute avec deux occupations successives, entre le 1er et le IVe siècle. Des fouilles de sauvetage réalisées en 2012 (Les terres de Diane) à proximité du site ont permis de découvrir du mobilier de la même période ainsi qu’un développement de l’occupation gallo-romaine vers le sud en direction de la Vigne de Saule.
Vestiges du domaine de la Vigne de Saule sur Joconde
Souvent identifiés et bien localisés grâce aux documents d’archives, les anciens passages de la Saône concentrent l’essentiel des trouvailles ainsi que les objets les plus spectaculaires parfois échelonnés sur une durée de cinq millénaires.
Hauts-fonds naturels et, de ce fait, obstacles à la navigation, les gués ont en outre fréquemment été aménagés et empierrés à l’époque romaine pour les besoins de transports par chariots.
Entre Verdun-sur-le-Doubs et Lyon, une soixantaine de passages ont été identifiés sur près de 170 kilomètres du cours de la rivière. Ces passages n’étaient utilisables que par basses eaux, aux périodes où la navigation se trouvait arrêtée. En période de hautes eaux, le recours à des barques ou à des bacs devenait indispensable.
La fouille du gué de la Casaque, à une dizaine de kilomètres au sud de Chalon, a montré la présence entre ou sous les dalles du pavage, d’objets enfouis intentionnellement pour des raisons d’ordre religieux : vases en céramique usagés et personnalisés par la mention du nom de leur propriétaire, outils témoignant de la profession de leur dépositaire, armes ou riche vaisselle de bronze et d’argent.
Vestiges des gués de la Saône sur Joconde
Dragages et découvertes fortuites nous ont livré de longue date des documents isolés attestant d’activités de pêche depuis l’âge du Bronze voire le Néolithique.
Ces dernières années, les recherches subaquatiques ont permis d’étudier plusieurs pêcheries fixes d’époque médiévale à Saint-Marcel, Epervans, Verjux… Force est de constater qu’en la matière, techniques et matériel utilisés ont peu évolué jusqu’au début du 20e siècle alors qu’en matière de chasse (le pêcheur professionnel était ordinairement chasseur au gibier d’eau) la découverte de la poudre a révolutionné le matériel…
Vestiges liés à la pêche en Saône, sur Joconde
Vers la fin de l’Age du Bronze, du Bronze final IIb au Bronze final IIIa, aux environs de 1200 à 900 avant notre ère, les implantations humaines paraissent avoir été particulièrement denses dans la vallée de la Saône au sud de Chalon. Sur une distance de 16 km, une vingtaine de sites d’habitat ont pu être localisés tant sur les berges que dans le lit actuel de la rivière (Bonnamour et alii, 1990). Dans l’état actuel de nos connaissances, la fin de l’âge du Bronze est la seule période qui ait, durant les derniers millénaires, livré des vestiges d’habitat dans le lit de la rivière alors qu’aucun indice ne permet, aux emplacements des sites concernés, de soupçonner un éventuel déplacement de ce dernier.
Onze sites, découverts à l’occasion de travaux de dragage ou de prospections subaquatiques, appartiennent à cette catégorie d’habitats submergés. Tous se situent à une profondeur relativement constante, entre 5 m et 5,50 m sous le niveau de retenue des barrages, niveau maintenu artificiellement en chalonnais, à une hauteur d’environ 2,50 m au-dessus du niveau d’étiage du 19e siècle (fig. 1).
Du fait de l’importance des perturbations liées à l’érosion mais surtout des destructions occasionnées par les travaux d’extraction de matériaux, tous les sites observés sont loin de présenter le même intérêt documentaire. Deux d’entre eux ont donné lieu à des séries de campagnes de fouille subaquatique, l’habitat d’Ouroux-sur-Saône, de 1978 à 1982 (Grandjean, 1984), et celui du gué des Piles à Chalon-sur-Saône, de 1983 à 1986 (Bonnamour, 1989).
Vestiges de ces habitats sur Joconde
On observe un choix délibéré dans l’emplacement des sépultures à proximité des voies de communication à la périphérie des lieux habités. Plusieurs cimetières ont été établis en bordure de la Saône au débouché d’un point de franchissement à gué.
On note la rareté des sarcophages en pierre avec inscription monumentale. Le plus spectaculaire, visible dans les collections lapidaires au sous-sol du musée, est celui de Pison Asclepiodote, riche marchand de parfum lyonnais, et de son épouse, découvert en bordure de la voie de Lyon à Saint Loup-de-Varennes. Peu nombreuses à Chalon, plus fréquentes dans la Côte, les stèles présentent souvent des outils témoignant de la profession du défunt. Son identité peut également être mentionnée comme c’est le cas sur la stèle d’Albanus, cavalier d’origine ubienne ayant servi dans l’armée romaine en Espagne. La plupart des sépultures retrouvées, notamment celles des cimetières de la Citadelle et du Petit Creusot, semblent appartenir à des milieux plus modestes.
Au 1er siècle à la Citadelle, dans un cimetière où l’incinération est de règle, seuls les nouveaux nés sont inhumés en pleine terre ou placés dans une tuile creuse. Au cours des siècles suivants des enfants ont fréquemment été enterrés à l’intérieur d’amphores. On note la présence dans des tombes d’enfants d’objets tels que jouets, biberons, lampes ou vases miniature. A la fin du 19e siècle, à proximité de l’ancienne église de Saint Cosme-le-Haut, fut recueillie une main d’enfant momifiée par l’oxydation d’une monnaie de bronze attribuée aux 2e ou 3e siècle.
L’ascia n’était à l’origine, qu’une herminette utilisée pour le travail du bois, de la pierre et de la terre. On a même affirmé qu’elle avait pu être utilisée pour le creusement des tombes mais on ignore les raisons qui en Orient d’abord, puis en Gaule et notamment dans les vallées du Rhône et de la Saône, ont incité les vivants à placer les défunts sous la protection de l’ascia. Sur les stèles funéraires ainsi que sur les sarcophages, l’ascia peut être figurée ou le défunt placé sous le signe de l’ascia par la formule :
SVB ASCIA DEDICAVIT
Sur les gués de la Saône, le dépôt volontaire d’ascia relève d’une symbolique proche.
Cette imposante sculpture en calcaire, montrant un gladiateur barbare terrassé par un lion, n’appartient pas au monument funéraire d’un gladiateur célèbre et enrichi. Dans la mentalité antique en effet, tout comme l’esclave, le gladiateur n’était pas jugé digne de posséder sa propre tombe.
En Gaule comme en Italie, le thème est fréquemment repris en tant que symbole funéraire et utilisé pour la décoration de mausolées. Il illustre la puissance de la mort sur les vivants.
Vestiges des rites funéraires en Chalonnais, sur Joconde
La présentation de la trouvaille de Taponas nous a amenés à diffuser sur la base Joconde le mobilier des différents dépôts conservés au musée Denon :
– Ouroux-sur-Saône (Bronze final I) ;
– le Port Ferrier (Chalon-sur-Saône, Bronze final IIIa) ;
– la Saône en 1843 (Chalon-sur-Saône, Bronze final IIIb) ;
– Taponas (Bronze final IIIb).
Région fertile, densément peuplée lors des phases terminales du Bronze final, la vallée de la Saône, carrefour de voies de communication, ne présente que de rares dépôts d’objets métalliques de médiocre importance. Certes, les conditions de découverte, ordinairement à l’occasion de travaux de dragage, peuvent expliquer en partie une telle carence. Aucune trouvaille terrestre ne vient toutefois compenser cette pauvreté qui doit, de ce fait, être considérée comme une réalité objective.
Quoi qu’il en soit, la composition des dépôts connus confirme les informations livrées par l’ensemble des trouvailles du lit mineur et montre la diversité des courants commerciaux qui viennent converger dans la vallée de la Saône tout au long de cette période.
Pour le Bronze final IIIb, la récente redécouverte du dépôt trouvé dans la Saône à Chalon en 1843 et surtout celle du dépôt de Taponas, offrent à nos yeux une importance certaine.
La présence dans le dépôt de Chalon, de cinq épingles à tête sphérique creuse , typiques du groupe des palafittes, apparaissait surprenante dans la mesure où ce type d’épingle n’avait jusqu’alors jamais été observé parmi les nombreuses trouvailles de la Saône. Plus étonnante encore est la présence, à Taponas, de trois autres documents relativement rares et spécifiques de la même zone circum-alpine : le tube côtelé , la pendeloque triangulaire et la rouelle à décor cruciforme. La composition de ces deux ensembles confirme, s’il en était besoin, l’étroitesse des relations qui existaient au Bronze final IIIb entre la vallée de la Saône et la zone des palafittes. Elle montre aussi la dépendance de la vallée de la Saône dans l’approvisionnement en matière première de ses ateliers de bronziers et la parcimonie avec laquelle on savait utiliser le bronze pour les besoins de la vie courante.
Une seconde réflexion vient à l’esprit au sujet de la rareté des dépôts et de la relative pauvreté de la plupart d’entre eux, même si l’on admet l’idée que des dépôts tel celui d’Ouroux, où à plus forte raison celui du Port Ferrier à Chalon, aient initialement pu être plus conséquents que ce que nous en connaissons aujourd’hui. Il existe un tel hiatus entre l’abondance des trouvailles du lit mineur, notamment en matière d’armes et particulièrement d’épées, et la faiblesse des dépôts, que l’on est en droit de s’interroger. S’il semble aujourd’hui attesté que la majeure partie des trouvailles protohistoriques liées aux passages à gué correspond à des dépôts intentionnels, le problème des ” cachettes ” dites de bronzier apparaît plus complexe et, sauf exceptions, les raisons précises de l’enfouissement nous échappent bien souvent. La majeure partie, notamment dans des cas comme Taponas qui paraît bien correspondre au type même d’un ” fonds d’atelier “, paraît liée à des raisons accidentelles dont la multiplication à une même période est susceptible de témoigner d’un phénomène d’instabilité sociale.
Ne pourrait-on penser, dès lors, que la pauvreté de la vallée de la Saône en dépôts du Bronze final pourrait être liée au contraire, à l’existence d’une structure sociale fortement hiérarchisée dont témoignerait l’abondance des objets précieux découverts sur les gués, susceptible d’imposer une relative stabilité ?
Le dépôt de bronzier de Génelard (10e siècle avant notre ère) fut découvert fortuitement en bordure de la Bourbince à Génelard. Des millénaires durant, en effet, la dépression de la Dheune-Bourbince a joué un rôle capital dans les relations économiques entre les vallées de la Saône et de la Loire et les régions atlantiques riches en ressources métallurgiques. Ce dépôt ou ” cachette ” de bronzier revêt un intérêt particulier du fait de sa composition exceptionnelle même si l’usage de certains des objets qui le composent, nous échappe encore. Nous nous trouvons là en effet, en présence d’une partie de l’outillage d’un artisan bronzier à la fois fondeur, dinandier (travail des tôles) et taillandier (fabrication d’outils tranchants).
Les dépôts du bronze final sur Joconde
Situé sur la terrasse argilo-sableuse de la rive droite de la Saône, 300m en aval du confluent de la Saône et du Doubs et à 1100m en amont du confluent de la Saône et de la Dheune, ce village d’environ 3ha a été découvert puis fouillé de 1968 à 1979 par A. Guillot, puis de 1987 à 1989 par J.-L. Flouest.
Les traces de bâtiments sur poteaux porteurs, fréquemment observés ailleurs pour cette époque, sont très rares, en raison certainement de la difficulté à les déceler dans un sol sablo-argileux. En revanche, les bâtiments enterrés ou semi-enterrés (0,7 à 1,7m de profondeur) sont fréquents ; des traces de poteaux dans les angles confirment la présence d’une structure de soutien des parois et d’une toiture. Ils forment parfois des ensembles, caves, celliers, habitats dont l’emprise peut atteindre 50m2. Des aménagements liés à l’activité de tissage (fosse de métier à tisser avec trente-cinq pesons pyramidaux tombés au fond) mais surtout au travail du bronze et du fer, ont été observés. Il s’agit de fosses remplies de scories (100 à 300kg par fosse), de bases de four conservées sous la forme de couronnes d’argile cuite, environnées de fragments de parois vitrifiées. Ailleurs, ce sont des négatifs de plots de bois pour enclumes, remplis de petites lamelles bleutées de fer, résidus de forgeage.
D’après les fouilles et les prospections géophysiques, les forgerons semblent avoir occupé au moins un tiers de la surface du village, ce qui montre la spécialisation de cette communauté. La réduction du minerai de fer et surtout le travail de la forge sont visibles partout, sous forme de déchets : scories, battitures, barres de fer carré, plaques de fer plat ; sous forme d’objets : fibules, trousses de toilette, éléments de vaisselle métallique ou en bois. Les mêmes artisans travaillaient le bronze pour fabriquer des fibules et de la vaisselle métallique.
Pendant un peu plus d’un siècle, ce site, du fait de sa position privilégiée à un carrefour des grands axes de circulation nord-sud (Rhône, Saône, Meuse) et est-ouest (Loire, Dheune, Doubs, Rhin ou Suisse), a donc été en relation avec les grands centres politiques et économiques du moment. La colonie grecque de Marseille et les autres comptoirs de la vallée du Rhône, les Etrusques puis les cités de la région des lacs d’Italie du nord (culture de Golasecca) ont commercé avec ce village particulièrement dynamique. On peut affirmer que cette communauté avait un haut niveau de vie d’après les objets recueillis (flacons de verre de Méditerranée orientale, vins, céramiques grecques ou grises fines tournées, ambre, corail, nourriture carnée privilégiant la viande bovine). Cette richesse reposait manifestement sur le travail très qualifié d’artisans, peut-être cosmopolites, qui avaient su s’installer à un endroit clé du commerce entre les principautés du monde celtique hallstattien et les capitales du monde méditerranéen occidental.
Vestiges de Bragny-sur-Saône sur Joconde
L’habitat du Petit-Chauvort est situé sur la rive gauche de la Saône, à environ 1,5km de la confluence de la Saône et du Doubs. L’extension précise du gisement n’est pas connue, mais il semble que l’on ait affaire à une zone d’occupation relativement étroite, 50m, et allongée de 200m au moins, bordant une voie protohistorique franchissant la Saône au gué de Chauvort.
Découvert puis exploré par A. Guillot de 1969 à 1974, l’habitat du Petit-Chauvort fait de nouveau l’objet de fouilles depuis 1996 sous la direction de Philippe Barral. Deux phases d’occupation sont attestées. La première, encore assez mal connue, se situe aux 4e-3e siècle, d’après le petit lot d’objets mis au jour. La phase d’occupation principale du site correspond au 2e et au tout début du 1er siècle. Cette phase est illustrée par de nombreuses fosses, de formes et tailles variées (trous de poteaux, silos, fonds d’habitats excavés…). Ces formes ont été remblayées avec un abondant matériel détritique (fragments de faune et de céramique principalement).
Le mobilier, extrêmement riche et varié, mis au jour malgré la faible superficie fouillée, place l’habitat du Petit-Chauvort parmi les sites majeurs de l’est de la France pour la connaissance du 2e Age du Fer. Il se démarque notamment par le nombre, la variété et le caractère précoce des importations de céramiques (céramique à pâte claire méditerranéenne et céramique peinte allobroge aux 4e-3e siècles, amphores vinaires gréco-italiques puis italiques, céramique italique à vernis noir, céramique graphitée d’Europe centrale au 2e siècle). Au sein de la moyenne vallée de la Saône, l’habitat du Petit-Chauvort constitue également, à l’heure actuelle, le site de référence qui a permis de définir un faciès céramique indigène original, caractéristique de la zone du Chalonnais-Verdunois.
Tourné vers l’artisanat et le négoce, le site du Petit-Chauvort illustre pleinement le rôle essentiel du confluent Saône-Doubs, à la marge des cités des puissants peuples éduen et séquane, pour la compréhension du fonctionnement économique, culturel, territorial des peuples de Gaule de l’est au 2e Age du Fer.
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