Ce n’est pas forcément le débat auquel on s’attendait dans cette élection présidentielle, mais par la force des choses et de certaines situations, le mot autonomie a été lancé une première fois par le ministre des Outre-mer au sujet de la Guadeloupe fin novembre 2021, en proie à des violences urbaines. Un mot vite oublié avec la crise internationale due à l’invasion russe de l’Ukraine, bien que le candidat Emmanuel Macron, lors de l’annonce de son programme, y soit revenu en précisant qu’il “n’a pas de tabou” sur les évolutions institutionnelles.
Mais c’est finalement par un fait divers que le débat sur l’autonomie rebondit, l’agression en prison du nationaliste corse Yvan Colonna, impliqué dans l’assassinat du préfet Claude Erignac. Pour répondre à la colère des Corses, le ministre de l’Intérieur s’est rendu sur l’île et a évoqué l’hypothèse d’une autonomie.
Une “discussion historique” pour le Président du Conseil exécutif de Corse, Gilles Simeoni, pour qui l’autonomie de son territoire doit être une “autonomie de plein droit et de plein exercice. (…) C’est un statut institutionnel qui existe déjà dans le droit constitutionnel français, même s’il s’applique à d’autres territoires. Je pense par exemple à la Polynésie.“
Les collectivités d’Outre-mer régies par le présent article ont un statut qui tient compte des intérêts propres de chacune d’elles au sein de la République.
Les Outre-mer ont des particularités inscrites dans la Constitution aux articles 73 et 74. L’article 73 concerne les cinq départements et régions d’Outre-mer. Dans ces territoires, les lois et règlements nationaux sont applicables de plein droit. Pour tenir compte des spécificités ultramarines, des adaptations sont néanmoins possibles.
En revanche, l’article 74 s’applique aux collectivités d’Outre-mer. Une loi organique définit le statut particulier de chacune d’entre elles. Elle détermine également les lois qui s’y appliquent. Les assemblées locales peuvent élaborer des règlements, sortes de lois spécifiques aux territoires. Seules les matières régaliennes sont exclues (justice, armée,…). Ainsi, la Polynésie française est un “pays d’Outre-mer” au sein de la République française, et la Nouvelle-Calédonie est une collectivité d’Outre-mer à statut particulier.
Le territoire de la Polynésie française s’administre librement par ses représentants élus. Il est représenté au Parlement de la République et au Conseil économique et social dans les conditions définies par les lois organiques. Le territoire détermine librement les signes distinctifs permettant de marquer sa personnalité dans les manifestations publiques et officielles aux côtés des emblèmes de la République.
La Polynésie française possède un président élu, un gouvernement et une assemblée également élue. Le gouvernement comprend un vice-président et sept à dix ministres, il se réunit en Conseil des ministres, arrête les projets de “loi du pays”. L’assemblée de la Polynésie française est composée de 57 membres, tous élus au suffrage universel direct pour un mandat de cinq ans. Son rôle est semblable à celui de l’Assemblée nationale, il passe par le vote du budget, contrôle l’action du gouvernement et donne aussi son avis sur les projets de loi métropolitains applicables sur le territoire.
Pour contrôler si les précisions prises par les autorités polynésiennes sont conformes à la loi nationale, un haut-commissaire de la République est sur place. Ce dernier est dépositaire de l’autorité de l’Etat et représente le Premier ministre et chacun des ministres.
La Nouvelle-Calédonie est depuis 1999 une collectivité “à statut particulier”. Un statut qui découle des accords de Matignon signés en 1988. L’archipel dispose d’institutions propres : le Congrès, le gouvernement, le Sénat coutumier, le Conseil économique, social et environnemental et les conseils coutumiers.
Le territoire est aussi divisé en trois, la province Nord, la province Sud et la province des îles Loyauté. Chacune de ces dernières possèdent une assemblée délibérante et dispose de représentants au Congrès. Surtout, la Nouvelle-Calédonie bénéficie d’un partage de souveraineté et d’une autonomie partielle. Ainsi, elle peut voter des “lois du pays” dans les domaines qui lui sont permis. Tout comme en Polynésie française, l’Etat est représenté par le haut-commissaire de la République et y possède les mêmes compétences.
Point important à signaler pour la Nouvelle-Calédonie, le territoire dispose d’une citoyenneté propre qui permet de voter aux élections du Congrès et des assemblées provinciales.
A noter que les Terres australes et antarctiques françaises sont aussi autonomes. Elles constituent une collectivité sui generis dont le statut est défini par la seule loi ordinaire.
Mais parce qu’autonomie ne veut pas dire indépendance, de nombreux domaines restent, en Polynésie comme en Calédonie, à la charge de l’Etat, notamment ceux qui sont régaliens :
D’autres relèvent aussi des compétences de l’Etat comme la fonction publique, mais ces quatre-là sont les principaux.
Néanmoins, ces limites n’empêchent nullement les politiques locaux de mener des réformes, notamment économiques qui différencient ces territoires de l’Hexagone. En Nouvelle-Calédonie, un projet de réformes fiscales doit permettre de faire baisser le taux d’impôt sur les sociétés de 30% à 25% sur trois ans et les taxes sur le tabac augmenteront de 10% chaque année sur une période trois ans là-aussi.
De même en Polynésie française, pour financer la protection sociale qui est actuellement assurée par les travailleurs, le gouvernement de l’archipel a mis en place une TVA sociale qui sera active le 1er avril prochain. De ce fait, la TVA locale augmentera de 1,5%. C’est une différence notable avec l’Hexagone ou la sécurité sociale est financée par les cotisations sociales et l’impôt.
Le président du Conseil exécutif de Corse souhaite que le “statut d’autonomie de la Corse soit défini avant la fin de l’année“, une volonté qui a reçu le soutien du président indépendantiste du Congrès de Nouvelle-Calédonie, Roch Wamytan. Ce dernier estime que le statut du Caillou pourrait inspirer les discussions sur l’autonomie de l’île de beauté.
Je ne suis pas tout à fait étonné de ce qui est arrivé (…) car c’est ce qui se passe quand le pouvoir de tutelle ne veut pas discuter avec des peuples qui sont en lutte pour leur identité, pour leur dignité, pour leur indépendance ou pour leur autonomie.
En 2019 déjà, il avait signé une convention de partenariat entre le Congrès de Nouvelle-Calédonie et l’Assemblée de Corse.
Pas étonnant dans ce contexte que certains candidats à l’élection présidentielle prennent modèle sur la Polynésie française et la Nouvelle-Calédonie quand ils évoquent la Corse.
Une question qui pourrait se poser également, à terme, outre-mer. En Guadeloupe, le débat sur une plus grande autonomie refait ainsi régulièrement surface ces derniers temps.
Autonomie : pourquoi la Polynésie est-elle présentée comme un modèle pour la Corse?
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