Depuis l’année dernière, la CPS contrôle de manière plus prononcée les demandes de prolongation de carnets rouges. Un effort de rationalisation des coûts de la branche maladie qui a, selon les médecins, des conséquences sanitaires délétères : des patients abandonneraient leur traitement faute de couverture à 100%.
On appelle un ça un « refus de prolongation ». C’est ce qui arrive de plus en plus souvent, d’après les médecins libéraux, aux patients qui demandent le renouvellement de leur carnet rouge. Rien de nouveau, pourtant, dans la procédure. Les prescripteurs, déjà à l’initiative pour placer certains de leurs patients dans ce régime de longue maladie, déposent régulièrement des demandes de prolongation. Ce qui permet aux malades de continuer à bénéficier d’une prise en charge à 100% de leur pathologie. Mais le dossier doit bien sûr être, à chaque étape, validé par le contrôle médical de la CPS. Qui, comme le reconnait la caisse, a dit plus souvent « non » depuis un an.
Une situation qui selon les libéraux met le suivi et la santé de certains patients en péril. « On a, dans la nature, un certain nombre de personnes qui ne renouvellent pas leur traitement faute de moyens », regrette le docteur Didier Bondoux, président du syndicat des médecins libéraux. Pour le docteur Boissin, vice-président de l’Association des diabétiques et obèses de Polynésie française, la CPS veut « faire des économies avec des bouts de chandelles » quitte, accuse-t-il, à engendrer des « dégâts collatéraux » chez des patients médicalement stables grâce à leur traitement. Il prend en exemple le cas d’une de ses patientes en longue maladie depuis 15 ans, subitement sortie du régime après un refus de prolongation. Elle aurait fait un AVC après avoir décidé de suspendre son traitement car « elle n’avait pas les moyens d’acheter des médicaments ».
Une application plus stricte des critères
Du côté de la caisse, on assure que rien n’a changé dans les critères de validation. Dans les textes en tout cas, qui ont en revanche été « mieux appliqués » ces derniers temps. Mais pas par souci d’économie, insiste le contrôle médical, par souci « d’efficience » des soins : « on s’est aperçu que les demandes avaient beaucoup augmenté ». En 2021, 17,6 % de la population bénéficiait de ce régime et 41 des 59 milliards de francs des dépenses de santé – soit 71% du total – auraient été consacrés aux soins des carnets rouges. C’est peu de le dire : ce coût participe activement au déséquilibre de la branche, toujours plus tendue financièrement. La solution : être « plus vigilant » et faire payer aux assurés « des soins au juste prix ».
Pour le directeur général Vincent Fabre, il est de la responsabilité de la CPS de contrôler le « respect des pratiques ». Et si certaines décisions de ses services passent mal auprès des médecins et surtout des patients, c’est avant tout du fait « d’une méconnaissance ou d’une mauvaise interprétation du principe du carnet rouge ». Les patients, suggère le responsable, peuvent parfois considérer que ce régime, favorable du point de vue du porte-monnaie, est acquis de façon définitive alors qu’il s’agit « depuis toujours » d’un statut temporaire qui doit être accordé sur des critères purement médicaux. « L’objectif c’est quand même une prise en charge qualitative pour pouvoir à un moment sortir de longue maladie », ajoute encore le directeur de la CPS.
Le carnet rouge, relais social malgré lui
Un constat que les libéraux ne démentent pas : « dans certains cas » le carnet rouge « permet aux gens de se soigner alors qu’ils n’ont pas forcément les moyens ». Et revêt donc un aspect social qui dépasse les considérations médicales. Certains soufflent d’ailleurs au gouvernement l’idée, pour régler en partie la question du poids financier des carnets rouges, de travailler sur l’accompagnement social du Pays. En clair : aider ceux qui ont du mal à se soigner mais qui ne répondent pas directement aux critères médicaux graves de la longue maladie.
Pour limiter les incompréhensions, un cycle de discussions a été lancé entre la CPS et les libéraux sur la question des carnets rouges. Il s’agit « d’harmoniser les pratiques » côtés prescripteurs, de repréciser les critères d’attribution et de prolongation côté contrôle médical… Mais aussi de lever le flou juridique qui existe à ce jour sur les pathologies éligibles à la longue maladie.
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