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lèpre journée mondiale 2020
chiffres lèpre 2020
L’OMS avait décrété en 2005 que la lèpre n’était plus un problème de santé publique compte-tenu de la réduction de la prévalence de la maladie. Mais depuis, les chiffres ont prouvé le contraire, la lèpre n’est pas éradiquée, loin de là ! L’organisation a donc dévoilé en avril 2016 une stratégie mondiale de lutte contre la lèpre 2016-2020. Cette année encore, plus de 210 000 nouveaux cas sont répertoriés dont près de 5% d’enfants de moins de 15 ans engendrant des dizaines de milliers d’infirmes. A l’occasion de la 67ème journée mondiale des lépreux, le 26 janvier dernier, le point sur cette maladie, trop souvent passée sous silence…
La lèpre est une maladie ancestrale mais qui reste encore un problème actuellement dans certains pays. Encore trop de personnes infectées gardent des séquelles suite à l’infection.
Si, en près de 10 ans, les nouveaux cas de lèpre détectés diminuent légèrement dans le monde, (244 796 en 2009 à 208 619 en 2018 (OMS – relevé épidémiologique du 30/08/2019), il reste encore de nombreux foyers fortement endémiques. Même si la tendance indique donc un déclin progressif du nombre de nouveaux cas détectés dans le monde, en réalité, depuis que l’OMS a déclaré l’infection éliminée comme problème de santé publique en 2005, le nombre de nouveaux cas dépistés chaque année n’a pas diminué et reste d’ailleurs très probablement sous-estimé. 
Dans le monde, on compte encore près de 3 millions de lépreux avec des infirmités ou des mutilations. Une personne est touchée toutes les 2 minutes par l’infection . Ces chiffres étant globaux, la pathologie est surtout surreprésentée dans certains régions du globe.  
En effet, si ces 20 dernières années, plus de 12 millions de lépreux ont été guéris, et la maladie éliminée dans 108 des 122 pays où elle était considérée comme un problème de santé publique, elle demeure toutefois un enjeu majeur dans 14 pays d’Afrique, d’Asie et d’Amérique Latine. Plus précisément pour six d’entre eux qui regroupent 83% de la prévalence mondiale et 88% des nouveaux cas annuels mondiaux : Inde, Brésil, Indonésie, Népal, République Démocratique du Congo, Mozambique. D’autre part, la lèpre reste endémique dans de nombreux autres pays (Angola, Madagascar, République Centrafricaine, Tanzanie,…) ainsi qu’à Mayotte !
Même si la lèpre se soigne, encore 3 millions de personnes vivent avec une infirmité
L’Ordre de Malte à l’occasion de la 67e édition de la Journée mondiale contre la lèpre, le rappelle : Maladie de la pauvreté, de l’ignorance et de la honte, la lèpre touche les populations isolées coupées des systèmes de santé. Stigmatisés, les lépreux souffrent donc non seulement de cette maladie qui « lèche la peau et mord les nerfs », mais aussi d’abandon puisqu’ils sont alors exclus de société, même une fois guéris ! La honte associée à la maladie demeure un obstacle à la consultation spontanée et au traitement précoce. Il est donc très difficile de contrôler la maladie et son évolution : c’est un des plus grands défis.

La première description écrite de la lèpre date de 600 avant J-C. Déjà présente dans les civilisations antiques en Chine, en Egypte et en Inde, elle a toujours été un fléau marqué par la stigmatisation et l’exclusion. C’est une maladie infectieuse chronique provoquée par un bacille : le Mycobacterium leprae ou bacille de Hansen, du nom du scientifique qui l’a découvert en 1873. Ce dernier semble être transmis par des gouttelettes d’origine nasale lors de contacts étroits et fréquents avec des personnes infectées et non traitées.
Une des principales caractéristiques de cette bactérie est qu’elle se multiplie lentement. Si sa période d’incubation est en moyenne de 5 ans, il peut arriver que les premiers symptômes apparaissent dans la première année comme au bout de 20 ans ! Même si cette pathologie n’est « pas très contagieuse » selon l’OMS, ce laps de temps est propice à la propagation de la maladie, les personnes infectées demeurant asymptomatiques. C’est d’ailleurs une des raisons qui rend l’éradication de la pathologie difficile à l’échelle mondiale. La bactérie ayant la préférence pour les régions froides du corps, une des méthodes employées en diagnostic est d’effectuer un frottis mince à partir du derme du lobe de l’oreille.
En Afrique, on dit souvent que la lèpre « lèche la peau et mord le nerf ». En effet, le bacille de Hansen agit selon un double tropisme : cutané et neurologique. Sa première manifestation se traduit ainsi par des lésions dermatologiques, sous forme de dépigmentation légère, indolore.
Puis, la lèpre s’attaque aux nerfs périphériques. Apparaissent alors une perte d’élasticité de la peau, des poils, des cheveux, ainsi que des troubles de la transpiration. Ces premières manifestations de la maladie ne suscitent généralement pas d’inquiétude particulière chez les patients. Mais, au fur et à mesure que la bactérie s’installe dans l’organisme, la personne touchée subit une perte de sensibilité (à la chaleur, aux piqûres, aux brûlures…) entraînant des blessures qui risquent de se surinfecter. Puis apparaissent les premiers handicaps : une perte de fonction et des paralysies au niveau du visage, des yeux et des membres supérieurs et intérieurs.
Enfin, à des stades avancés,  la maladie peut entraîner des nécroses au niveau des articulations périphériques des doigts et des pieds ce qui peut nécessiter une amputation. On distingue deux types de lèpre : paucibacillaire (une à cinq lésions cutanées insensibles) et multibacillaire (plus de cinq lésions cutanées insensibles)
En Afrique, on dit souvent que la lèpre « lèche la peau et mord le nerf »
La lèpre demeure une maladie de la pauvreté, de l’exclusion, du manque d’hygiène et la promiscuité. Le bacille de Hansen s’attaque généralement à des personnes justement éloignées du système de soins. De plus, comme les malades ne souffrent pas des premiers signes cliniques de la lèpre, ils ne perçoivent donc pas l’urgence qu’il y a à consulter un médecin.
Surtout, au début, la lèpre est considérée comme une simple dermatose, courante dans les zones rurales des pays concernés et qui est donc rarement traitée. Ajoutons à cela que dans beaucoup de pays d’Afrique, la médecine traditionnelle a encore une grande valeur. Les malades se tournent donc en priorité vers des « guérisseurs », qui ne connaissent pas la maladie et sont incapables de la guérir.
Autre contrainte importante du dépistage passif et qui limite son efficacité : l’éloignement des centres sanitaires. Pour se rendre dans un hôpital ou au dispensaire le plus proche, les malades doivent parfois marcher durant des jours. Le fait de s’absenter de leur travail sur une longue période peut peser lourdement sur l’économie familiale. Sans compter que, si la prise en charge de la lèpre est gratuite pour le patient, la consultation générale nécessaire à son dépistage est payante : un frein supplémentaire pour ces populations pauvres.  
Enfin, cette maladie reste encore largement stigmatisée. Restant « tabou » dans de nombreux pays, la honte qui y est associée demeure un obstacle à la consultation spontanée. Les patients préfèrent notamment se cacher ou se rassembler dans des lieux confinés plutôt que de se rendre aux centres de santé pour y recevoir des soins adaptés. Un dépistage précoce permet, pourtant, d’éviter la propagation de l’infection, de traiter le malade et de le guérir définitivement et sans séquelle. Or, la pratique la plus courante pour dépister la pathologie consiste « à attendre » que les cas suspects viennent de leur propre initiative pour consulter dans les services de santé. Cette méthode ayant montré ses limites, un dépistage actif semble une solution prometteuse.
Par exemple, les équipes de la Fondation Raoul Follereau transforment leurs visites sur le terrain en dépistage intégré. Il s’agit ainsi de profiter de ces visites pour identifier d’autres pathologies de la peau. Cela nécessite l’achat de médicaments supplémentaires, mais renforce la confiance des populations et réintègre la lèpre en tant que maladie « comme les autres ». Le dépistage actif est également l’occasion d’une formation continue des soignants autour des cas de lèpre. Dans les centres de soins, faute de malades, ces formations ne sont que théoriques. Enfin, dans le cadre de ce dépistage actif, les équipes s’appuient souvent sur d’anciens patients, ce qui leur donne plus de légitimité, contribue à leur réinsertion et à la dédiabolisation de la maladie.
Les traitements efficaces existent, mais la lèpre perdure. Trois à huit nouveaux cas de lèpre par an en Polynésie. En 2019, cinq Polynésiens ont été diagnostiqués comme porteurs de la maladie et soignés.

Les malades ne sont plus contagieux dès la première prise du traitement. La lèpre est aussi une maladie dont on peut guérir et le traitement à un stade précoce permet d’éviter les incapacités.
Le traitement préconisé par l’OMS depuis 1981 permet de guérir les malades et d’éviter, s’il est administré suffisamment tôt, les invalidités. Il s’agit d’une polychimiothérapie (PCT). Celle-ci comprend 2 ou 3 antibiotiques: la dapsone et la rifampicine pour tous les patients et la clofazimine ajoutée pour les cas multibacillaires. La lèpre paucibacillaire peut être guérie en 6 mois et la lèpre multibacillaire en 12 mois. De plus, les malades ne sont plus contagieux dès la première dose de PCT. D’autre part, aucune résistance du bacille n’a aujourd’hui été observée, alors que dans les années 60 sa résistance à la dapsone, seul antilépreux alors disponible, avait été constatée.
Cependant, après l’éradication du bacille, dans un cas sur 3, des atteintes nerveuses appellent des gestes chirurgicaux très spécialisés. La chirurgie de réhabilitation est nécessaire pour reconstruire des fonctions perdues (pince pouce-index, prises digitales, contrôle de la stabilité du pied).
De nombreux acteurs dont l’Ordre de Malte France oeuvre pour l’information des patients et la formation des personnels de santé qui restent des éléments clés pour lutter contre la lèpre dans la durée et pour aboutir à une autonomisation efficace des différents pays. Ils permettent également la réalisation d’interventions chirurgicales souvent complexes qui rendent aux malades l’usage de leurs mains, de leurs jambes… Les patients doivent ensuite réapprendre les gestes quotidiens, facilités dans certains cas par des prothèses et appareils adaptés réalisés sur place et sur mesure.
En parallèle, la recherche avance ! Des travaux ont également été réalisés concernant différents protocoles thérapeutiques pour réhabiliter les patients avec des séquelles. Le vaccin contre la lèpre vient d’entamer sa toute première phase d’essais cliniques aux Etats-Unis sur un groupe de volontaires sains. De nouvelles directives de l’OMS, publiées en septembre 2018, recommandent pour la première fois la chimioprophylaxie chez les personnes évoluant dans un environnement à risque, notamment celles qui sont en contact avec les malades présentant la forme multi-bacillaire (la plus contagieuse) afin d’éviter qu’elles ne la contractent. Ainsi, des progrès ont été accomplis… Cependant, cela prendra encore de nombreuses années avant d’aboutir à un vaccin généralisable, c’est pourquoi les efforts pour combattre la maladie doivent se poursuivre !
Howard Catton, Directeur général du Conseil International des Infirmier(e)s, a observé que les infirmières, particulièrement nombreuses dans les soins de santé primaires, sont idéalement placées pour contribuer à minimiser les conséquences de la lèpre et pour permettre aux patients de mener une existence bien remplie. M. Catton a déclaré à ce propos que partout dans le monde, les infirmières sont en position de force pour aider les personnes atteintes de la lèpre à accéder rapidement au traitement et pour prévenir les conséquences débilitantes à long terme de cette maladie. Les infirmières peuvent aussi travailler avec les communautés pour éduquer le public de même que combattre la stigmatisation et les désavantages qui rendent cette maladie encore plus débilitante qu’elle ne devrait l’être.
Le Directeur général du CII a aussi souligné que les infirmières ont largement fait leurs preuves dans la prise en charge des lépreux mis au ban des sociétés dans lesquelles ils vivent. M. Catton a cité, à cet égard, les exemples de Marianne et Margaritha, deux infirmières originaires d’Autriche qui ont soigné des personnes atteintes de la lèpre en Corée pendant trente-neuf ans, sans jamais demander de salaire. Une campagne a été lancée pour la nomination de nos deux collègues au prix Nobel de la paix, en récompense de leurs efforts désintéressés. M. Catton a insisté sur le fait que Marianne et Margaritha ont mis leur vie au service de personnes moins chanceuses qu’elles. Non seulement les deux infirmières ont fait preuve d’une humanité, d’une attention et d’une compassion sans pareilles, mais, ce qui est plus important encore, elles ont aussi brisé les tabous qui visaient les personnes atteintes de la lèpre. En 2020, l’Année du personnel infirmier, il n’est guère de reconnaissance plus digne des soins infirmiers et de leur apport à l’humanité que l’octroi du prix Nobel de la paix à deux infirmières extraordinaires.
La Stratégie mondiale de lutte contre la lèpre 2016-2020 s’articule autour des trois piliers suivants : renforcer l’appropriation par les autorités, la coordination et le partenariat, mettre fin à la lèpre et à ses complications, mettre fin à la discrimination et promouvoir l’inclusion.
Sources OMS et dossier de presse de l’Ordre de Malte
Roxane Curtet
Journaliste Infirmiers.com
roxane.curtet@infirmiers.com@roxane0706
Article mis à jour le 26 janvier 2020 par la rédaction d’Infirmiers.com


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