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Circonstance : Audition devant la Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République de l'Assemblée nationale
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M. le président Sacha Houlié. Nous poursuivons l’examen pour avis des missions budgétaires relevant de notre commission, en l’occurrence celui de la mission Outre-mer. Nous sommes ravis de vous recevoir, Monsieur le ministre délégué, pour cette deuxième fois en moins d’un mois.
M. Jean-François Carenco, ministre délégué auprès du ministre de l’intérieur et des outre-mer, chargé des outre-mer. Merci de me donner cette occasion de présenter la partie dépenses de la mission Outre-mer du projet de loi de finances (PLF) pour 2023. Pour ce qui est des recettes, le Gouvernement a eu recours au 49.3, ce qui donnera sans doute lieu à une motion de censure. En attendant, il a retenu quelques ajouts à son texte initial qui me semblent aller dans le bon sens.
C’est le cas de l’éligibilité à la défiscalisation du renouvellement de la flotte de pêche pour les navires de douze à quarante mètres à La Réunion – en parallèle, des discussions consacrées au financement du renouvellement se déroulent à Bruxelles, de manière, disons, franche et directe. Je pense aussi au travail sur le livre foncier à Mayotte, nécessaire pour progresser, au duty free aux Antilles, à la prolongation de deux ans du dispositif de défiscalisation pour la rénovation des logements libres en outre-mer, ou encore à la prolongation de 2025 à 2029 des dispositifs de défiscalisation – autant de bonnes nouvelles pour l’ensemble des populations ultramarines.
Le budget consacré à l’outre-mer est tourné vers le quotidien de nos concitoyens ultramarins. J’espère que son incidence sera rapide et visible. Il est bien plus large que la mission Outre-mer proprement dite, et retrace l’effort – certes lent – de la nation au profit de ces territoires. Ce sont en tout 32 missions et 101 programmes qui sont consacrés à l’outre-mer, 20 milliards d’euros en autorisations d’engagement (AE) et 21,7 milliards en crédits de paiement (CP), soit une hausse, dont je me félicite, de 500 millions par rapport à 2022. Certains militent pour que la mission regroupe l’intégralité des programmes concernés. Cela ne me semble pas souhaitable. Mieux vaut qu’elle se concentre sur certains sujets et que chaque ministère puisse, en responsabilité et aussi à l’initiative des parlementaires, pousser des dépenses au profit de ces territoires.
Les principales missions intervenant en outre-mer sont les suivantes : Enseignement scolaire, pour 6 milliards, Outre-mer pour 2,8 milliards, Écologie, développement et mobilité durables pour 2,3 milliards –  y compris la péréquation de l’énergie à Wallis-et-Futuna, Saint-Martin et Saint-Barthélemy, effort collectif de la nation au profit de nos compatriotes de ces trois territoires – Relations avec les collectivités territoriales pour 2,3 milliards, Solidarité, insertion et égalité des chances pour 1,9 milliard et Sécurités pour 1,3 milliard, cette dernière étant en hausse de 1 %.
Autre élément important de l’effort budgétaire en faveur des outre-mer, les dépenses fiscales sont stables, à 6,8 milliards. Il faut relativiser ce montant, qui est pour l’essentiel lié aux taux réduits d’impôt applicables outre-mer, notamment la TVA à taux nul pour les carburants. D’aucuns réclament une TVA à zéro pour les produits de première nécessité, contre 2,1% actuellement. J’y suis opposé, car l’effet serait immédiatement annulé par les revendeurs. Ce sont des mesures structurelles qui sont nécessaires.
Le reste du champ de la défiscalisation s’élève à 1 milliard, dont 700 millions pour l’investissement productif et 300 millions pour le logement social. Nous travaillons avec le ministère de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique pour que cette défiscalisation cible bien l’investissement productif, c’est-à-dire créateur de richesse, et pas simplement ” de confort “. J’ai lancé avec Gabriel Attal un travail d’évaluation du champ de l’investissement productif dans la perspective du PLF pour 2024.
Nombre de collectivités ultramarines rencontrent des difficultés financières structurelles, sans pour autant se trouver dans une situation de catastrophe absolue. Elles finissent toujours par régler les entreprises, mais avec des délais de paiement trop longs, ce qui entraîne des conséquences néfastes pour l’emploi. Il faudrait les ramener à 80 ou 90 jours. Nous travaillons avec l’AFD (Agence française de développement) à un système d’affacturage général qui offrirait aux entreprises un bol d’air immédiat.
Il y a lieu de se réjouir de l’achèvement du rattrapage de la dotation d’aménagement des communes et circonscriptions territoriales d’outre-mer (Dacom) dans le PLF pour 2023, conformément à l’engagement du Président de la République. Cette dotation affiche une hausse considérable de 150 millions par rapport à 2016, soit 71%. Par rapport à 2022, la progression est de 26 millions, soit 11%, et s’ajoute à celle de la dotation globale de fonctionnement – nous n’avons pas encore les données complètes, mais l’outre-mer aura sa part de l’augmentation de 300 millions constatée au niveau national. Toutefois, les collectivités ultramarines bénéficient d’une péréquation limitée. J’ai entamé avec ma collègue Caroline Cayeux un travail sur ce sujet qui nourrit un débat légitime.
Nous pouvons également nous réjouir de la stabilisation des dotations d’investissement au niveau national. La création d’un Fonds vert de 2 milliards a bien sûr attiré mon attention. Je ferai tout pour que les collectivités ultramarines puissent en bénéficier au maximum : je rencontrerai prochainement Christophe Béchu dans cette optique.
S’agissant de la lutte contre la vie chère, nous avons su nous mobiliser pour apporter des solutions d’urgence. Le paquet ” pouvoir d’achat ” de cet été a ainsi permis de débloquer 19 millions pour des aides d’urgence aux populations ultramarines – je regrette que la situation l’ait rendu nécessaire. Nous avons aussi lancé, avec Gérald Darmanin, la démarche d’un « Oudinot du pouvoir d’achat ». Elle devrait aboutir le 15 novembre – j’avais été trop optimiste en pensant que ce serait possible pour septembre – avec des engagements locaux et nationaux. Il s’agit d’accroître le nombre de produits figurant dans le bouclier qualité prix (BQP) et de trouver un accord de modération des prix.
Cette démarche a pris la forme de négociations locales conduites par les préfets et regroupant l’ensemble des parties prenantes – les acteurs économiques et, pour la première fois, les collectivités locales. J’ai fermement demandé à ces dernières de participer à cet effort de lutte contre la vie chère, sachant que les recettes de l’octroi de mer sont en nette progression – +11% au premier semestre 2022. Dans la plupart des cas, elles ont répondu positivement. Quoi qu’il en soit, la vraie réponse à la vie chère passe par des mesures structurelles, par des réformes fortes et par la création de richesse et de valeur dans les territoires ultramarins.
Le Président de la République a souhaité ouvrir le chantier de la réforme de l’octroi de mer, à juste titre puisque ce dispositif est au cœur des politiques économiques : il représente des recettes pour les collectivités locales, mais aussi un moyen de dynamiser et orienter la concurrence et la production locale ainsi qu’un outil en faveur de l’écologie. Mais l’octroi de mer ne peut s’envisager séparément du reste de la fiscalité. Une réflexion de fond sur l’ensemble démarrera donc prochainement en vue d’aboutir à des réformes structurelles et, si nécessaire et sans tabou, institutionnelles.
J’en viens au détail de la mission Outre-mer et de ses programmes 138 Emploi outre-mer et 123 Conditions de vie outre-mer. Les crédits de la mission s’élèvent à 2,9 milliards en AE et 2,8 milliards en CP, en hausse de 11 %, soit 300 millions environ dans les deux cas. Il s’agit d’une hausse significative, puisque l’inflation outre-mer est plutôt légèrement plus faible qu’en métropole. Hors compensation des exonérations sociales patronales, les AE progressent de 8 %.
Quatre priorités sont identifiées.
La première consiste à répondre aux préoccupations quotidiennes des habitants, en particulier sur le plan environnemental. Concernant le Plan eau en Guadeloupe, la mission que j’avais confiée à mon directeur de cabinet Joël Mathurin s’est traduite par neuf engagements partagés par le syndicat mixte de gestion de l’eau et de l’assainissement de Guadeloupe (SMGEAG), la région et le département. J’ai sollicité et budgété une augmentation exceptionnelle de 10 millions pour accompagner le syndicat mixte. Cette somme sera versée en contrepartie d’engagements opérationnels et financiers en matière de gouvernance. Nous avons recruté un directeur « musclé », qui fait consensus. Les engagements seront suivis dans le cadre d’un contrat et d’une gouvernance à quatre – SMGEAG, conseil régional, conseil département et État. Il ne s’agit en rien de placer le SMGEAG sous tutelle mais de rassembler les énergies, chacun dans sa ligne de compétence, afin qu’en matière d’eau la Guadeloupe connaisse un ” avant Fiona ” et un ” après Fiona “.
Par ailleurs, j’ai pu constater à Saint-Martin que la lutte contre les sargasses porte ses fruits. Le ministère contribue au programme Interventions territoriales de l’État à hauteur de 3,5 millions et prendra en charge, en 2023, la totalité des investissements nécessaires aux trois services publics anti-sargasses qu’il a été convenu, État et collectivités réunies, de créer. Nous réglerons ces affaires ultramarines avec un travail d’équipe renforcé, sans état d’âme et en se disant la vérité. Les parlementaires avec qui j’échange régulièrement savent que c’est ce que nous faisons.
S’agissant du logement, nous consommons la LBU (ligne budgétaire unique) depuis deux ans, et je m’en félicite. Les problèmes dans ce domaine ne sont pas financiers, mais liés au foncier et aux normes. Concernant le Fnap (Fonds national des aides à la pierre), Action Logement accepte de reporter les 400 millions qui lui restaient en réserve après son dernier plan d’investissement volontaire sur le suivant. Par ailleurs, nous essayons de développer dans plusieurs territoires – Mamoudzou et Koungou, Fort-de-France, Saint-Laurent du Maroni, Saint-Martin – des procédures particulières, avec des prêts locatifs aidés d’intégration (PLAI) et des opérations d’intérêt national (OIN) d’accords parties. Il nous faut maintenant dépenser l’argent que nous avons, en trouvant le foncier que nous n’avons pas encore mais qui existe. Les opérations seront coordonnées. Je recevrai bientôt à Paris tous les organismes HLM d’outre-mer en vue de constituer une « armée » pour le logement.
Par ailleurs, les moyens en faveur de la continuité territoriale sont maintenus à 45 millions pour le droit commun et à 47 millions pour les dispositifs de soutien à la formation. La continuité territoriale est l’une de mes préoccupations majeures.
Deuxième priorité : la création de valeur sur chaque territoire. La Première ministre a accepté de prolonger d’un an les contrats de plan qui arrivaient à échéance cette année. La contribution du ministère de l’outre-mer est stable, à hauteur de 190 millions.
Les moyens en faveur de la diversification agricole restent modestes mais doublent tout de même, passant de 3 à 6 millions. C’est un signal. Par ailleurs, je négocie à propos du POSEI, le programme européen d’options spécifiques à l’éloignement et à l’insularité. Le ministère de l’agriculture, lui, a accepté de maintenir son effort à hauteur de 45 millions. Enfin, la compensation des exonérations sociales versées par l’État progresse de 203 millions, ce qui signifie certes que l’État s’engage pour l’emploi, mais aussi que l’emploi progresse.
La troisième priorité vise à renforcer l’ambition républicaine pour et grâce aux habitants du territoire. Les projets de service militaire adapté (SMA) sont nombreux, avec une nouvelle implantation à Hao et une autre à Mayotte. Saint-Martin en demande une aussi : c’est bon signe !
Enfin, la quatrième priorité est l’accompagnement des collectivités territoriales. Le fonds outre-mer sera réabondé à hauteur de 10 millions pour poursuivre des actions d’assistance technique. Le projet global que nous déployons en liaison avec l’AFD dans l’océan Indien et l’océan Atlantique permettra de disposer d’un système quasi automatique d’assistance technique. Enfin, les moyens du FEI (fonds exceptionnel d’investissement) sont maintenus. Si une autorisation de programme affectée au FEI ne se concrétise pas, l’argent est perdu. J’invite donc les collectivités locales à ne proposer que des projets qu’elles pensent vraiment réaliser.
M. le président Sacha Houlié. S’agissant de l’eau, vous avez évoqué deux projets essentiels aux Antilles. Le calendrier fixé par la loi du 29 avril 2021 créant le syndicat mixte est-il respecté ? Les investissements que vous avez annoncés permettront-ils d’accélérer le déploiement des réseaux d’eau en Guadeloupe ?
Par ailleurs, le phénomène des sargasses ne diminue pas et pourrait même s’amplifier en fonction du résultat des élections brésiliennes. Vous avez annoncé la création d’un service public partagé entre l’État et la collectivité, à tout le moins pour la Martinique. Les agents seront-ils ceux de l’État, ou directement affectés dans une société nouvellement créée ? Le cas échéant, un partage des tâches et des compétences est-il prévu ?
Enfin, s’agissant du BQP, observez-vous des lignes directrices communes à tous les territoires ultramarins dans les négociations, ou chaque solution dépend-elle du territoire et de ses spécificités ?
M. Yoann Gillet, rapporteur pour avis. Le budget que le Gouvernement souhaite consacrer aux outre-mer en 2023 est insuffisant. Si les documents budgétaires font apparaître une petite hausse en euros constants, il s’agit en réalité, compte tenu de l’inflation, d’une baisse de budget en euros courants.
Dans mon rapport, j’ai choisi de mettre en exergue le thème de la sécurité, cher à nos compatriotes ultramarins et complémentaire des ” conditions de vie “, titre de l’un des programmes de la mission.
La sécurité est la première des libertés. Dans un grand nombre de territoires d’outre-mer, la promesse républicaine n’est pas tenue. En septembre, une opération ” île morte ” a eu lieu à Mayotte en réponse à des affrontements entre bandes ou avec la police. En Guyane, la situation est telle qu’il a fallu convoquer des Assises de la sécurité. Et comment oublier qu’à l’automne 2021, les Antilles ont été le théâtre d’un embrasement social qui a vu les forces de l’ordre essuyer des tirs à balles réelles ?
Au-delà des coups de projecteur médiatiques, les chiffres sont parlants. Les faits de coups et blessures volontaires, par exemple, qui sont de 4,5 pour 1 000 personnes en France hexagonale, atteignent 7,4 en moyenne outre-mer et même 8,4 en Guadeloupe et 9,8 en Guyane. Les conséquences sont directes et quotidiennes pour plus de 2 millions de nos compatriotes. Comment vivre normalement lorsqu’on craint de se faire agresser, ou d’être victime d’un vol violent ? Comment aller travailler si les routes sont bloquées ? Comment assurer une éducation à ses enfants si sa voiture, le car scolaire ou l’école ont été incendiés ? Sans compter les conséquences de l’insécurité pour le tourisme et l’attractivité économique de ces territoires.
Lors des nombreuses auditions que j’ai conduites, les acteurs de terrain, en particulier, m’ont parlé d’impunité et de forces de l’ordre épuisées, de moyens insuffisants et d’équipements pas toujours adaptés. J’ai cherché, dans mon rapport, à rendre compte des principales causes de l’insécurité dans les outre-mer et à attirer l’attention sur des solutions déjà appliquées, à des degrés divers : les outre-mer ont besoin d’un choc de moyens et d’une volonté politique ferme, pour ne pas dire intraitable, face à l’insécurité.
Parmi les principaux facteurs qui alimentent l’insécurité, on trouve notre incapacité à contrôler correctement nos frontières outre-mer. Dans un environnement géographique souvent instable et économiquement défavorisé, cette porosité expose les territoires à tous les trafics – armes, stupéfiants, migrants. S’ensuivent des règlements de comptes, des infractions violentes, des coups de sang, sous l’emprise de stupéfiants ou d’alcool, à proximité d’armes.
Ces territoires connaissent de façon générale une situation socio-économique plus dégradée que le reste de la France, avec des nuances locales. Le chômage, les difficultés familiales et la pauvreté entretiennent l’insécurité mais souvent, le point de départ est la présence de personnes en situation irrégulière, habituées à une violence banalisée et aux trafics ou infractions lucratifs. La situation sécuritaire à Mayotte, submergée par une immigration incontrôlable en provenance des Comores, l’illustre suffisamment.
Les timides hausses d’effectifs des forces de l’ordre ne sont pas à la hauteur. Sans le choc de moyens que j’évoquais, la situation deviendra hors de contrôle. Coopération diplomatique, réponse judiciaire, développement socio-économique, moyens de surveillance et de contrôle aux frontières, présence de forces de l’ordre : tous ces axes doivent être renforcés et mobilisés. Mais surtout, rien ne sera possible sans une volonté politique forte.
Lors des auditions, les représentants des syndicats de police ont dit leur lassitude d’être sans cesse entendus par des parlementaires sans que rien ne change. À ce rythme, la situation deviendra selon eux incontrôlable dans dix ans, en Guyane et à Mayotte notamment. Plus que de la lassitude, nos forces de l’ordre sont en colère – et elles ont raison. Puissent-elles être non seulement écoutées, mais entendues pour que nos compatriotes ultramarins connaissent enfin le cadre de vie apaisé auquel ils ont droit.
M. le président Sacha Houlié. En Guyane, où je me suis rendu avec les ministres, les Assises de la sécurité se sont traduites par l’affectation de près de 150 personnels des forces spécialisées, de gendarmes du Raid et de magistrats supplémentaires pour la lutte contre le trafic de stupéfiants, la pérennisation d’un escadron de gendarmerie mobile et le doublement du nombre de douaniers à l’aéroport.
Nous allons maintenant entendre les orateurs des groupes.
M. Guillaume Vuilletet (RE). Non, l’augmentation du budget de l’outre-mer n’est pas cosmétique, puisqu’elle est de 8 % compte tenu des effets de périmètre et en particulier des transferts des comptes sociaux. On peut juger que c’est insuffisant, mais pas que c’est une baisse.
S’agissant de la sécurité, le projet de loi d’orientation et de programmation du ministère de l’intérieur (LOPMI) consacre plusieurs dispositions spécifiques à l’outre-mer. Le document de politique transversale illustre lui aussi l’effort de l’État en la matière, avec une augmentation de plus de 8% des crédits pour la justice et de près de 15 millions d’euros pour la police. On peut noircir la situation, mais il faut aussi savoir reconnaître ce que font l’État et les fonctionnaires de la justice et de la sécurité.
Nos onze territoires d’outre-mer sont très divers – trois océans, des univers bien spécifiques – mais ont aussi des points communs, à commencer par une histoire marquée par de profonds déséquilibres et des inégalités criantes, que l’État s’emploie maintenant à réparer. L’effort constant de la majorité depuis la précédente législature se traduit par les contrats de convergence et de transformation (CCT), lesquels seront maintenus pendant encore un an avec environ 190 millions de crédits. Est-ce suffisant pour rattraper une histoire séculaire, avec des fractures et des blessures fortes ? Sans doute pas. Mais l’effort est là, la volonté est affichée et une perspective est donnée.
Sur le plan institutionnel, le rendez-vous du 7 septembre montre que les desiderata des autorités locales sont pris en compte. La restauration des finances communales permet de donner aux territoires les outils de leur développement. Cela soulève nombre de difficultés, et nous devrons essayer d’éviter les effets pervers ou les angles morts pour les communes qui ont signé des contrats de redressement en outre-mer (Corom). Je me réjouis que vous ayez évoqué l’affacturage : j’avais dit, lors de la création de ces contrats, qu’il pouvait assurer un bon équilibre. Il faut demander aux communes de restaurer leurs capacités financières, tout en accompagnant les entreprises qui sont leurs clientes.
La faible évolution du développement régional est décevante, mais les perspectives existent. Nos territoires peuvent être des postes avancés, mais aussi des ” petits dragons “.
Par ailleurs, comment dynamiser l’action pour l’habitat indigne ?
Mme Gisèle Lelouis (RN). Monsieur Carenco, l’on savait que vous n’étiez pas Mazarin, de Gaulle ou Félix Éboué et l’on n’attendait rien de vous, mais quand même ! Les Français ultramarins sont déçus, très déçus. Ils espéraient que la mission Outre-mer réponde à leurs attentes et que le PLF pour 2023 soit une révolution. Encore raté ! Comme l’a dit le rapporteur, rien ne change : il n’y a pas d’effort majeur pour mettre en avant ce qui pourrait être notre force ; les axes et les crédits stagnent, le rapport le montre clairement.
Vous nous direz qu’outre-mer tout va bien, qu’il n’y a pas vraiment besoin de plus, que les habitants sont trop loin pour vous embêter. Isolés, ils sont confrontés aux mêmes problèmes qu’en métropole mais en pire, plus spécifiques et moins pris en compte par les pouvoirs publics. Ayez du cœur ! Regardez enfin l’outre-mer, nos compatriotes abandonnés depuis quinze ans et qui manquent de tout, à commencer par le respect d’avoir un ministère qui leur est propre. Vous ne voyez pas large. Peut-on vous en vouloir, puisque vous ne décidez pas vraiment ? La seule, en France, qui voit loin et large, la seule qui défend l’outre-mer, c’est notre ” ultra-Marine “.
Afin que ces territoires ne soient pas plus longtemps les oubliés de la République, Marine Le Pen proposait dans son programme présidentiel la création d’un ministère d’État de la mer et de l’outre-mer. Elle souhaitait engager un grand programme pour quinze ans. À la place, nos territoires ultramarins n’ont qu’un secrétariat d’État. Quelle honte, pour tant de potentiel, et de gens qui souffrent ! Pensez-vous que nos compatriotes d’outre-mer doivent continuer à être traités comme des citoyens de seconde zone ? Le deuxième espace maritime mondial ne mérite-t-il pas d’être valorisé ?
C’est notre projet et ce lien qui unit Marine aux outre-mer qui les ont conduits à la hisser en tête partout au second tour de la dernière élection présidentielle. Inspirez-vous de nous et respectez-les ! Votre mission n’est qu’une broutille, alors qu’il faudrait une volonté politique et des moyens en matière pénale pour combattre l’insécurité en Guyane et à Mayotte. La lutte contre le chômage ne pourra se faire qu’en rendant ces territoires plus attractifs, en développant l’économie bleue. Nous répondons à tout, dans notre projet.
Quand seront indemnisées les victimes des essais nucléaires en Polynésie ? Quel est votre plan pour l’école ou pour protéger les écosystèmes en danger ? Comment renforcerez-vous l’unité de la Nouvelle-Calédonie ? Vous manquez d’ambition !
Pas sectaires, nous sommes prêts à travailler avec vous, sur les problèmes d’eau aux Antilles, les problèmes d’immigration à Mayotte, les problèmes de pouvoir d’achat et de manque de soins partout !
Monsieur Carenco, nous sommes inquiets pour l’outre-mer, car nous avons vu ce que la ville de Lyon est devenue lorsque vous étiez préfet du Rhône ; nous avons vu votre bilan face au terrorisme, puisque vous étiez préfet de Paris en 2015. Lorsque vous étiez président de la Commission de régulation de l’énergie (CRE), en 2021, vous avez estimé que la crainte des Français concernant une possible hausse des prix était illégitime et infondée. On voit le résultat, à l’heure où les prix de l’énergie explosent !
Partout où vous passez, c’est la catastrophe. Oui, le groupe RN est inquiet. Les craintes des Français, y compris en outre-mer, sont légitimes. Illégitime, c’est vous qui l’êtes, non élu mais choisi, et qui obéit sagement à M. Darmanin.
M. le président Sacha Houlié (RE). Merci, Madame Lelouis…
Mme Gisèle Lelouis (RN). Walter Raleigh disait ” qui tient la mer tient le commerce du monde ; qui tient le commerce tient la richesse ; qui tient la richesse du monde tient le monde lui-même “. Parce que la puissance et le rayonnement de toute la France viendront de la mer, nous devons faire de la mer le cœur de notre projet… (Le président coupe le micro de l’oratrice.)
M. Jean-Philippe Nilor (LFI-NUPES). Création de richesse dans les outre-mer, dites-vous ? Je m’interroge, comme nous devrions tous le faire, au sujet du terme ” outre-mer “. Si, habitant Fort-de-France, je me qualifie d’ultramarin, cela signifie-t-il que je me définis par rapport à un centre, Paris ? Ce terme traduit le maintien d’un lien colonial entre l’Hexagone et nos territoires. Si je suis outre-mer pour vous, vous êtes outre-mer pour moi lorsque je suis en Martinique ! Ces difficultés sémantiques sont un aveu d’incompréhension et un malentendu persistant, qui devra être réglé.
De mandat en mandat, de secrétariat d’État en ministère de plein exercice, de budget en budget, le positionnement des territoires dans l’ensemble français et la prise en compte de leurs réalités semblent décidément bien complexes. Chaque année, en dépit des intentions louables du Gouvernement, et des efforts parfois sincères, le budget qui leur est consacré montre la nette insuffisance des moyens, en quantité et en qualité, pour répondre aux besoins des populations et à leur aspiration à mieux vivre.
Cette année encore, le budget alloué aux territoires dits ultramarins ne sera pas à la hauteur des ambitions légitimes des peuples, bien que la mission soit dotée de 2,665 milliards d’euros en autorisations d’engagement et de 2,489 milliards en crédits de paiement. Cette hausse est relative, puisqu’elle provient pour les deux tiers d’une hausse prévisionnelle et mécanique des compensations d’exonérations de cotisations sociales, après la baisse des années précédentes, dont la majorité est comptable.
Ce budget n’intègre pas les conséquences du mal-développement, et encore moins les effets retard des mesures prises dans la gestion catastrophique du covid dans des domaines clés – économique, environnemental, social et sociétal. Il occulte les grands défis qui nous attendent à moyen terme, comme la politique du grand âge, dans un contexte de vieillissement des populations, l’autosuffisance alimentaire, les pollutions environnementales – quid du service public anti-sargasses promis par le ministre des outre-mer ? – la gestion des ressources ou l’accès à l’eau potable en quantité et en qualité – pas seulement en Guadeloupe.
Ce budget est-il de nature à réduire les trop fréquentes discriminations et inégalités qui minent nos territoires ? Le programme 138 fait la part belle aux exonérations de cotisations au profit des moyennes et grandes entreprises, laissant de côté 90% du tissu économique. L’approche exclusive par l’emploi des jeunes, qui mise essentiellement sur le service militaire adapté, traduit-elle une volonté de militarisation de notre jeunesse ? Les militaires seraient-ils les nouveaux missionnaires ?
M. Mansour Kamardine (LR). J’aurais pu adhérer au volet relatif à la sécurité du budget, en y apportant une correction concernant Mayotte : même si les moyens ont été renforcés, effort que je salue, ils restent inférieurs aux attentes. Je propose d’ailleurs d’organiser une mission d’information sur Mayotte, pour tous ceux qui ne connaissent la situation qu’à travers des rapports en total décalage avec la réalité. Mais, si un projet de budget traduit la politique du Gouvernement en matière financière et matérialise le passage des mots à l’action, j’ai malheureusement le sentiment qu’il y a ici erreur de traduction.
J’apprécie de travailler avec vous, qu’on vous appelle secrétaire d’État, ministre d’État ou sous-ministre. Depuis votre arrivée, vous avez tenu des propos encourageants qui répondent en partie aux attentes des Ultramarins. Je vous remercie pour cette écoute et votre volonté, que je pense sincère, d’inscrire l’action de l’État dans une coconstruction et un dialogue positif avec les outre-mer. Cependant, la progression des crédits de la mission Outre-mer est principalement portée par l’augmentation mécanique des exonérations des charges patronales, qui représentent les deux tiers de la croissance annoncée et 61% des CP totaux de la mission.
Les mesures nouvelles se concentrent sur le SMA, dont les crédits augmentent de 28 millions d’euros. Nous nous en félicitons : vous passez incontestablement des paroles aux actes. En revanche, nous craignons que la stabilisation du FEI entraîne, compte tenu de l’inflation, une baisse des capacités d’investissement des collectivités d’outre-mer.
Par ailleurs, le manque de suivi et de pilotage par l’État de l’application des CCT, vertement dénoncé dans un récent rapport de la Cour des comptes, conduit le Gouvernement à les prolonger en 2023. Sur 1,9 milliard d’euros de financement inscrits, seuls 900 millions auront été décaissés fin 2022.
Le budget de la mission Outre-mer acte donc le décalage permanent entre les annonces gouvernementales et la réalité sur le terrain. Dans un contexte de forte inflation, particulièrement pour les transports ou les coûts de construction, il ne permettra ni la croissance du PIB ni l’amélioration des conditions de vie des Ultramarins. En outre, l’examen des crédits globaux consacrés aux outre-mer – la mission n’en rassemble que 13% – révèle une baisse de l’effort en euros constants.
C’est implicitement admis dans le document de politique transversale : ” l’effort global de l’État en outre-mer en 2023 est stable par rapport à 2022, soit 20,1 milliards d’euros en AE “. Or un budget stable en période inflationniste est un budget en baisse. C’est en particulier le cas des crédits dédiés à la promotion d’un aménagement durable et à la transition écologique.
Enfin, il n’est pas commun de chanter l’égalité républicaine lorsque la région la plus pauvre de France, Mayotte…
M. le président Sacha Houlié. Merci, monsieur Kamardine.
Mme Mathilde Desjonquères (Dem). La hausse de 11% des crédits de la mission, qui s’établissent à 2,9 milliards d’euros, est destinée à concrétiser plusieurs priorités. Le groupe Démocrate sera attentif à la façon dont les objectifs fixés seront remplis.
Les outre-mer, un terme qui recouvre des réalités bien différentes, doivent faire l’objet d’un soutien spécifique de la part de l’État. Parmi les principaux défis de ces territoires, il y a l’accès, à commencer par l’accès à l’eau. La question n’est pas celle du manque d’eau, mais de son acheminement. En Guadeloupe, 60% de l’eau injectée dans le réseau n’arrive jamais au robinet. Les usagers paient pour l’entretien de canalisations qui cassent faute d’investissement. La députée démocrate Justine Benin et le sénateur Dominique Théophile ont fait un travail remarquable pour rénover la gouvernance du service public de l’eau. Leur loi est une avancée, mais il reste beaucoup à faire. Le PLF prévoit une enveloppe exceptionnelle de 10 millions pour accompagner le SMGEAG : est-ce suffisant pour améliorer structurellement la situation ? Quel est le rôle concret de l’État ?
L’accès aux soins est un autre sujet de préoccupation, face aux inégalités qui traduisent des disparités territoriales et sociales favorisant le renoncement aux soins des personnes précaires ou vivant dans des communes isolées.
Corrélée aux enjeux de la santé, la protection de l’environnement constitue également une priorité. S’agissant de la lutte contre les sargasses dans les Antilles, votre budget abonde à hauteur de 3,5 millions d’euros le programme Interventions territoriales de l’État. L’État prendra en charge la totalité des investissements des services publics anti-sargasses. Il faut continuer dans ce sens.
Quant à l’accès aux biens et aux services, la hausse des prix dans l’Hexagone est décuplée dans les outre-mer, mettant le pouvoir d’achat des habitants à rude épreuve. L’inflation concerne aussi le prix des billets d’avion. La difficulté à rejoindre le continent écorne le principe de continuité territoriale. Des dispositifs sont-ils prévus à ce sujet ?
L’accès à l’emploi doit aussi être une priorité. La réponse passe par des dispositifs spécifiques d’insertion socio-professionnelle. Votre ministère sera doté de 30 millions supplémentaires au bénéfice du SMA, qui a montré toute sa pertinence en la matière. Il faut s’assurer que les jeunes qui en sortent répondent aux besoins du marché de l’emploi.
Enfin, l’accès au logement connaît des spécificités en outre-mer. Votre ministère prend en charge les crédits alloués aux logements sociaux, qui augmentent de 4 millions. Envisagez-vous de lancer un troisième plan Logement outre-mer (Plom), au regard du bilan positif de celui de 2019-2022 ?
Notre groupe votera en faveur des crédits de la mission.
M. Philippe Naillet (SOC). Je vous ai déjà interpellé, monsieur le ministre délégué, sur l’inadaptation du décret relatif au BQP pour les entreprises ultramarines. D’autres l’ont fait également, ainsi que des associations d’élus locaux et la Fedom (Fédération des entreprises des outre-mer). C’est une question de première importance. Les entreprises ultramarines sont dans une situation compliquée, avec une addition des difficultés depuis 2020 – hausse du coût du fret, de l’énergie et des matériaux, allongement des délais de paiement. C’est un enjeu économique, et pour l’emploi, puisque des entreprises ferment. À La Réunion, le taux de chômage atteint 17 à 18%.
La vie chère est une vraie préoccupation pour nos territoires. L’argument d’une inflation moins forte que dans l’Hexagone est irrecevable, parce qu’il faut aussi prendre en compte la réalité sociale. À La Réunion, 37% de la population vit sous le seuil de pauvreté et 150 000 personnes ont eu recours aux colis alimentaires en 2021. Je ne suis pas sûr que vous accepteriez d’échanger notre taux de pauvreté avec votre taux d’inflation.
Comment et quand adapterez-vous les critères d’éligibilité au dispositif de soutien, avec l’intégration des dépenses de gazole non routier (GNR) ?
Mme Naïma Moutchou (HOR). Les défis sont immenses pour les territoires d’outre-mer, particulièrement touchés par la crise sanitaire, dont les effets délétères sur le plan économique, social et sanitaire continuent de courir. Ce budget est l’occasion de redire que la représentation nationale est engagée en faveur de nos compatriotes ultramarins, pour améliorer les conditions de vie, définir une stratégie et apporter des réponses adaptées et différenciées.
Cette mission est une réponse. Il y en a d’autres dans le budget de l’État, avec des moyens supplémentaires transversaux dans les domaines de la transition écologique, du pouvoir d’achat, du soutien aux collectivités et de la sécurité – enjeu majeur pour l’outre-mer. En la matière, Monsieur le rapporteur, on ne peut pas dire que rien n’a été fait – mais nous partons de loin !
Ce budget, en hausse, permet de continuer dans la même dynamique que les années précédentes pour répondre aux préoccupations directes des territoires et y améliorer les conditions de vie. Des crédits sont consacrés à l’assainissement de l’eau, à l’accès au logement, à la continuité territoriale, à la formation et à la création de valeur et de richesse. Les moyens alloués à la diversification agricole doublent, en complément de la contribution du ministère de l’agriculture pour renforcer la production locale et relever le défi de l’autonomie alimentaire des territoires ultramarins. Le budget permettra de renforcer la compétitivité des entreprises et aidera à l’insertion et à la qualification professionnelles. L’avenir de la jeunesse est en jeu. Nous ne pouvons pas nous satisfaire d’un taux de chômage deux à trois fois plus élevé que dans l’Hexagone.
Le groupe Horizons et apparentés votera ce budget, qui permettra d’accompagner les territoires au plus près de leurs besoins.
Quid de la stratégie de lutte contre l’immigration, laquelle participe à la paupérisation et à l’insécurité qui touchent les populations plus précaires ?
M. Jérémie Iordanoff (Écolo-NUPES). La situation des territoires ultramarins est très dégradée : pauvreté, vie chère, pollution, chômage, carence des services publics… Le taux de chômage, qui est de 9% en métropole, atteint 24% à La Réunion et 38% à Mayotte. Le décrochage scolaire est deux fois plus élevé outre-mer, de même que, et c’est insupportable, la mortalité infantile. Les services publics sont dans un état de délabrement indécent. Les transports sont plus que lacunaires, les logements insalubres, plus de la moitié de la population ultramarine n’est pas raccordée à internet.
En Polynésie française, la moitié de la population n’a pas l’eau courante ; à Mayotte et en Guyane, le quart ne dispose pas d’eau potable à domicile ou à proximité, et les réseaux d’assainissement sont embryonnaires – certaines communes n’en ont aucun. En Guyane, l’eau des fleuves est contaminée au mercure, du fait de l’orpaillage. En Nouvelle-Calédonie, 7 % de la population n’a pas accès à l’eau potable et le traitement de l’eau n’est pas assuré pour 40% des foyers de la côte est. En Martinique, le prix de l’eau est le plus élevé de France, à 5,40 euros le mètre cube. En Guadeloupe, certaines localités ne sont pas raccordées à l’eau potable, 60% de l’eau est perdue à cause du manque d’entretien des réseaux de distribution, les deux tiers des stations d’épuration ne sont pas conformes et les réseaux de collecte des eaux usées ne sont pas étanches. Vous avez annoncé 10 millions pour la Guadeloupe, mais le besoin de l’ensemble des territoires ultramarins est évalué à 1 milliard : on est loin du compte !
Cette situation est intolérable, alors que ces territoires disposent de secteurs de pointe : agroalimentaire, énergies renouvelables, biodiversité, astrophysique, sismologie…
Le budget manque également d’ambition pour la jeunesse. Le service militaire adapté mis à part, qu’est-il prévu pour l’enseignement supérieur et la recherche ? Que proposez-vous pour sortir ces territoires de leur dépendance économique vis-à-vis de la métropole, ou-pour les accompagner dans la dépollution et l’instauration de plans d’alimentation durable ? Formerez-vous les agriculteurs en agroécologie, notamment dans l’exploitation des cannes à sucre et des bananes ? Les 6 millions que vous dédiez à la diversification agricole suffiront-ils à garantir la souveraineté alimentaire ?
Comment comptez-vous garantir la souveraineté énergétique des outre-mer ? Pourquoi ne pas miser sur le potentiel dont ils disposent – la chaleur, le vent, le soleil ? Des investissements dans ce domaine diminueraient à terme la facture énergétique de nos concitoyens. Le fait que ces territoires dépendent encore des centrales thermiques à pétrole ou à charbon, polluantes et coûteuses, est un non-sens.
M. Max Mathiasin (LIOT). J’en ai assez des discours convenus, toujours sur le même canevas, déroulant des caricatures qui au passage minimisent l’action des députés ultramarins. Les outre-mer ne sont pas des coupe-gorge, des territoires dans lesquels rien ne se fait.
Monsieur le ministre délégué, je salue votre effort en faveur du dialogue et de la coconstruction – par le passé, nous avons souvent déploré de n’être jamais consultés. Vous avez été prompt à vous rendre en Guadeloupe après la tempête Fiona, et vous avez pris plusieurs initiatives, par exemple pour le service de l’eau. Cela étant, le sous-développement structurel de mon pays remonte à loin et toutes les mesures conjoncturelles ne suffiront pas pour favoriser un développement structuré et cohérent des territoires d’outre-mer.
Regardons notre histoire en face : le propre de l’économie coloniale est sa déstructuration ; elle est fondée sur la production et l’exportation de denrées dites coloniales comme la canne, la banane, le sucre ou le rhum. Pour dépasser ce modèle, nous devons agir de concert. Un effort redoublé de l’État est indispensable. La prolongation d’un an des CCT est insuffisante. Ces contrats ont été créés par la loi de programmation relative à l’égalité réelle outre-mer. Mais l’égalité ne peut pas être ” réelle ” : soit elle est, soit elle n’est pas.
Je veux continuer à travailler avec vous et à vous faire confiance. Nous jugerons sur pièces, et dans les discussions qui doivent venir sur plusieurs sujets. Mais je vous demande davantage d’efforts pour le logement, et aussi sur la situation des agents suspendus – je sais qu’un dialogue est entamé.
M. le président Sacha Houlié. Merci monsieur Mathiasin…
M. Max Mathiasin (LIOT). Je souhaite aussi que vous preniez en compte les amendements qui ont déjà été acceptés. (Le président coupe le micro de l’orateur.)
M. Moetai Brotherson (GDR-NUPES). S’il ne faut pas tomber dans la caricature, il faut aussi admettre que depuis des décennies, les indicateurs socio-économiques de nos territoires sont très éloignés de la réalité hexagonale : chômage, coût de la vie, niveau d’éducation… Tous les ans, nous attendons une révolution budgétaire et politique. Ce que vous nous offrez, c’est une évolution, sachant que votre budget représente 13% de l’ensemble des crédits dédiés aux outre-mer. S’il semble en augmentation, il est stable ou en recul compte tenu du contexte inflationniste.
La relation entre l’État et nos collectivités doit s’inscrire dans le temps long, avec une vision stratégie qui dépasse le mandat et nous permette de nous projeter. C’est important pour les peuples, pour les acteurs économiques, mais aussi pour l’État.
Mes questions concernent le bassin pacifique. Le BQP s’applique-t-il chez nous ? Dans le cas contraire, que peut-on faire, par voie conventionnelle ou autre ? Par ailleurs, où dans le budget peut-on trouver une concrétisation de la stratégie indo-pacifique dont nous entendons beaucoup parler depuis deux ans ? Enfin, confirmez-vous que le dispositif de défiscalisation sera prolongé – ce dont je vous remercie le cas échéant ?
M. Jean-François Carenco, ministre délégué. Vous avez raison : moi aussi j’en ai assez des caricatures, d’entendre réciter ce que nous avons appris depuis quinze ans. Je ne suis pas content non plus que le rapporteur attaque avec un mensonge.
Vous savez très bien, monsieur le rapporteur, que l’inflation en outre-mer n’est pas de 11%. Si vous mentez volontairement sur l’évolution du budget, comment croire le reste de votre discours ?
Et vous, madame la représentante du Rassemblement national, je ne répondrai pas à vos questions. Pour ce que vous avez évoqué, j’ai fait condamner le Front national à Lyon – et j’ai reversé l’argent à des associations. Vraiment, ce n’est pas possible : vous répétez des propos pour lesquels vous avez été condamnés, vous mettez la discussion sur le plan politique, alors que nous devons parler de l’outre-mer ! Quand l’avenir de millions de personnes est en jeu, on ne ment pas !
S’agissant de l’accès à l’eau en Guadeloupe, les problèmes ne sont pas financiers, à ce stade, mais organisationnels. Les réunions que nous avons tenues sur place après la tempête Fiona, la venue à Paris du président du SMGEAG et le voyage en Guadeloupe de mon directeur de cabinet ont permis de clarifier les priorités et les questions de gouvernance. La gouvernance appartient clairement au président du SMGEAG, mais avec un comité qui comprend les présidents du conseil régional et du conseil départemental et le préfet. Tout le monde s’est mis d’accord, nous avons recruté un directeur général et planifié les travaux. Il y a de l’eau, même s’il n’y en a pas assez. Il y a des tuyaux d’eau, même s’ils sont percés. Je suis confiant quant à ce nouveau départ, qui était nécessaire.
Concernant les sargasses, nous appliquons la même méthode. Je ne suis pas pour un État colonial. Le ministre n’a pas à décider à la place des élus et de la population – ce n’est ni le souhait du Gouvernement ni celui du Président de la République. Nous sommes dans un schéma de plus forte responsabilisation, un schéma de rupture.
À Saint-Martin, d’où je reviens, le service public anti-sargasses fonctionne. C’était le plus facile, puisqu’il n’y a qu’un interlocuteur. En Guadeloupe, il me semble que nous en sommes parvenus au point où cela va fonctionner. En Martinique, la question est de savoir s’il faut inclure les mairies dans la gouvernance du système. Elle devrait être résolue début novembre, lorsque je me rendrai sur place.
S’agissant du BQP, je ne cherche pas à avoir une cohérence d’ensemble : on ne mange pas la même chose partout ! En revanche, il doit y avoir une cohérence de méthode. Les BQP en vigueur représentent 1,3 à 1,4% du panier familial de consommation. L’objectif est de les augmenter progressivement, avec un optimum idéal de 5%. Il faut aussi impliquer les collectivités dans la création de la chaîne de prix. Je l’ai dit, je suis satisfait qu’elles aient répondu positivement. Je veille également à jouer à la fois sur les entreprises locales et sur ce qui vient d’ailleurs : j’ai engagé une discussion avec les grands groupes qui fournissent des produits à l’outre-mer. Enfin, je travaille à la question extrêmement compliquée du transport, qui soulève un problème de prix mais aussi problème de capacité. J’aurai des discussions avec Air France la semaine prochaine pour qu’il y ait de la place dans les soutes pour transporter des marchandises. Pour le reste, les discussions sont en cours et aboutiront le 15 novembre.
S’agissant du développement régional, il est assez simple d’y travailler en Polynésie et en Nouvelle-Calédonie. C’est plus compliqué avec les Antilles, la Guyane, La Réunion, Saint-Pierre-et-Miquelon – en somme, tous ceux qui sont dans le système européen des RUP (régions ultrapériphériques). La Nouvelle-Calédonie pourrait avoir un accord de libre-échange total avec les Fidji ou le Vanuatu, mais l’équivalent n’est pas imaginable pour les collectivités qui font partie de l’Union européenne. Avec l’Europe, il y a des avantages financiers – les fonds européens sont très importants, je n’en ai pas encore parlé, et ils ne sont d’ailleurs pas suffisamment consommés – mais il y a aussi des règles, souvent compliquées. Ainsi, le financement du port de Futuna vient de perdre trois ans à cause d’un changement de méthode, et je ne parle même pas du renouvellement des flottes de pêche. Bref l’inclusion dans l’espace régional doit intervenir à deux niveaux, politique et économique, et il faut tenir compte des règles européennes. Je serai à Bruxelles les 16 et 17 novembre pour la réunion des RUP et nous essaierons de progresser !
J’en viens aux questions sur l’habitat indigne. S’agissant de l’agglomération de bidonvilles de Mamoudzou-Koungou, une mission partira dans les jours prochains avec l’objectif très concret de la création d’une SPLA (société publique locale d’aménagement), pour laquelle j’ai obtenu l’accord de principe du maire de Mamoudzou et du président du conseil territorial. Quant à Saint-Laurent du Maroni et Fort-de-France, je me bats pour récupérer un peu d’argent du Fnap. Il faudrait 50 millions d’euros.
Comme monsieur Nilor, j’ai lu le bel article de Patrick Chamoiseau sur le terme d’ultramarin – je le rencontrerai dans les jours qui viennent. Je suis plutôt d’accord avec vous : l’histoire est là, alors que construit-on maintenant ? Cessons de croire que le budget résume l’action des pouvoirs publics, des collectivités locales et de chaque citoyen ! Le budget ne résout pas tout, et le ministre encore moins : il participe. Nous pourrons rediscuter de ces termes. Je m’occupe d’outre-mer depuis 1988, et l’on me reproche autant de dire ” outre-mer ” que ” métropole “. Ça devient compliqué… Mais ce problème sémantique soulève une question de fond. L’histoire est complexe. On parle de colonisation dans les outre-mer, mais ce qui s’est passé en Polynésie n’a rien à voir avec ce qui s’est passé au Togo, dans les Antilles ou à Mayotte. Essayons de ne pas être binaire, mais parlons-en.
La hausse des remboursements de cotisations sociales signifie que la situation s’améliore – qu’il y a plus de salariés ou qu’ils gagnent plus. On peut considérer que ce n’est pas suffisant, mais j’en suis tout de même heureux.
Les défis existent, mais nous les relevons. C’est le cas avec les sargasses. Quant à l’eau potable, ce n’est pas le ministre qui décide de faire une nouvelle bassine ou une usine de dessalement de l’eau de mer à Mayotte : il influe, mais la décision appartient aux élus locaux. Je discute à leurs côtés avec Vinci ou Bouygues Construction, mais je ne déciderai pas. Ensuite, nous pourrons les aider techniquement, s’ils le demandent.
Un mot à propos de la jeunesse. À Saint-Martin, j’ai été étonné du dynamisme de ce qui se passe. La création de la mission locale date de mai 2022 ; c’est un succès. Quant à la ” militarisation ” des jeunes, si tous les élus locaux et toute la population souhaitent l’installation d’un régiment du service militaire adapté, ce n’est pas pour avoir des militaires mais parce qu’il s’agit d’un outil de formation efficace. Sur place, j’ai tout simplement été applaudi dans la rue !
Mayotte mérite plus, même si nous faisons déjà beaucoup. Je m’y rendrai à nouveau, et je recevrai cet après-midi l’ensemble des maires, qui sont à Paris. Nous progresserons. Nous devons agir tant en matière de sécurité qu’en matière d’investissements et de responsabilisation. Par exemple, les habitants veulent travailler, mais il faut parfois quatre heures pour y aller le matin et quatre heures pour revenir ! Voilà la réalité de Mayotte, qui me préoccupe autant que l’immigration sauvage. Il faut agir dans les deux domaines.
Quant aux CCT, ce qui m’étonne, c’est la sous-consommation des crédits, mais sachez que nous travaillons sur la question de l’assistance technique. Les prochains CCT présenteront en préambule tous les investissements nécessaires au cours des vingt années suivantes, qui devront être priorisés, puis un relevé des discussions menées avec les départements, les régions et l’État pour faire converger les fonds européens, et enfin, et c’est le principal, une feuille de route économique.
Il faut déterminer ce que l’on veut faire, sur le plan du développement économique, pour les vingt à trente ans qui viennent, mais aussi ce que l’on est capable de réaliser. On ne fera pas à la Martinique des stations touristiques comme à Saint-Domingue : la différence est trop grande en termes de pauvreté. Ce qui m’amène à observer au passage que l’immigration, dans nos territoires d’outre-mer – je mets Mayotte à part – est aussi un signe, même si elle pose de nombreux problèmes, que la République, c’est mieux que le reste. Il faut le dire, de temps en temps !
Madame Desjonquères, c’est en Guadeloupe et à Mayotte qu’on rencontre les principales difficultés d’accès à l’eau. À Mayotte, nous venons de signer une convention en la matière, qui porte sur 411 millions d’euros, ce qui est loin d’être négligeable. Je suis en discussion avec les élus locaux pour que les entrepreneurs agissent vite.
Partout doivent se développer des projets d’Ehpad. Nous travaillons à rassembler les propriétaires et les gestionnaires, mais ces projets appartiennent aux élus locaux. L’État veut les accompagner, mais pas gouverner les territoires à leur place. Le Président de la République a une vision très forte à ce sujet.
La continuité territoriale présente deux facettes, externe et interne. La première concerne tous les territoires ultramarins. Nous avons rencontré un premier succès, en la matière, en sauvant Air Austral. Ce fut difficile, mais nous sommes arrivés, avec Mme Bello, à nous mettre d’accord, y compris pour préserver la desserte de Mayotte. Je cherche à présent la modique somme de 550 millions pour venir en aide à Corsair et Air Caraïbes. Par ailleurs, Air France doit faire un effort sur la fréquence des dessertes – je pense en particulier à Saint-Martin – et les tarifs.
La continuité externe est également maritime. Pour ne citer que les Antilles, je discute avec les directeurs des ports de Fort-de-France et de Pointe-à-Pitre au sujet de l’adaptation aux évolutions en cours dans le monde du transport, notamment l’augmentation de la taille des bateaux et leur verdissement. Il est de l’intérêt de ces ports d’être des hubs d’où partent les liaisons vers les îles de la région. Cela représente pour chacun d’eux un investissement de 200 millions.
La continuité intérieure, elle, relève d’abord des régions et des départements, même s’ils peuvent solliciter le ministère des outre-mer pour obtenir une aide technique ou financière. Une des difficultés actuelles concerne Futuna, que plus aucune compagnie ne dessert à partir de Wallis. Ce sont des sujets difficiles, qui demandent du temps.
En matière de logement, il me semble que le Plom est paralysé par ses procédures de contrôle. J’ai rencontré tous les présidents de collectivités et les maires intéressés. Nous avons déterminé des priorités à Mayotte, à Saint-Laurent-du-Maroni, à Pointe-à-Pitre, pour ne citer que ces collectivités. Il nous faut construire du logement social, mais pas uniquement : loger les fonctionnaires qui font tourner les hôpitaux et les écoles est aussi important, surtout compte tenu du prix du studio à Saint-Barth. La LBU est utilisée pour des actions qui excèdent parfois son périmètre. Nous devons travailler avec les collectivités locales dans tous ces domaines, en créant éventuellement des SPLA ou des OIN. Cela permettrait un engagement supplémentaire de l’Agence nationale de l’habitat et de l’Agence nationale pour la rénovation urbaine.
Monsieur Naillet, certes l’inflation est plus faible qu’en France hexagonale, mais elle frappe une population qui n’a pas le même niveau de vie.
S’agissant de l’énergie, j’ai beaucoup insisté pour que le bouclier tarifaire s’applique outre-mer. Les tarifs réglementés de vente d’électricité (TRVE) s’appliquent aux entreprises de moins de 1 million d’euros de chiffre d’affaires ou de moins de 10 salariés, soit la très grande majorité des sociétés outre-mer, qui bénéficient du bouclier tarifaire domestique. Par ailleurs, je mène actuellement des négociations, non sans difficulté, au sujet du plafonnement du TRVE pour les entreprises de plus de 1 million d’euros de chiffre d’affaires ou plus de 10 salariés ; cela concerne principalement les services publics, notamment dans le domaine de l’eau.
Madame Moutchou, c’est vrai, le budget n’est pas la seule, ni même la principale réponse aux enjeux de l’outre-mer : ce qui prime, c’est l’engagement collectif.
Les moyens engagés en faveur de la diversification agricole passent de 3 à 6 millions d’euros. En parallèle, nous avons recours au Fonds européen agricole pour le développement rural, et le ministère de l’agriculture accomplit pour sa part un gros effort. Je suis en discussion avec l’Odeadom (Office de développement de l’économie agricole d’outre-mer) et m’efforce d’activer le programme d’options spécifiques à l’éloignement et à l’insularité. Un petit plaisir : on a enfin ouvert l’abattoir de Saint-Martin, dont j’avais émis l’idée il y a vingt ans, lorsque j’étais préfet de Guadeloupe ! Reste à régler les dysfonctionnements qui font que cela a été si long.
Monsieur Iordanoff, s’agissant du logement et des collectivités locales, nous avons tenu les engagements du Président de la République. Nous accomplissons des efforts en matière d’enseignement et de recherche. Il y a une université à Mayotte. Nous travaillons sur le Crous (centre régional des œuvres universitaires et scolaires) de Guyane. Nous rénovons des hôpitaux. Tout ne va pas bien, c’est vrai, mais il faut avoir conscience des efforts collectifs qui sont faits.
J’ai découvert récemment qu’en Guyane, on se connectait fréquemment au réseau surinamien pour avoir la 4G, ce qui est plus onéreux. J’ai déjà rencontré à cinq reprises le président Serville, avec qui nous bâtissons des projets, notamment en matière énergétique.
Ce serait une erreur de supprimer les usines de fabrication fonctionnant au fioul : mieux vaut les convertir au bioliquide. Dans chaque territoire il doit y avoir, même si on souhaite s’en servir le moins possible, une usine productrice d’énergie à partir du bioliquide ou du gaz. Il n’est pas admissible que, dans une zone non interconnectée (ZNI), on ne bénéficie pas d’un système stabilisé offrant une certaine sécurité énergétique. C’est pourquoi la République finance des usines dont l’ambition est de ne pas fonctionner, ou le moins possible – 500 ou 700 heures par an. On ne peut pas laisser les ZNI fonctionner uniquement avec les énergies renouvelables : cela les condamnerait à n’avoir aucune industrie lourde et stable. Ainsi, monsieur Dunoyer, j’espère qu’on arrivera à verdir tout le nickel, mais il faudra tout de même une centrale au gaz si nous voulons être crédibles !
S’agissant du covid, j’ai fait des propositions et j’attends une réponse officielle. Il est naturel que les syndicats en demandent toujours plus, mais l’ensemble du corps médical hospitalier est opposé à la réintégration des soignants non vaccinés. Il faut trouver une voie, même si elle sera étroite. J’ai renoué des discussions personnelles avec Gaby Clavier et Élie Domota, que je connais de longue date. En tout état de cause, je respecterai l’avis de la Haute autorité de santé. La question demeure pour les non-soignants, mais nous avons fait, me semble-t-il, des propositions intéressantes à leur égard.
Monsieur Brotherson, en effet, le BQP ne s’applique pas chez vous. La stratégie indo-pacifique n’a pas uniquement une traduction budgétaire : elle a d’abord pour finalité que la Polynésie vive bien. Enfin, je vous confirme que le dispositif de défiscalisation est prorogé.
M. Yoann Gillet, rapporteur pour avis. Je suis d’accord, il faut gommer tout mensonge de nos discours. À cet égard, je constate que les programmes 138 et 123, à périmètre constant, voient leur progression limitée à 1% – elle est un peu supérieure si l’on considère le champ des lois de finances précédentes. Dès lors, après prise en compte de l’inflation, les crédits sont en baisse. Nos outre-mer méritent mieux : on a accumulé un tel retard qu’il faut engager un vrai plan d’action en leur faveur.
Si l’on veut gommer tout mensonge, il faut dire aussi, monsieur le ministre délégué, que vous n’avez jamais fait condamner le Front national (FN) : vous avez fait condamner une personne qui en avait été exclue bien avant les faits qui lui étaient reprochés. La présidente du FN vous avait d’ailleurs demandé, alors que vous étiez préfet, de ne pas valider la liste que cette personne menait dans le cadre des élections municipales, car elle revendiquait faussement son appartenance au parti.
Monsieur Vuilletet, le projet de Lopmi ne contient aucune mesure spécifique aux outre-mer. Il faut espérer que nos travaux se traduisent par l’adoption de telles dispositions.
Le sentiment communément partagé est que l’on a besoin de davantage de moyens pour l’outre-mer. Plutôt que de verser dans la politique politicienne et de mentir à tout-va, nous ferions mieux de travailler ensemble pour faire avancer les choses. J’en profite, monsieur le ministre délégué, pour vous remettre le programme de Marine Le Pen pour l’outre-mer, cela pourra vous servir.
M. le président Sacha Houlié. Monsieur le rapporteur, ce n’est pas l’objet de notre réunion. On ne fait pas ce genre de choses ici, c’est lamentable. Je vous demande de ranger votre document. Quant à la Lopmi, il faut mieux la lire. C’est la loi de programmation du ministère de l’intérieur et des outre-mer, les affectations budgétaires sont dedans.
Nous en venons aux questions des députés.
M. Philippe Dunoyer (RE). Monsieur le rapporteur, les moyens dédiés à la sécurité en Nouvelle-Calédonie ont été considérablement renforcés depuis cinq ans, qu’il s’agisse de la police, de la gendarmerie ou des forces militaires navales. Cela s’est vu dans la lutte contre l’insécurité routière et les violences intrafamiliales et, plus généralement, dans l’ordre public. Ce n’est jamais assez, évidemment, mais, s’il ne faut pas mentir, il ne faut pas non plus oublier de relever ce qui a été construit.
Au passage, le parallèle à peine voilé qui a été dressé tout à l’heure entre les précédentes fonctions de monsieur le ministre délégué et les attentats de novembre 2015 est intolérable, indécent et injustifiable dans notre assemblée. C’est de la politique politicienne ; cela n’a rien à voir avec la mission Outre-mer.
J’observe que ce sont les députés issus de l’outre-mer qui réagissent le plus calmement. Cela m’inquiète, car la pire des choses serait que les sujets concernant l’outre-mer et, singulièrement, l’avenir institutionnel de la Nouvelle-Calédonie, fassent l’objet d’une instrumentalisation. Aucun budget n’a jamais permis ni ne permettra de régler tous les problèmes d’un seul coup. Les crédits de la mission sont en hausse, même si l’inflation peut amener à tempérer ce constat. Nous nous réjouissons qu’un travail soit conduit l’année prochaine pour revoir le périmètre de la défiscalisation. Par ailleurs, je présenterai un amendement sur la continuité territoriale intérieure, qui est un sujet essentiel en Nouvelle-Calédonie et en Polynésie. Enfin, je souhaiterais que le service militaire adapté, qui fonctionne très bien, soit un peu plus présent en Nouvelle-Calédonie en 2023.
M. Stéphane Rambaud (RN). Les crédits de la mission Outre-mer sont en augmentation pour 2023. On ne peut que se réjouir de certaines avancées, telles l’inscription de 4 millions d’euros pour la construction d’abris cycloniques en Polynésie française ou l’affectation de 3,5 millions pour la lutte contre les sargasses.
Cela étant, la majeure partie de cette augmentation, pour 200 millions, résulte d’un phénomène mécanique de hausse des compensations des exonérations patronales – d’après les prévisions des organismes de sécurité sociale – sans que le régime soit modifié.
Deuxièmement, on relève un manque de souffle, de vision pour nos outre-mer. Les outre-mer, ce sont avant tout des compatriotes souvent oubliés. Ainsi, même devant des besoins fondamentaux, comme l’accès à l’eau en Guadeloupe, qui n’est pas digne, le budget n’est pas à la hauteur. D’autres aspects de la vie courante sont aussi oubliés, comme la sécurité : les drames s’enchaînent à Mayotte dans l’indifférence de Paris et des autorités locales de l’État.
L’outre-mer offre à la France le deuxième plus grand espace maritime du monde. Où est la vision stratégique française en la matière ? Où sont les moyens de protection de notre espace maritime, à l’heure où la Chine déploie des moyens considérables pour s’affirmer sur un espace maritime pourtant bien plus réduit que le nôtre ?
M. Jean-Hugues Ratenon (LFI-NUPES). À La Réunion, l’été arrive, qui offre des conditions propices à la prolifération des moustiques et autres vecteurs de maladies comme la dengue et la leptospirose – qui, rappelons-le, peuvent être mortelles. Il semblerait que, dans ce domaine, deux tiers des emplois aidés n’aient pas été attribués, en raison de la baisse de la prise en charge, décidée en février, concernant l’ensemble des services, et de la disparition du dispositif du parcours emploi compétences (PEC) dédié. Par ailleurs, la durée moyenne de onze mois ne permet pas d’assurer une formation suffisante des bénéficiaires. Monsieur le ministre délégué, seriez-vous favorable à un dispositif spécifique de PEC pour l’outre-mer, en tenant compte de nos différences de situation ?
J’avais proposé un amendement visant à rétablir le congé de solidarité, prévu par la loi d’orientation pour l’outre-mer du 13 décembre 2000, qui a été jugé irrecevable par les services. Êtes-vous favorable au rétablissement de ce dispositif, qui avait permis à La Réunion d’embaucher 2 000 jeunes ?
Enfin, soutiendrez-vous la revalorisation du revenu de solidarité outre-mer pour sortir les bénéficiaires de la pauvreté ?
M. le président Sacha Houlié. Monsieur Ratenon, ce ne sont pas les services qui ont jugé votre amendement irrecevable mais monsieur Coquerel, président de la commission des finances, en application de l’article 40 de la Constitution.
M. Mansour Kamardine (LR). Pour décrire les problèmes de Mayotte en très peu de mots, je dirais : 37% de chômage des jeunes, des aides sociales 50 % en dessous de celles de l’ensemble du territoire, et 77% de la population sous le seuil de pauvreté. Pour en sortir, nous souhaiterions que le Gouvernement réfléchisse à l’extension des dispositifs de défiscalisation existant dans les RUP, qui favorisent la création d’emplois. Puisqu’on refuse d’assurer l’égalité sociale entre Mayotte et l’Hexagone, au moins pourrait-on favoriser ce dispositif, qui pourrait du reste être étendu à l’ensemble des départements et régions d’outre-mer (DROM).
M. Jean-Philippe Nilor (LFI-NUPES). Quelle mouche a piqué La Poste depuis qu’elle est responsable du dédouanement des colis à destination des outre-mer ? Ses nouveaux tarifs ont considérablement renforcé le phénomène de la vie chère !
M. Jean-François Carenco, ministre délégué. Monsieur Nilor, en effet, le prix du port excède parfois la valeur de ce qui est transporté. J’ai voulu voir le directeur des relations institutionnelles de La Poste ; si nos discussions ne débouchaient pas sur une solution satisfaisante, je saisirais le président-directeur général de la société, Philippe Wahl, afin qu’il soit au courant des bêtises qui se font.
Monsieur Ratenon, vous voulez rétablir la préretraite à 55 ans : je ne suis pas sûr que ce soit dans l’air du temps. On a besoin de travailler pour créer de la valeur. Pour notre part, nous essayons plutôt de faire travailler les seniors, parce que ne plus trouver de travail après 50 ans, c’est un vrai drame.
La Réunion est le département qui présente le plus de similarités avec la métropole. Je ne suis donc pas sûr que les systèmes qui s’y appliquent doivent être complétement différents, mais je préfère laisser Gabriel Attal répondre plus en détail sur les sujets que vous avez évoqués.
Monsieur Rambaud, l’augmentation du budget de la mission est en effet due, pour une large part, à la hausse des exonérations de cotisations sociales. C’est un vrai succès : cela veut dire qu’un plus grand nombre de gens travaillent, ou alors pour un salaire supérieur. Il y a tout lieu de s’en satisfaire.
Je n’ai peut-être pas su traduire la vision qui anime mon action et je m’en excuse, mais je peux vous assurer qu’il y en a une, même si elle diffère de la vôtre.
Monsieur le rapporteur, une partie des exonérations de cotisations sociales qui étaient toutes rattachées au budget de l’outre-mer ont été transférées, à hauteur de 265 millions d’euros. Mais en comptant cette somme, qui entre bien dans le périmètre de l’outre-mer, mes chiffres sont justes.
Monsieur Kamardine, le fait que certains territoires soient à la fois des DROM et des RUP favorise l’octroi de financements mais constitue aussi une difficulté pour les relations avec l’extérieur. J’essaie d’enclencher l’article 349 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne pour changer certaines normes qui s’appliquent indistinctement à l’ensemble des territoires européens. Il existe déjà de nombreux dispositifs dérogatoires, que je m’efforce d’amplifier – tel est l’objet de mes discussions avec Bruxelles.

Source https://www.assemblee-nationale.fr, le 26 octobre 2022
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