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L’absence de gestion des déchets depuis des décennies menace la santé des habitants.
Par Christine Chaumeau
Temps de Lecture 3 min.
Dans le marécage situé à quelques kilomètres de l'aéroport de Tubuai, dans l'archipel des Australes, les habitants déposent depuis trente ans les ordures. “Quand le trou déborde, on passe les engins pour tasser, on rebouche, et on creuse un autre trou”, raconte Thérèse, qui tient une pension non loin du site. Ici poussaient autrefois des herbes hautes. Elles ont disparu. “Il faut fermer le site rapidement, lâche le maire de la commune, Fernand Tahiata. Nous savons que le dépotoir provoque une grave pollution.”
En 2011, le bureau d'étude Capse, chargé d'évaluer la situation dans la perspective de la fermeture de la décharge, a conclu à l'existence d'un “risque majeur pour l'environnement naturel et humain”. Les teneurs en aluminium, manganèse et hydrocarbures détectées dans la nappe phréatique dépassent les normes de sécurité. Il recommandait aussi une analyse complémentaire de “la concentration en polluants des légumes consommés par la population” et préconisait, en attendant, de “limiter, voire stopper leur consommation”.
Mais rien n'a été fait. Une dizaine de familles vivent à quelques centaines de mètres du dépotoir. “Nous avons entendu parler de rumeurs de pollution. Mais, on ne connaît pas la nature du danger”, déplore une habitante voisine du site. Elu du parti écologiste polynésien Heiura Les Verts, le ministre de l'environnement, Jacky Bryant, confirme qu'aucune nouvelle étude n'a été menée, mais assure que le service du développement rural déconseille de cultiver à proximité de la décharge. “Des analyses complémentaires ne feraient que confirmer ce que nous savons”, admet-il.
LA DÉCHARGE DE MAUPITI DÉBORDE SUR LE LAGON
Dans les îles de Polynésie française, la gestion des déchets tourne au cauchemar. “Tubuai n'est pas unique. La situation est identique dans toutes nos îles”, confirme le ministre de l'environnement.
Des tonnes de détritus se sont accumulées depuis une trentaine d'années au rythme de l'évolution des modes de vie. Le développement du territoire qui a suivi l'installation du centre d'expérimentations nucléaires du Pacifique, à partir de 1963, s'est accompagné d'un flux jusque-là inexistant de produits manufacturés. Mais nul ne s'est soucié de ce qu'ils deviendraient une fois hors d'usage.
La directive de l'Union européenne restreignant l'enfouissement aux déchets ultimes ne s'impose pas sur ce territoire de la République doté d'une large autonomie. Du coup, les décharges sauvages ont fleuri sur ces îles souvent qualifiées de “cartes postales”.
Celle de Maupiti déborde sur le lagon. A Bora Bora, les fumées qui en émanaient altéraient régulièrement la visibilité des avions. Aujourd'hui, les habitants de Tahiti, l'île la plus peuplée, produisent 60 000 tonnes par an de déchets non recyclables, selon une étude financée par l'Ademe et présentée le 7 novembre au conseil des ministres du territoire. Une masse comparable aux citadins de métropole.
Dans l'archipel des Australes, chaque habitant produit 345 g de déchets par jour, deux tiers de moins qu'à Tahiti. Mais cette quantité n'en reste pas moins ingérable sur ces territoires exigus.
COLLECTE SÉLECTIVE AUX MAIGRES RÉSULTATS
Pour tenter de réduire la production de déchets, le ministère de l'environnement a établi une stratégie en trois points : une taxe afin d'inciter les importateurs à commander des produits économes en emballages, des sanctions pour ceux qui ne trient pas et l'expérimentation d'incinérateurs de petite capacité.
Des filières de collecte sélective existent depuis dix ans mais fournissent de maigres résultats. Même à Punaauia, la commune désignée “Tortue d'or” par la société d'environnement polynésienne pour l'efficacité du tri de ses administrés, les matières recyclables récupérées atteignent à peine 50 % du potentiel identifié.
Pour résorber les sites existants, les réponses tardent à venir. Seules Tahiti et Bora Bora sont équipées de centres d'enfouissements techniques permettant de contrôler les déchets stockés pour éviter les pollutions du milieu naturel. Ceux de Nuku Hiva et de Rapa, achevés depuis 2008, ne fonctionnent pas, faute d'accord sur leur financement.
La construction de celui de Tubuai, prévue pour accueillir quarante années de déchets, devrait commencer en 2013. “Au rythme actuel, il sera plein dans quinze ans”, estime, pessimiste, Damas Bataillard, technicien chargé des déchets à Tubuai.
Sans prise de conscience collective, la Polynésie risque de ne plus pouvoir faire face. Un budget de plus de 21 millions d'euros a été alloué dans le cadre des accords entre l'Etat et la collectivité d'outre-mer pour financer des projets liés à la gestion des déchets. Mais, signe supplémentaire de l'absence de volonté politique, à un an de la fin de ce contrat de projet, les sommes déboursées restent dérisoires.
Christine Chaumeau
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