Nous savons tous que depuis la réforme constitutionnelle du 23 juillet 2008, un président de la République, en France, ne peut pas exercer plus de deux mandats consécutifs. C’est écrit à l’article 6 de la Constitution, alinéa 2. Et nous sommes actuellement dans le second mandat d’Emmanuel Macron censé s’achever en mai 2027.
En théorie, donc, il ne peut pas se représenter. Il peut éventuellement revenir cinq ans plus tard, en 2032, la Constitution ne l’interdit pas. Mais en attendant, il doit céder la place. Et c’est effectivement ce qui se passera si Emmanuel Macron arrive au terme de son mandat.
Il y a cependant un autre scénario qu’on peut aujourd’hui envisager et qui lui permettrait, peut-être, de rester à l’Elysée au-delà de 2027. Ce scénario est rendu possible par une décision du Conseil d’Etat rendue le 25 octobre 2022, il y a tout juste un mois.
La plus haute juridiction administrative française répondait à une question de la Première ministre, Elisabeth Borne, qui lui demandait : le président de la Polynésie française, Edouard Fritch, dont le deuxième mandat arrive à échéance en mai 2023, peut-il être candidat à un troisième mandat alors que la loi polynésienne prévoit (comme pour le président français) qu’il ne peut pas effectuer plus de deux mandats consécutifs ?
Et elle posait cette question parce qu’il y a une subtilité. Edouard Fritch est arrivé au pouvoir en septembre 2014 à la faveur de la démission de Gaston Flosse, condamné à l’époque dans une affaire d’emplois fictifs. Par conséquent, il a pris un mandat en cours et n’a exercé les fonctions de président que pendant trois ans et demi avant d’être réélu en 2018.
La question était donc : puisqu’il n’a pas effectué deux mandats complets, le premier étant tronqué, peut-il briguer un troisième mandat ? Et le Conseil d’Etat a répondu que c’était possible.
Edouard Fritch pourra se représenter et être réélu président de la Polynésie en mai 2023. Quand la loi prévoit qu’un président ne peut pas exercer plus de deux mandats consécutifs, on parle de deux mandats complets a répondu le Conseil d’Etat dans son avis du 25 octobre.
On peut dès lors imaginer qu’il répondrait, à priori, la même chose pour le président français. “Nul ne peut exercer plus de deux mandats consécutifs” (article 6 ; alinéa 2), avec ce sous-entendu : on parle de deux mandats complets, de cinq ans chacun. Et cette décision ouvre le champ des possibles pour Emmanuel Macron.
Imaginez la France deux ans, après les élections européennes, par exemple. On arrivera à mi-mandat. Tous les potentiels successeurs d’Emmanuel Macron commenceront à penser sérieusement à la présidentielle : Marine Le Pen, Edouard Philippe, Laurent Wauquiez., François Ruffin…etc…
A l’Assemblée nationale, compte tenu de la configuration, avec cette majorité relative dont dispose le président, il deviendra de plus en plus difficile de faire voter des lois. Les opposants voudront forcément s’opposer pour exister et il y aura des opposants au sein même du camp présidentiel.
Dans ces conditions, Emmanuel Macron pourrait décider de dissoudre l’Assemblée, ce qui déclencherait de nouvelles élections législatives. Et s’il les perd, plutôt que de nommer Premier ministre un de ses opposants, il pourrait décider de démissionner.
Gérard Larcher deviendrait ainsi président de la République en attendant l’organisation d’un nouvelle élection présidentielle. il assurerait l’intérim comme le fit Alain Poher au lendemain de la démission de Charles de Gaulle en 1969 et après le décès de Georges Pompidou en 1974.
Et c’est là que pourrait jouer la jurisprudence Edouard Fritch du Conseil d’Etat. Comme Emmanuel Macron n’aurait pas effectué deux mandats pleins, il pourrait en théorie se représenter. Evidemment, il n’est pas dit qu’il serait réélu mais ce n’est pas complètement impossible. Il redeviendrait alors président pour un mandat de 5 ans qui le porterait jusqu’en 2029 ou en 2030.
Vous allez me dire : il y a beaucoup de “si” dans votre scénario et il est un peu tiré par les cheveux… Eh bien, peut-être pas tant que ça. Parce qu’Emmanuel Macron est un joueur. Il aime “prendre son risque” comme il le dit lui-même. Actuellement, il se rend compte que son autorité est en train de fondre, que son pouvoir se démonétise du fait que la Constitution lui interdit de se représenter en 2027. Et il en souffre.
Par conséquent, pourrait bien lui venir, en son for intérieur, l’idée qu’il lui faut bousculer le système. Et qu’il pourrait le faire en testant, en usant de tous les outils que lui offre la Constitution française. Ce serait une manière pour lui de prendre à nouveau “son risque”, ce qui jusqu’ici, à chaque fois, lui a réussi.
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