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Réservé, le PDG de Top of Travel ne sourit pas tout de suite. Il vous observe de son regard lumineux, et vous écoute. Une fois la confiance installée, de nounours bougon, Helmut Stückelschweiger devient un joyeux personnage. Grand sportif et fin financier, il s’est dévoilé dans cet étonnant entretien.
Cher Helmut, qui êtes-vous ?
Helmut Stückelschweiger : Je crois être un homme plutôt inconnu par son passé. Je suis surtout sur le terrain client, mais pas sur celui de ma propre communication. Je suis papa de 3 enfants franco-autrichiens, 3 filles dont 2 vivent à Vienne, marié à ma femme française. Je suis arrivé en France il y a 42 ans avec le but de partir immédiatement après parce que ma vocation était plutôt dans l’hôtellerie. Je ne voulais pas faire du tour-operating ou être agent de voyages. Finalement, je suis arrivé à 21 ans à l’office du tourisme autrichien, comme responsable du marketing. Deux ans plus tard, j’ai vu sur le terrain qu’il y avait quelque chose à faire pour promouvoir le voyage en Autriche. J’ai eu l’énorme plaisir de rencontrer la famille Pauli d’où la création de la structure Austro Pauli il y a 23 ans. Nous sommes partis dans une aventure magnifique qui fut Austro Pauli-Euro Pauli, et qui s’est malheureusement plutôt mal terminée.
Vous avez quitté l’Autriche par volonté ou par opportunité ?
Helmut Stückelschweiger : La volonté de contrarier le monde. J’ai fait des études en tourisme, à Salzbourg qui est reconnue encore aujourd’hui dans le monde comme la deuxième école de tourisme en Europe après Genève. Toujours très pressé de ne pas faire de grandes études, je suis parti avec l’idée de faire un stage. J’ai fait mon parcours à l’office du Tourisme. A partir de là, je me suis lancé dans le tour-operating. Une des anecdotes de la vie : j’avais obtenu un contrat fixe avec une rémunération variable selon les chiffres d’affaires. J’avais largement dépassé mon premier objectif qui était 6 millions de francs en réalisant, la première année, 9 millions de francs.
Je me suis adressé à tous les autocaristes, des gens qui connaissaient Pauli, autocariste à la base. Je me suis appuyé sur cette autorité et je leur ai organisé leurs voyages en Autriche. Ça marchait très fort, j’avais une rémunération de 1,5% sur le chiffre d’affaires, 135 000 francs la première année comme variable en 1981… Sauf que je n’ai jamais vu cet argent parce que la maison autocariste n’avait pas les moyens. J’étais flexible là-dessus. La deuxième année, toujours rien. Puis on a eu l’intelligence avec Madame Pauli de transformer l’argent en actions. Par la suite – très peu de gens le savent – je suis ainsi devenu détenteur à 50% du capital du groupe. On a créé Austro Pauli, Euro Pauli, Pauli Finance. Je faisais énormément de métiers dans le passé : comme autocariste, dans la distribution avec des agences en Alsace, du marketing direct. On imprimait des millions de prospectus qu’on diffusait dans les boîtes aux lettres, ce qui marchait très fort. Au fur et à mesure, on s’est développé. Mon idée était aussi de toujours faire autre chose que la moyenne, je n’étais jamais sur des destinations « autoroutes », simples comme la Tunisie, la Turquie, la Grèce… Nous étions sur l’Autriche, Madère… de vrais défis. Toujours innover ! On ne le ferait plus aujourd’hui, mais j’ai loué trois années de suite tout l’opéra de Vienne avec zéro client au début. J’ai monté moi-même un festival musical pour nos clients à Vienne, je faisais un concert « de Nouvel an » avec un orchestre philharmonique renommé. Le directeur de l’opéra disait qu’il ne pouvait pas nous faire un prix mais promettait une représentation digne de ce nom. C’était le tremplin pour se positionner. Ensuite, on a ouvert des structures en Autriche.
Quelles étaient vos motivations ? Trouver de nouveaux produits ou la part financière est importante aussi ?
Helmut Stückelschweiger : Dans l’innovation, les marges étaient beaucoup plus importantes que dans la vente classique d’un produit. Je voulais aussi conquérir des clients qui réservaient directement en Autriche des produits classiques. J’avais organisé les Rencontres inoubliables du tourisme du troisième âge français en Autriche. Nous avons réussi à avoir 40 autocars. J’ai aussi fait construire un autocar sur mesure, le royal, qui était loué par le Tour de France et Gérard Holtz ou bien pour des tournées d’artistes… La création, la création, la création ! Pendant toute cette période autrichienne, je suis revenu à mes anciens amours, l’hôtellerie.
Qu’est-ce qui vous rebutait dans le côté voyagiste ou agence de voyages ?
Helmut Stückelschweiger : Je ne savais pas trop ce que c’était un voyagiste à 21 ans. L’agence de voyages, ce n’était pas assez vivant. A 16 ans, j’étais déjà « chef d’entreprise » parce que je m’occupais de musiciens, et je les plaçais dans les discothèques.
Ma mère est décédée quand j’avais 12 ans, je n’ai pas de papa, c’est mon oncle qui a pris la suite avec son épouse. Ils m’ont beaucoup aidé avec mes études mais j’ai cherché de l’argent moi-même. A 17 ans j’étais moniteur de tennis, j’ai amené Thomas Muster au tennis. Je l’ai entraîné pendant 2 ans. Cette fièvre du management m’a poursuivi tout le temps.
Avec Madame Pauli, l’activité se développait considérablement. Pourquoi cette séparation ?
Helmut Stückelschweiger : On en revient aux finances. Je possédais 50% de la holding, avec les autocars, la distribution, les TO… Je ne sais pas pourquoi – pourtant je ne me suis jamais mis en avant -, un jour elle a voulu redevenir la femme autocariste. Tout à coup, sachant que nous sommes à parité dans le capital, deux jours avant un salon Mitcar, elle m’a dit : « je dois vous informer que j’ai acquis un autocar et il va être exposé sur le salon », sans me le demander. C’était un autocar qui valait plus de 2 millions d’euros, et elle savait qu’on ne gagnerait pas d’argent avec. Je lui ai demandé comment on le ferait rouler et elle m’a répondu qu’on verrait plus tard. Faire toute cette opération derrière mon dos… Je lui ai dit que je ne pouvais plus continuer. Je lui ai proposé de racheter mes parts contre un contrat de management. C’est une femme entière, elle a eu des propos blessants. Je dois dire quand même que cette femme a eu beaucoup de mérite et de courage. Elle a ensuite commis la grave erreur de racheter Visit France. Salaün l’a sauvée par la suite et le groupe a tout mis sur Visit Europe… J’étais malheureux de cette situation.
Qu’est-ce que vous vous êtes dit pour l’avenir ?
Helmut Stückelschweiger : On s’est séparés au mois de février 1998. Le groupe Transat m’a appelé immédiatement pour diriger Look. J’ai eu des entretiens, ils m’ont envoyé dans les mains d’un chasseur de tête. J’étais en compétition avec Paul Roll qui venait du Club Med. J’étais confiant parce qu’on s’est beaucoup vus et la mentalité canadienne me va parfaitement. Mais ils ont pris Paul parce qu’il venait d’un grand groupe. J’ai alors créé Top. Mon ami associé m’a dit : « on a des fonds, on t’accompagne dans la création d’un nouveau TO ». Au mois de mai 1998, on a commencé l’aventure Top, pour Tourisme Organisation Production. Notre premier slogan, c’était Top le TO qui thème. Je me suis appuyé sur ce que font les Allemands avec Top week-ends, Top Montagne, top family, top circuits… J’utilisais mon savoir-faire dans les destinations que je connaissais. J’étais en avance avec mes idées. J’ai été le premier à mettre le all inclusive avec le produit Magic Life dans notre production, il est maintenant chez TUI.
Est-ce un défaut d’avoir été en avance ?
Helmut Stückelschweiger : Oui. Ça n’a pas mordu comme j’aurais souhaité. Ou bien je n’avais pas cette faculté de marketing parce que j’avais 20 millions de francs à disposition, mais je ne voulais pas piocher et distribuer à tout va… On s’est respécialisés dans des destinations. On est à nouveau devenu le spécialiste de nos axes : Madère, Malte…
Vous avez été l’un des premiers, lors de l’été 2020, à tout arrêter. Bonne tactique ?
Helmut Stückelschweiger : La meilleure à l’époque. Beaucoup de TO m’ont félicité. On a reporté à 80% les groupes. On était convaincu que l’année 2021 serait bonne. Heureusement que je l’ai fait. Mais personne n’avait prévu la suite… Tout le travail a été réalisé pour rien. Difficile alors de garder la motivation interne. Les clients ne voulaient plus autant reporter. On a travaillé comme des dingues. Entre-temps, j’ai mis le package dynamique en place. Tout le monde souffre toujours actuellement.
La crise sanitaire a-t-elle été bien gérée de la part de l’Etat ?
Helmut Stückelschweiger : Oui, excellement. Avec des couacs, personne n’a fait des études pour gérer une telle crise. Le plus grand couac était celui du secrétaire d’Etat qui a dit en juillet 2021 de ne pas aller (en Espagne et) au Portugal. C’était catastrophique pour nous. Si je suis devant vous aujourd’hui c’est grâce à l’Etat, grâce à toutes les aides. Il y a aussi des difficultés. Quel exploit du Seto, notre métier de voyagiste fait désormais partie du tourisme, jusque là cantonné aux musées, hôtels, guides….
La vie pour Helmut, qu’est-ce ?
Helmut Stückelschweiger : Ma vie repose sur le sport, le travail, et je suis un papa très heureux. Mes trois filles de 35 ans, 30 ans et 24 ans passent toujours des vacances avec nous en Autriche pour retourner aux origines. Ma vie est bien occupée par le travail, ce qui m’a toujours fait plaisir, mais depuis deux ans c’est dur. Je me suis d’ailleurs isolé en Normandie et mon épouse s’est soucié pour moi. C’est grâce au sport et à la (bonne) santé que je résiste à tout ce qu’on a subi. Après cette crise, je ne crois pas être le retraité qui oublie tout. Mais George Azouze président de la fédération des anciens, ne me verra jamais comme adhérent : je ferai une coupure totale. J’ai dit à François Piot (Prêt à Partir) que je voudrais apprendre avec lui comment je peux apprendre un autre métier. Il a des expériences dans tous les domaines. Je serais prêt à investir dans d’autres métiers, si possible dans le sport. La deuxième chose hyper importante pour moi, c’est l’amitié. Il y a trois semaines, je suis allé en Autriche – personne ne s’y attendait – pour assister aux 100 ans de mon club de tennis.
Le fait de ne pas avoir eu de papa a influencé votre façon de voir ?
Helmut Stückelschweiger : Ça m’a influencé indirectement. J’ai eu mon adolescence auprès de mes grands-parents. Cela m’a aidé à retomber sur mes propres pieds. A 17 ans j’étais délégué de l’école, j’ai présidé 1200 élèves, ça m’a permis de ne pas aller dans les cours qui m’ennuyaient. En revanche, les langues étaient importantes pour moi, elles vous ouvrent le monde. J’ai eu de la chance d’être avec mes grands-parents qui m’ont laissé de la liberté… ou j’ai pris la liberté.
Est-ce une posture, ou êtes-vous véritablement en retrait ?
Helmut Stückelschweiger : Tout le monde me le dit. Je suis peut-être en approche un peu timide. Rarement je prends la parole dans les congrès. Je l’ai fait une fois à Dubaï (au congrès de Selectour), tout le monde s’en souvient encore. Je suis exigeant, c’est peut-être ce qui me donne une apparence un peu sévère. C’est une attitude qui n’est pas volontaire.
Vous êtes heureux ?
Helmut Stückelschweiger : Oui ! Même si je n’ai pas réussi à 100% ce que je voulais faire.
Avez-vous des regrets ?
Helmut Stückelschweiger : J’aimerais peut-être être un peu moins timide pour aller plus vite, plus loin. Aujourd’hui en termes de taille, je suis trop grand pour être petit et trop petit pour être grand. Je ne suis même plus un couteau suisse, il faut tout faire et maîtriser. J’ai cette chance d’être resté tout le temps dans l’entreprise, je comprends bien les finances, le commercial… J’aurais dû prendre mon temps en 1998, c’était le lancement d’Internet et je l’ai ignoré. J’aurai dû me mettre beaucoup plus tôt à la technologie. Quand je dis que j’ai loué tout l’opéra de Vienne, c’était du boulot, c’était du tourisme, j’innovais, j’inventais, ça c’est mon métier. Maintenant je le fais mais tout le reste me fatigue ! Si tu n’es pas sur la technologie, tu ne sais pas où va ton client. 1998, c’était quand même pour moi une année fantastique : naissance de ma dernière fille, naissance de Top, et la France championne du monde.
A choisir entre champion de tennis haut niveau et patron de Top of Travel ?
Helmut Stückelschweiger : Question très compliquée aujourd’hui. Trop compliquée. Le sport m’a tellement donné…
Helmet est un grand professionnel avec des qualités immenses de probité et de morale éthique rares dans cette profession. D’une grande tolérance et surtout d’une grande gentillesse. C’est une personnalité rare et oh! Combien discrète. Respect !baladi
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