Alors que la Première ministre doit dévoiler le contenu du projet de la réforme des retraites ce mardi 10 janvier, les grands axes de la réforme sont déjà connus, en premier lieu l’âge légal de départ à la retraite. L’exécutif souhaite le faire de passer de 62 à 64 ou 65 ans d’ici à 2031.
Une situation qui est déjà une réalité dans les DROM. Selon la Caisse nationale d’assurance vieillesse (CNAV), l’âge moyen de départ à la retraite en 2021 s’échelonne entre 64,3 ans (à La Réunion) et 65 ans (en Guyane), tandis qu’il n’est que de 62,7 ans en France métropolitaine.
Cette tendance de départs à la retraite plus tardifs dans les Outre-mer montre la volonté de bénéficier d’une retraite à taux plein, ou tout du moins d’une pension qui ne soit pas trop faible ou sujette à une décote, après avoir eu des carrières beaucoup plus erratiques que dans l’Hexagone.
D’après l’INSEE de l’Océan Indien qui a mené une étude spécifique à La Réunion, “les retraités d’aujourd’hui ont cotisé moins longtemps, la durée de cotisation en moyenne est plus basse qu’ailleurs. Ils ont travaillé moins souvent, ont eu davantage d’interruption de carrière.” Un schéma que l’on retrouve dans les Antilles et en Guyane.
Le responsable de la publication ajoute qu’il y a quelques dizaines d’années, l’emploi informel était très présent. Or ceux qui ne déclaraient pas leur travail ne cotisaient pas et n’ont aujourd’hui pas de pension représentative de ce qu’ils ont réalisé.
Par ailleurs, “les emplois occupés sont moins qualifiés donc ce sont surtout des retraités anciens ouvriers et employés avec des pensions de retraite moindre“. C’est d’ailleurs pour ces raisons qu’en moyenne, le niveau des pensions dans les Outre-mer est plus faible que dans l’Hexagone.
S’il n’existe pas encore des données chiffrées précises sur ce point, différentes sources sur plusieurs années permettent cependant de montrer les écarts entre les DROM et l’Hexagone, à commencer par la grande précarité chez nos aînés.
Une personne est dite en situation de grande pauvreté si elle est à la fois en situation sévère de pauvreté monétaire (niveau de vie inférieur à 50 % du niveau de vie médian français) et de privation matérielle et sociale (au moins 7 privations sur 13 qui concernent les repas, les vêtements, les meubles, etc.).
Or, selon une étude de l’INSEE de juillet 2022, la grande pauvreté est bien plus fréquente et beaucoup plus intense en Guadeloupe, Martinique, Guyane et à La Réunion, et les personnes âgées ne sont pas épargnées. 9 à 15% des retraités des DROM sont en effet en situation de grande pauvreté, contre 1% en moyenne en France métropolitaine.
De façon plus globale, selon les données de 2021 de la CNAV (qui s’occupe de la retraite de base du régime général) et celles de 2020 de l’Agirc-Arrco (qui s’occupe des retraites complémentaires), un retraité qui réside dans les Outre-mer touche en moyenne une pension inférieure de 10 à 17% à ce que perçoit un senior qui vit en France métropolitaine.
À une exception près : Mayotte. Pour ce territoire, il n’existe que les chiffres de la retraite de base. Mais même en ne prenant en compte que ces données, on voit que l’écart est beaucoup plus prononcé : un Mahorais ne touche qu’un tiers de ce que perçoit en moyenne un retraité dans l’Hexagone.
Toutes ces données en France métropolitaine et en Outre-mer, visibles dans l’infographie ci-dessus, comptabilisent en fait ceux qui résident sur chaque territoire et non pas seulement les natifs. Or, parmi les résidents, il y a des retraités expatriés ou des anciens fonctionnaires qui ont pu bénéficier de dispositifs spécifiques qui augmentent leur pension (voir ci-après).
Si l’on ne prend en compte que les natifs, on voit que l’écart s’accroît davantage entre les Outre-mer et l’Hexagone, comme le montre la seule étude du genre faite à La Réunion.
D’après cette étude de l’INSEE qui se base sur des chiffres de 2016, les natifs réunionnais vivant dans un département d’Outre-mer perçoivent les pensions de retraite les plus faibles des régions françaises : 1.160 € brut par mois en moyenne en 2016, soit 28 % de moins que dans l’Hexagone.
Un écart qui s’explique par les carrières plus compliquées, l’emploi informel et les emplois peu qualifiés, mais aussi par une spécificité de La Réunion : le SMIC.
Il était plus bas sur l’île et “n’a été aligné sur l’Hexagone qu’en 2016, explique Sébastien Seguin, qui a rédigé cette étude. Les retraités d’aujourd’hui étaient à un SMIC plus bas que celui dans l’Hexagone.” Et touchent donc des pensions plus faibles.
Si l’étude ne se base ici que sur les natifs de La Réunion, c’est notamment pour écarter les retraités de la fonction publique natifs de l’Hexagone qui auraient pu bénéficier d’un ou de plusieurs avantages.
Les fonctionnaires mutés dans les DROM bénéficient en effet d’une “sur-rémunération”, qui peut atteindre :
> 40 % en Martinique, Guadeloupe, Guyane et à Mayotte
> 53 % à La Réunion.
Ces primes peuvent accroître, dans une certaine mesure, les droits à la retraite.
Pour chaque période de 3 ans passés en outre-mer (Dom et Com), un fonctionnaire reçoit un an de bonification de sa durée de cotisation nécessaire pour percevoir une retraite à taux plein.
Appelée aussi “bonification de dépaysement”, ce dispositif permet donc de cumuler les trimestres de cotisation plus rapidement, même si les fonctionnaires doivent assurer malgré tout leurs 15 à 17 ans de service actif obligatoire avant de partir en retraite.
Cette bonification ne compte pas pour la surcote cependant, et elle ne bénéficie pas aux personnes originaires du territoire en question.
À certaines conditions, les retraités de la fonction publique d’État pouvaient percevoir une indemnité temporaire de retraite (ITR) pour compenser la cherté de la vie lorsqu’ils résidaient dans certains territoires d’outre-mer. L’indemnité temporaire de majoration de pension était fixée à :
> 35 % à La Réunion et Mayotte
> 40 % à Saint-Pierre-et-Miquelon
> 75 % à la Nouvelle-Calédonie, Wallis-et-Futuna et Polynésie française.
Mais ce dispositif a été dévoyé au fil du temps : un certain nombre de fonctionnaires d’État, sans lien avec les Outre-mer, sont venus passer leur retraite dans les territoires concernés par l’ITR dans le seul but d’augmenter leurs revenus.
Le dispositif a donc été réformé et est en train disparaître progressivement. Pour les fonctionnaires retraités depuis 2009, le plafond va baisser au fil des années jusqu’à 0 € en 2028. Ceux qui prendront leur retraite à compter de 2028 n’en recevront plus.
Que ce soit en Guyane, dans les Antilles, à Saint-Pierre et Miquelon ou dans l’Océan Indien, les règles sont les mêmes – pour l’instant – que dans l’Hexagone, à savoir :
> Un âge légal de départ à la retraite fixé à 62 ans
> 172 trimestres de cotisation nécessaires pour avoir une pension à taux plein.
Mais dans le Pacifique, chaque territoire d’Outre-mer a un fonctionnement différent.
En Polynésie, le système de retraite a été modifié en 2018. Ainsi, l’âge légal de départ à la retraite a progressivement augmenté pour atteindre 62 ans en 2023. La durée de cotisation est passée de 140 trimestres en 2019 à 152 trimestres en 2023.
L’âge de départ de retraite à taux plein est passé à 65 ans en Polynésie, contre 67 ans dans l’Hexagone actuellement.
Le Caillou voit lui aussi ses règles changer avec une réforme votée en février 2022. L’âge légal de départ à la retraite va passer au fur et à mesure de 60 ans en 2023 à 62 ans en 2026.
Quant à la durée de cotisation, elle va petit à petit augmenter de 35 ans (soit 140 trimestres), à 37 en 2026 (soit 148 trimestres).
C’est le territoire français d’Outre-mer qui a l’âge légal de départ à la retraite le plus bas : 60 ans. Par contre, la cotisation ne fonctionne pas de la même manière.
La pension représente la moyenne des 15 meilleures années de salaire, multiplié par le taux qui correspond au nombre d’années de cotisations.
Cette réforme du système des retraites est censée répondre au vieillissement de la population et à la dégradation financière de ses caisses. Un vieillissement qui concerne aussi les DROM.
Actuellement, la part des retraités dans la population locale tourne autour de 20% en France métropolitaine et dans les Antilles. Il est plus faible à La Réunion (11,70%) et surtout en Guyane (4,70%).
Mais d’après l’INSEE, si les tendances démographiques récentes se poursuivaient, le vieillissement de la population s’accentuerait dans la Caraïbe.
Ainsi, si l’âge médian en Guadeloupe et en Martinique est respectivement de 41 et 43 ans en 2018, à l’horizon 2070, un Antillais sur deux aurait plus de 58 ans. Sur la période 2018-2070, la Guadeloupe et la Martinique connaîtraient donc les deux plus importantes baisses de population des régions françaises.
Pour la délégation à l’Outre-mer du Conseil économique, social et environnemental, “le vieillissement rapide de la population, notamment en Martinique et Guadeloupe, pourrait entraîner une augmentation de la pauvreté car nombre de personnes âgées ont eu des parcours professionnels fragmentés et marqués par la précarité.”
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