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Comment développer l’activité touristique en Polynésie tout en conjuguant les impératifs liés au tourisme durable ? Eléments de réponse avec Jean-Marc Mocellin, le PDG de Tahiti Tourisme, à l’occasion de ParauParau 2023, le workshop XXL de la destination.
L’Echo touristique : La Polynésie française organise ParauParau 2023. C’est un moment important pour le secteur du tourisme ?
Jean-Marc Mocellin : Depuis 2019, c’est la première fois que nous organisons cet événement en mode physique. C’est un moment très important, pour tous les acteurs polynésiens du tourisme. Pendant deux jours, sur l’île de Tahiti, nous recevons près de 100 chefs de produits, venus de tous nos marchés émetteurs. Ils rencontreront autant de professionnels polynésiens du tourisme. En deux jours, près de 300 rendez-vous sont organisés. Rencontrer les partenaires, c’est le meilleur moyen de faire passer notre message sur notre nouvelle stratégie autour du tourisme durable.
Quels sont les objectifs de la Polynésie en la matière ? Toutes les destinations adoptent désormais ce genre de stratégie…
Jean-Marc Mocellin : C’est devenu une nécessité, pour l’ensemble des destinations. Mais la Polynésie française veut aller plus loin. D’ici à 2030, nous voulons tout simplement qu’elle devienne la destination référence, dans le Pacifique, en matière de tourisme durable. C’est un objectif qui est tout à fait atteignable puisque la Polynésie a toujours été protégée du tourisme de masse et de ses impacts. Nous accueillons autant de touristes en un an que Venise en deux jours. Mais la nouvelle donne qui émerge après la crise sanitaire constitue une véritable opportunité, pour nous, de repartir de zéro.
Comment ?
Jean-Marc Mocellin : Nous devons veiller à ce que la croissance du tourisme, que l’on veut raisonnée, soit compatible avec l’amélioration de la vie quotidienne des Polynésiens. Le tourisme ne peut fonctionner que s’il est profitable à tout le monde. Un chiffre reflète bien cette vision : d’ici à 2027, nous voulons accueillir 280 000 touristes par an. C’est-à-dire un touriste pour un habitant. Cela représente une croissance du nombre de visiteurs d’environ 10% par an. Et nous devons trouver cet équilibre pour que le développement touristique coïncide avec les intérêts des Polynésiens. Car ce qui fait la différence de notre destination, c’est ses habitants.
C’est la carte des habitants que vous allez jouer pour vous démarquer d’autres destinations ?
Jean-Marc Mocellin : Soyons honnêtes : il y a beaucoup de destinations, dans le monde et dans le Pacifique, où les plages sont magnifiques, où le soleil rayonne, et où l’offre touristique est bien construite. La différence de la Polynésie française, c’est sa population, sa culture et, bien sûr, son patrimoine naturel. Il est donc essentiel qu’on ne heurte pas la population locale en développant l’offre touristique. Si on ne veille pas à cela, c’est tout le secteur qui va en pâtir, et donc les voyageurs internationaux qui nous rendent visite.
Comment s’assure-t-on que faire grandir le business n’irrite pas les Polynésiens ?
Jean-Marc Mocellin : En manageant cette croissance touristique. Premièrement, nous devons faire de la pédagogie. Cet objectif de 280 000 visiteurs ne doit pas effrayer. Nous avons la capacité de les accueillir sans bouleverser nos paysages et nos habitudes. Donc nous devons favoriser l’ouverture de petites structures hôtelières, à l’image des pensions de famille, qui plaisent tant aux clientèles européennes en général, et aux Français en particulier. Nous pouvons nous inspirer de ce qu’a fait le Costa Rica par exemple, en privilégiant les écolodges et les hébergements intimistes haut de gamme. Nous devons aussi veiller à mieux répartir les flux touristiques, dans le temps comme dans l’espace. Promouvoir les ailes de saison, et convaincre les investisseurs de s’installer dans des îles moins touristiques mais à très fort potentiel seront d’autres leviers pour atteindre cet objectif de croissance mesurée.
Quelles sont ces îles qui n’exploitent pas encore assez leur potentiel touristique ?
Jean-Marc Mocellin : Je peux par exemple citer Maupiti, qui est située à une quarantaine de kilomètres de Bora Bora, et qui présente les mêmes intérêts touristiques. Makatea, une île de l’archipel des Tuamotu, fait aussi partie de ces îles qui pourraient accueillir plus de touristes. Notre mission, c’est désormais de les développer, avec la même exigence que sur d’autres îles.
La Polynésie aura donc les capacités hôtelières pour atteindre cet objectif ? Aujourd’hui, des pros du secteur se plaignent du manque de lits…
Jean-Marc Mocellin : Nous n’avons pas encore les capacités suffisantes, c’est pourquoi nous devons convaincre les investisseurs de lancer des projets dans l’hébergement. Actuellement, l’archipel abrite 2 500 clés. Notre objectif, d’ici cinq ans, c’est d’avoir 3 000 clés. Et nous y arriverons, puisque fin 2023, si tous les projets engagés vont à leur terme, nous en compterons déjà 2 700. Notre stratégie repose sur cette augmentation de la capacité hôtelière. D’autant plus que, la crise sanitaire semblant s’éloigner, les compagnies aériennes ont remis beaucoup de sièges à destination de la Polynésie. Nous avons donc les sièges, et il nous faudra les chambres.
Vos principaux marchés ont-ils retrouvé le chemin de la Polynésie en 2022 ?
Jean-Marc Mocellin : L’année 2022 a été très satisfaisante, surtout en tenant compte du contexte de la crise sanitaire. Au total, nous avons accueilli 218 000 visiteurs internationaux (contre 236 000 en 2019, NDLR). Nos plus grands marchés ont répondu présents. L’Amérique du nord (Etats-Unis et Canada), qui pèse pour 45% de notre visitorat, et la France 35%, arrivent en tête. A eux deux, ces marchés représentent 80% de notre fréquentation touristique. Ce sont des clientèles stratégiques, qui sont très importantes pour nous. Mais nous devons nous diversifier. En cas de crise géopolitique, par exemple, on a déjà vu qu’il n’était pas prudent de ne miser que sur quelques marchés très forts. Le reste de l’Europe représente 15% de nos visiteurs internationaux, et nous pouvons sans doute faire mieux. Nous devons aussi améliorer nos flux entrants depuis l’Asie : Japon, Corée du Sud, Chine.
Ces clientèles ne sont pas toutes à la recherche des mêmes expériences…
Jean-Marc Mocellin : Evidemment, chaque marché à ses particularités. Les Américains, par exemple, sont plutôt des adeptes des grandes chaînes hôtelières internationales, comme Four Seasons ou Hilton. Les clientèles françaises et italiennes, qui apprécient aussi ces adresses, préfèrent mixer les typologies d’hébergement pendant leur séjour, en alternant entre établissements de luxe et pensions de charme. Mais c’est l’une des richesses de notre destination : la variété de typologie de produits. Le secteur des croisières est aussi en pleine expansion, et nous voulons le développer, mais dans la lignée de notre stratégie touristique. C’est-à-dire que nous n’acceptons pas les navires de plus de 2 000 passagers (staff compris) à Bora Bora, par exemple. Et seule une dizaine de ce genre de navires accostent dans nos ports chaque année. Nous préférons promouvoir les navires comme le Paul Gauguin ou l’Ara Nui, qui accueillent environ 300 passagers.
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