Le programme d’exploration sous-marine Under The Pole sillonne depuis 15 ans les océans en appui de la recherche scientifique mais aussi pour sensibiliser le public à la biodiversité qui s’y trouve. Prochaine destination : les Antilles pour plonger au mlieu des forêts sous marines .
Ce sont les explorateurs modernes. Formés par Jean-Louis Etienne, Ghislain et Emmanuelle Bardout sont plongeurs en eaux profondes et depuis 15 ans, dans le cadre de leur programme “Under the pole”, ils sillonnent les mers du monde pour témoigner des beautés et richesses sous marines. Leur spécificité : mettre leurs compétences de plongeurs  au service de la science et de la vulgarisation.
Les forêts animales sous marines sont au cœur de dernier volet d’exploration : DeepLife ou Under The pole IV. De 2021 à 2030, il s’agit d’explorer ces écosystèmes jusque là peu étudiés. Associés à des biologistes du CNRS, les plongeurs du programme explorent la zone dite mésophotique, là où la lumière se raréfie et modifie l’océan. “Dans l’imaginaire, on pense que c’est un désert l’océan profond. En fait, c’est un monde différent” tient à rappeler Emmanuelle Bardout. “Notre travail est justement de rendre visible ce qui est invisible”. Son compagnon Ghislain renchérit :“Tout change suivant les profondeurs. La couleur de l’eau qui peut passer du vert au bleu profond, la clarté parce qu’il y a moins de micro organismes ou de sédiments. Chaque profondeur a sa spécificité“.
Depuis plusieurs années, ils concentrent les plongées sur la zone comprise entre 30 et 150 mètres. Ils ont, entre autres, permis aux chercheurs du CRIOBE (Centre de recherche insulaire et observatoire de l’environnement), à Moorea en Polynésie Française, d’étudier le corail le plus profond jamais découvert. Le fonctionnement du récif coralien commence à livrer ses secrets grâce aux centaines de plongées cumulées. Les forêts qu’ils ont commencé à visiter (au Svalbard et aux Canaries en 2022) apparaissent désormais comme des écosystèmes très riches mais aussi très fragiles.
Leur croissance lente empêche une reconstruction rapide en cas de passage d’un chalut par exemple. Des massifs d’un mètre de hauteur, dense et diversifié se révèlent centenaires. Pour qui les découvre, le spectacle semble fascinant. “Ce sont des massifs denses. Pour rentrer dedans, il faut écarter les branches pour se faufiler. Aux Canaries, on a vu de nombreuses espèces différentes, des coraux branchus, filamentaires mais toujours, ces forêts sont des habitats, des nids, des supports pour d’autres espèces” raconte Ghislain Bardout.
Poissons, algues, bactéries, ça pullule dans ces forêts. Comme sur terre. Pour Lorenzo Bramanti, chercheur au CNRS à Banuyls-sur-Mer et co-directeur de DeepLife, il faut donc changer de paradigme dans l’approche scientifique. “Au lieu d’étudier chaque espèce, il faut appréhender ces forêts animales comme sur terre, comme une population avec des espèces variées ou chacun participe au fonctionnement de l’écosystème“. Pour lui, c’est par l’écologie fonctionnelle qu’il faut tenter de comprendre la vie de ces communautés animales. Car les coraux, les gorgones et autre hydrozoaires sont des animaux et non des plantes. Des organismes qui vivent en liens étroits avec d’autres organismes comme des poissons, des algues, des bactéries.
Ces écosystèmes sont également sensibles au changement climatique. Les récents épisodes caniculaires, dont celui qu’a connu la Mediterannée à l’été 2022 ont entrainé une mortalité proche de 100% jusqu’à 30 mètres de profondeur. En revanche, il semble qu’au delà, les forêts marines aient résisté. Un espoir mais qu’il convient de documenter insiste Ghislain bardout. Pour lui, il faut mieux comprendre ces écosystèmes et notamment à quoi ils servent. “Ce qu’on veut savoir, c’est dans quelle mesure, nous êtres humains, on peut ou pas interagir avec eux. Quelles sont les limites de la pêche, du tourisme ou d’une façon plus globale de notre impact afin de ne pas perturber ces écosystèmes ou contribuer à leur effondrement”.
C’est l’autre volet d’Under The Pole : participer à la connaissance pour ensuite la partager avec le public. La sensibilisation à l’importance des océans est au cœur du programme et à cette fin, l’équipe a conçu pendant le confinement un nouvel outil : une caravane pédagogique qui va ces prochains jours, commencer à sillonner la Bretagne. Un joli musée itinérant fait d’une seule pièce où photographies, cartes et films documentaires sont rassemblées pour parler des océans, de ceux qui les peuplent et de leur importance pour notre survie sur Terre. Pour la médiatrice scientifique Capucine Coquet, “c’est avec nos actions à terre qu’on conditionne la bonne santé du milieu marin. Il est faux de penser qu’il y a la terre d’un côté et la mer de l’autre. Les deux communiquent. La caravane c’est l’occasion de repenser notre rapport à l’océan”.
Le programme DeepLife, la caravane : Ghislain et Emmanuelle Bardout savent mener plusieurs chantiers de front. Le dernier et non des moindre est en effet la construction d’un nouveau navire doublé d’une deuxième capsule d’observation. Le voilier WHY NOT sera plus grand que l’actuel WHY afin d’accueillir 18 plongeurs et scientifiques. Doté entre autre d’un caisson de décompression pour éviter tout accident de plongée, il n’existe encore que sur le papier le temps de boucler le financement. Quant à la capsule, il s’agit d’un deuxième exemplaire de cette innovation que Ghislain Bardout a conçu avec son équipe : une bulle où il est possible de résider jusqu’à 3 jours sous la mer, sans remonter à la surface afin de se fondre dans le milieu. Un observatoire que Jacques-Yves Cousteau n’aurait pas renié.
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