Compétente pour contrôler l’emploi des ressources des organismes faisant appel à la générosité du public, la Cour des comptes mène des enquêtes sur l’utilisation de dons collectés à la suite de crises ou de sinistres (tsunami en Asie en 2004, tremblement de terre en Haïti en 2010, incendie de Notre-Dame de Paris en 2019). La présente enquête de la Cour s’attache à vérifier que l’emploi des dons, legs et mécénat collectés en faveur de la lutte contre les effets de la pandémie de Covid 19, par cinq organismes philanthropiques (la Croix-Rouge française, la Fondation de l’Assistance Publique-Hôpitaux de Paris, la Fondation de France, la Fondation des Hôpitaux et l’Institut Pasteur) a été conforme aux objectifs affichés.
Depuis 2021, la Cour des comptes a publié des travaux relatifs aux réponses apportées par les pouvoirs publics aux différents aspects de la crise. Si les moyens publics déployés pour faire face à la crise liée à la Covid 19 ont été particulièrement importants, la générosité des Français a aussi été massivement sollicitée par les organismes philanthropiques. La Cour a dès lors mené une enquête sur l’emploi des dons collectés à cette occasion par cinq organismes particulièrement impliqués. Grâce à des collectes dédiées à la Covid 19, la Croix-Rouge française, la Fondation de l’AP-HP, la Fondation de France, la Fondation des Hôpitaux et l’Institut Pasteur ont en effet proposé au public de financer des actions de recherche et de soutien aux soignants, aux patients ainsi qu’aux personnes vulnérables.
La crise sanitaire a entrainé un vaste élan de générosité, très concentré sur la période du printemps 2020. Les cinq organismes ont collecté non seulement des dons financiers à hauteur de plus de 200 M€, mais également des contributions volontaires en nature sous forme de dons alimentaires, de matériels, d’espaces publicitaires et de mécénat de compétence. La Fondation des Hôpitaux et la Fondation de l’AP-HP, en particulier, ont fait face à un volume de collecte sans précédent, respectivement neuf et onze fois plus élevé qu’en 2019. Pour répondre rapidement aux besoins urgents engendrés par la crise, les organismes examinés ont dû adapter leurs modalités de fonctionnement, d’intervention et de communication. Ils ont mis à profit les canaux numériques pour diffuser leurs appels à dons et informer de leurs actions. Ils ont également fait évoluer leurs méthodes de sélection et de financement de projets, pour tenter de concilier la qualité et la fiabilité des opérations avec un impératif de réactivité. Les fonds ont ainsi pu être déployés rapidement et, fin 2021, 70% de la collecte avaient été dépensés. Plus de la moitié de ces dépenses a permis de soutenir les patients et les soignants, 22% ont été consacrés à la recherche médicale et 21% à l’aide aux personnes vulnérables. L’essentiel des dons a financé la mise en œuvre d’actions de lutte contre les effets immédiats de la crise, tandis qu’une partie a été affectée à des actions de moyen ou long terme nécessitant un financement pluriannuel, notamment de projets de recherche médicale ou d’installation d’espaces de détente pour les soignants. Dans certains cas, la collecte Covid 19 a enclenché des transformations profondes : la Croix-Rouge française et la Fondation de France ont ainsi redéfini leurs modalités d’action auprès des bénéficiaires, notamment dans le sens d’un maillage territorial resserré et d’une prise en charge plus globale de leurs besoins. De manière plus ponctuelle, les deux fondations agissant pour la cause hospitalière ont dû adapter leur stratégie pour faire face au changement d’échelle temporaire de leurs interventions.
L’information faite aux donateurs par les organismes n’a pas été complète dans le cadre des appels aux dons, et mérite d’être améliorée pour ce qui concerne la restitution des actions réalisées grâce à la collecte. La procédure de déclaration spécifique en préfecture n’a pu être pleinement respectée compte tenu de l’urgence de la situation, mais surtout un manque de clarté dans les messages d’appel à dons a été constaté. Superposition d’appels à dons, proximité de dénominations et contiguïté de missions s’agissant de la Fondation de l’AP-HP et la Fondation des Hôpitaux, imprécision de messages n’incluant pas systématiquement toutes les causes ciblées par la collecte, ont pu être vecteurs de confusion et altérer la bonne information des donateurs sur la destination des fonds collectés. Par ailleurs, l’application depuis le 1er janvier 2020 du nouveau règlement comptable a donné lieu à quelques interprétations erronées. Enfin, la restitution des actions n’a pas été systématiquement accompagnée de données financières, pourtant nécessaires à la bonne information des donateurs. L’enquête comporte deux recommandations qui concernent l’établissement d’un bilan exhaustif de l’emploi des fonds et la prise en compte comptable des dons en nature.
En parallèle, la Cour met en ligne ce jour les actes du colloque « Garantir le bon emploi des dons des citoyens » qui s’est tenu à la Cour le 25 novembre 2021.
À noter : l’ordonnance du 23 mars 2022 prévoit qu’un rapport public sera désormais adressé au Parlement et au Gouvernement tous les deux ans pour rendre compte des principaux enseignements à tirer des travaux de contrôle effectués par la Cour. La publication de ce premier rapport est prévue pour octobre 2023.
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