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Source : Les MATINS LCI
C'est une petite phrase tirée d'une dépêche russe, reprise à l'unisson par tous les membres de la sphère pro-russe. Le rouble serait devenu "la devise la plus performante du monde". C'est ce qu'a par exemple relayé sur Twitter ce lundi 22 août l'eurodéputé Rassemblement national Thierry Mariani. 
Une information à rebours de celle concernant l'euro qui a atteint son plus bas niveau face au dollar. Comprendre par là que les sanctions économiques qui visent le Kremlin depuis six mois auraient plus d'impact sur l'Occident que sur la Russie. Mais la valeur de la devise russe en fait-elle réellement une monnaie forte ? Et cela signifie-t-il la bonne santé de l'économie du pays ? Nous avons décrypté ce phénomène. 
Pour comprendre le redressement actuel du rouble, il faut revenir sur sa chute, il y a six mois. Dès le début de la guerre, la devise a connu une forte dépréciation. En cause, les sanctions économiques, évidemment, ainsi que les craintes importantes des investisseurs sur la situation économique du pays. Les marchés ont commencé par boycotter la Russie, faisant fondre la valeur de sa devise. En mars dernier, elle a atteint un plancher record de 121,53 pour un dollar à la Bourse de Moscou. 
Pour faire face à cette chute problématique, la banque centrale russe et le gouvernement ont pris de nombreuses mesures. Parmi elles, le contrôle des capitaux. Une solution "drastique", selon l'expression employée par Christophe Boucher auprès de TF1info, qui la précise : "Cela passe par l'interdiction ou le plafonnement des retraits en devises étrangères dans les banques russes, l'obligation pour les entreprises russes de convertir leurs revenus en rouble ou encore l'impossibilité pour les investisseurs internationaux de vendre leurs actifs russes", liste le professeur d'Économie à l'Université de Paris Nanterre. Une stratégie qu'il qualifie d'"exceptionnelle", habituellement observée "lors des crises financières dans les pays émergents".
S'ajoute à cette décision politique un phénomène économique. "Le changement de vision sur les perspectives économiques russes", souligne de son côté Carl Grekou. Économiste au Centre d’études prospectives et d'informations internationales (CEPII), un service lié à Matignon et France Stratégie, il relève en effet qu'avec la flambée des prix de l'énergie – dont les transactions en Russie doivent désormais être effectuées en rouble –  il y a eu une augmentation de la demande pour cette monnaie. 
Le rouble est donc devenu difficile à vendre. Les mesures politiques poussent au contraire à son achat. Résultat, comme le montre le graphique ci-dessus, la monnaie russe a d'abord progressé en avril, avant d'atteindre des sommets. C'est la logique économique de l'offre et de la demande qui se joue, mais "de manière contrainte", observe Christophe Boucher. 
"Ces mesures ont artificiellement gonflé la valeur du rouble." Et tandis qu'au 7 mars, il fallait environ 142 roubles pour acheter un dollar, il n'en faut plus que 60. Et sur une base annuelle, soit entre août 2021 et août 2022, le rouble est effectivement l'une des monnaies qui s'est le plus appréciée, comme le confirment les deux économistes. 
Cependant, selon nos interlocuteurs, ce phénomène ne signifie pas que la devise est forte. Tout d'abord, tous les éléments cités plus haut montrent que la situation est "très conjoncturelle". "Ce phénomène n'est pas de nature à durer dans le temps", affirme l'expert en économie mondiale du CEPII.
Ensuite, cette monnaie ne "performe pas au niveau international". Cette devise "n'est que très peu utilisée dans le monde". "Elle n'est même pas dans le top 10", rappelle Carl Grekou. "Donc on peut dire que le rouble est la monnaie qui s'apprécie le plus au monde sur un an, mais on ne peut pas en faire la monnaie la plus forte au monde pour autant."
Si cette devise est en bonne santé, cela n'est pas nécessairement le cas pour l'économie dans son ensemble. "Cet indicateur peut refléter tout et rien", relève Carl Grekou. Une réalité d'autant plus vraie lorsque ce phénomène est créé de manière "artificielle". Et pour preuve, "hormis la pauvreté, c'est le seul indicateur russe en hausse", ironise Christophe Boucher. Avant d'observer au contraire que l'économie russe est "en récession". L'inflation devrait atteindre environ 21% en 2022 selon les prévisions du Fonds Monétaire International (FMI) et le PIB russe pourrait chuter de 8,5%. "L'économie russe est en crise, mais le pays injecte beaucoup d'argent pour la soutenir", résume le professeur des universités. Reste à savoir combien de temps le Kremlin pourra suivre cette stratégie.
En résumé, boostée par des mécanismes économiques et des politiques publiques, la monnaie russe atteint des niveaux parfois supérieurs à ceux précédant la guerre en Ukraine. Mais prendre l'appréciation seule d'un taux de change ne permet pas de conclure que le rouble est une monnaie qui performe. Ni que l'économie du pays est en bonne santé. Ce constat est fallacieux. 
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