HORS-TERRAIN Six athlètes de haut niveau en sauvetage côtier doivent parcourir 8.000 kilomètres en trois mois, à la force de leurs bras et allongées sur une planche. Ces Françaises veulent relier le Pérou à la Polynésie à partir du 4 janvier
EDIT du jeudi 5 janvier 2023 : Les rameuses de l’extrême ont franchi cette nuit la ligne de départ au large de Lima au Pérou et se sont élancées pour 8.000 kilomètres en relais. Pour suivre leur aventure durant environ trois mois, rendez-vous sur leur site et GeoTracing.
Vous faites quoi, de votre côté, pour démarrer la nouvelle année ? Parce qu’elles, elles vont traverser l’océan Pacifique à la rame. Elles, ce sont six femmes, toutes sportives de haut niveau en sauvetage côtier, originaires des Landes et du Pays basque, qui se lancent dans cette aventure physique et humaine XXL, le 4 janvier. Au menu de ces trois mois en mer, pour relier le Pérou à la Polynésie française ? Un périple de 8.000 kilomètres où ces six « Waterwomen » vont se relayer chaque heure, sur une planche de prone paddleboard, spécialement conçue pour se déplacer en utilisant les bras, en position à plat ventre ou à genoux, et donc différente du stand-up paddle. « Outre le défi sportif, puisqu’on va tenter de battre le record du monde, c’est aussi un défi solidaire », pose Emmanuelle Bescheron, l’une des aventurières.
Pour elle, c’est une première, contrairement à Alexandra Lux, Itziar Abascal et Stéphanie Geyer-Barneix, qui ont déjà plusieurs challenges majuscules derrière elles. Le groupe des six est complété par « deux petites jeunes », comme elles aiment à les surnommer, Marie Goyeneche et Margot Calvet, 22 et 24 ans, toutes deux actuellement membres des équipes de France de sauvetage côtier. « Notre aventure, c’est avant tout pour promouvoir le sport-santé, l’activité physique au quotidien, et l’importance du sport pour se sentir bien dans son corps et dans sa tête », affirme Emmanuelle Bescheron.
Aux côtés des six sportives, on trouve cinq membres d’équipage sur le bateau dit d’assistance, dont un skipper et son second, une kiné-ostéopathe, une infirmière de bloc et Alexandra Le Mouel, la cheffe du projet et co-fondatrice de l’association Hope Team East, à l’origine de cette traversée.
« Tout a démarré en 2009, quand Stéphanie Geyer-Barneix, touchée quatre fois par le cancer du sein, partage son rêve fou de traverser un océan, narre de sa voix chantante Alexandra Luz. Avec Flora Manciet, on l’a suivie pour un périple dans l’Atlantique nord de 4.830 km en 54 jours. C’était important pour nous de transmettre l’optimisme, la positivité et la combativité de Stéphanie dans l’épreuve de la maladie. » Puis en 2015, rebelote avec le passage du Cap Horn aux côtés de Stéphanie et d’Itziar, cette fois. « Je crois que quand on a goûté à de telles aventures, c’est difficile de s’en passer », sourit Alexandra Luz.
Dans la foulée, l’association Hope Team East voit le jour pour, dans un premier temps, accompagner des femmes qui ont vaincu un cancer du sein, dans leurs défis sportifs. « Puis on est devenues mamans, partage Alexandra Luz, et Hope Team East a évolué avec nous. » Aujourd’hui, elle permet aussi aux enfants et aux adolescents, touchés par un cancer, de réaliser leur propre challenge sportif.
En 2019, Emmanuelle Bescheron convie Alexandra Luz et Stéphanie Geyer-Barneix, qu’elle connaît bien pour avoir évolué à leurs côtés en équipe nationale de sauvetage côtier pendant des années, à la Watermana à Huahine, une île proche de Tahiti en Polynésie française.
Fortes de cette expérience inoubliable et après la lecture de L’Expédition du Kon-Tiki du navigateur norvégien Thor Heyerdahl, l’aventure de six hommes à la dérive dans l’océan Pacifique, elles ont finalement vu ce tracé s’imposer à elles.
Comme pour les précédentes expéditions, les six femmes ont développé autour du défi physique un projet solidaire d’envergure. « Notre sport passion, le sauvetage côtier, nous a permis de développer des valeurs de dépassement de soi, de connaissance de l’océan, mais également d’entraide, de prévention et de solidarité », énumère Emmanuelle Bescheron. « Et comme on n’est pas du genre à faire simple, on a développé plusieurs opérations autour de notre traversée », glisse Alexandra Luz. Ainsi, elles ont monté « Un défi dans mon école », dans l’Hexagone et à Papeete, qui permet à des classes de préparer un défi sportif avec leur professeur. « Et nous les conseillons sur la préparation mentale et physique, en apportant des conseils nutritionnels pour que les enfants le réalisent tous ensemble », commente-t-elle.
Conscientes que la Polynésie est un territoire où le risque d’obésité dès l’enfance est particulièrement élevé, toutes les six espèrent encourager les plus jeunes à se tourner vers le sport. « C’est important quand les enfants sont en bonne santé, mais également quand ils sont touchés par la maladie », complète Alexandra Luz. Elles ont également mis en place un programme « pour faire entrer le sport dans les services d’oncologie pédiatrique ». Elles ont ainsi déjà équipé d’un totem les hôpitaux de Bordeaux, Bayonne et Mont-de-Marsan, alors que pareil projet devrait se finaliser à Papeete. « Il permet aux enfants en cours de traitement de pouvoir faire des jeux et des activit́és physiques pour les mettre dans une bulle qui les sort de leur traitement quotidien », développe-t-elle.
Enfin, via l’association Hope Team East, elles continuent d’accompagner les enfants après leur maladie pour réaliser leur défi sportif. Le tout pour un budget avoisinant les 800.000 euros. Fin novembre, il leur restait encore 400 km de leur traversée à vendre, soit l’équivalent de 40.000 euros à trouver pour boucler cette partie financière. « On a vendu nos kilomètres (100 euros par km) à certains gros partenaires privés, d’autres institutionnels, à quelques fondations, et enfin à des donateurs », précise Alexandra Luz, en charge de la partie logistique.
Avant le Pacifique, les six championnes se sont testées sur la Méditerranée cet été. « Les 1.800 kilomètres entre Monaco et Athènes en juin ? « Ah très compliqués pour moi, se remémore Emmanuelle Bescheron. J’avais accouché seulement deux mois auparavant, j’étais en plein post-partum. En plus, on a eu des conditions difficiles, et puis la Méditerranée, c’est vraiment complexe d’y naviguer. » Mais elles ont pu essayer leur matériel et se faire une idée de tout ce qu’il faut emmener à bord. « On était parties sur du très équilibré, diététique. Sauf que pour ramer autant, il faut des pâtes et du riz, plaisante-t-elle encore. Et puis, on vient du sud-ouest, on est des bonnes vivantes, donc on a besoin de vivres qui sentent bon la maison. »
« Pour trouver du réconfort et des ressources mentales sur le bateau, la bouffe est un élément essentiel », complète Emmanuelle Bescheron. Elles ont aussi expérimenté les planches de paddleboard, le kayak qui permettra de faire les relais entre le bateau et la rameuse, ainsi que les combinaisons. « Notre partenaire a créé une combinaison en lycra anti-UV spéciale pour nous car à la fin, en arrivant en Polynésie, l’eau sera aux alentours de 28 degrés », précise Alexandra Luz. Impossible donc pour les rameuses de garder les combinaisons en néoprène avec lesquelles elles vont partir du Pérou dans une eau autour de… 16 degrés.
« Le différentiel de température est vraiment important, abonde Emmanuelle Bescheron. Il faut s’y préparer, au même titre que la prévention des blessures. » Habituées de ce genre de préparation physique, les six femmes ont bien évidemment mis en place des entraînements à la rame, une partie sur l’endurance et une autre donc sur cet aspect de prévention des blessures. « Il ne faut pas oublier qu’on est sur un geste très répétitif. »
« Mais 80 % de la réussite du projet, c’est la préparation mentale, rappelle la Waterwoman. On part longtemps sur un terrain hostile. » « Et on laisse nos enfants aux papas pour trois d’entre nous, ajoute Stéphanie Luz. Il a fallu accepter et apprendre à gérer ses émotions et ses appréhensions de partir loin de sa famille, de laisser nos enfants en toute sérénité́, sans culpabiliser. » Pour cette maman d’une fillette de 5 ans et demi, l’engagement féministe n’est pas central mais il est tout de même important. « Est-ce qu’aux hommes qui partent sur le Vendée Globe, on leur demande “Mais comment faites-vous pour laisser votre enfant ?”. C’est une façon pour nous de montrer qu’en tant que femme et mère, on peut aussi réaliser de grandes choses. » Pour y parvenir, elles ont toutes les six rédigé un règlement intérieur, afin de savoir quoi faire en cas de blessure ou de météo trop dangereuse pour continuer.
Cet esprit d’équipe et de solidarité, le groupe en a besoin pour une telle aventure humaine, et la traversée de la Méditerranée a déjà permis de constater les forces et les faiblesses en présence. « Certaines sont mieux organisées que d’autres à bord. Et à partir de ce constat, des binômes se sont formés », plaisante Alexandra Luz. Et le manque de sommeil dans tout ça ? « On aura maximum quatre heures de repos consécutives pendant trois mois, et on risque bien de se réveiller les nuits après l’arrivée pour ramer, ajoute-t-elle dans un rire. Dans l’Atlantique, on avait mis le même temps que la traversée pour retrouver des horaires normaux. » Pas marmottes pour un sou, ces six reines de l’extrême n’ont plus qu’à monter sur la planche.
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