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Le forum du « Point » sur les Outre-mer se tient à Paris le 2 février. Selon le politologue, leur contribution est essentielle à la puissance française.
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Les départements et régions d’outre-mer (Drom) et les collectivités d’outre-mer (COM) sont-ils une charge pour la France ? Certains pourraient le penser au vu de ce que coûte, pour notre pays, le soutien financier à ces confettis d’empire (« Notre nation est un archipel », disait Emmanuel Macron le 20 janvier) ou du poids que représente, dans certains d’entre eux, la lutte contre les trafics et l’immigration illégale.
Et pourtant, le bilan reste positif. L’existence de la France d’outre-mer aura de plus en plus, au XXIe siècle, une valeur stratégique pour notre pays. On connaît les atouts qui font de la France une puissance de rang mondial : elle est un membre permanent du Conseil de sécurité de l’ONU, c’est un État doté de l’arme nucléaire et de capacités de projection militaire, qui exporte, en outre, de la haute technologie, etc. Les Drom et les COM contribuent à ce statut.
De par leur simple existence, la France est frontalière de 22 États et est présente sur tous les océans (sauf l’Arctique), du 51e parallèle nord au 28e parallèle sud. Elle détient la deuxième zone économique exclusive (ZEE) au monde, environ 11 millions de kilomètres carrés, juste après celle des États-Unis. Ainsi, 97 % de cette ZEE sont acquis grâce aux Drom et aux COM.

Le politologue Bruno Tertrais est directeur adjoint de la Fondation pour la recherche stratégique, groupe de réflexion français travaillant sur les problèmes de stratégie et de sécurité internationale, notamment sur les questions militaires et de défense. Dernier ouvrage paru : Le Choc démographique (Odile Jacob, 256 p., 22,90 €). © ALAIN JOCARD/AFP

 Son domaine maritime est même en croissance grâce à la mise en œuvre de la Convention des Nations unies sur le droit de la mer de Montego Bay, ratifiée par Paris en 1996 et qui permet aux États membres de revendiquer l’extension de leurs droits sur les plateaux continentaux. En 2015, quatre décrets avaient formalisé une première extension de 579 000 kilomètres carrés du plateau continental français au large des Antilles, de la Guyane, de la Nouvelle-Calédonie et des îles Kerguelen. En 2021, le sous-sol français a gagné 150 000 kilomètres carrés grâce aux nouvelles limites du plateau continental de La Réunion et de l’archipel composé des îles Saint-Paul et Amsterdam. Début 2023, quatre dossiers – ceux des îles Crozet, de Wallis-et-Futuna, de la Polynésie et de Saint-Pierre-et-Miquelon – restaient en attente, soit 500 000 kilomètres carrés.
Les Drom et les COM sont un formidable atout pour la surveillance des activités d’États non alliés, et pour effectuer des missions veillant à garantir la liberté de navigation. Y compris dans le canal du Mozambique, route maritime significative. Les bases militaires de l’outre-mer abritent en permanence des forces dites de souveraineté : 8 500 personnes au total réparties entre la Guyane, La Réunion et Mayotte, la Nouvelle-Calédonie, les Antilles et la Polynésie. Elles permettent de projeter rapidement des forces dans une zone de crise. Ou encore d’accueillir des exercices majeurs. Et, bien sûr, de faciliter les missions de l’État, depuis la lutte contre les trafics et l’immigration clandestine jusqu’au secours humanitaire en passant par l’évacuation sanitaire. Pour un coût annuel variant, selon un rapport parlementaire, entre 700 et 900 millions d’euros par an.
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Du fait de la très grande diversité géographique des Drom et des COM, les missions et expéditions scientifiques sur la biodiversité (dont l’outre-mer recèle 80 % pour la France), les fonds marins ou le changement climatique y sont facilitées. Y compris en terre Adélie, cette mince tranche d’Antarctique revendiquée par la France. Enfin, bien sûr, la base de Kourou en Guyane, le cap Canaveral européen, est un atout majeur avec sa localisation idéale : près de l’équateur et peu exposée aux risques naturels.
L’outre-mer représente 18 % du territoire français, mais seulement 4 % de sa population. Prise dans son ensemble – Mayotte est en croissance, les Antilles vieillissent –, leur population est plutôt stable, de l’ordre de 3 millions d’habitants. Mais cette population, dans le scénario central de l’ONU, croîtra légèrement en proportion dans les décennies à venir, du fait de la probable stagnation de la population métropolitaine. Au-delà de 2030, les territoires ultramarins permettraient à la France de dépasser les 70 millions d’habitants et de demeurer à ce niveau. Ce qui lui permettrait de maintenir une population équivalente à ses grands voisins : en 2070, notre pays compterait 69,9 millions d’habitants, dont 3,3 millions en outre-mer, contre 76,4 millions pour l’Allemagne et 75,8 millions pour le Royaume-Uni.

Dans une bananeraie de Basse-Pointe en Martinique. © CHARLY TRIBALLEAU/AFP

 S’agissant des ressources, au-delà des richesses agricoles (banane, canne à sucre…) et minières (nickel…), il convient de prendre conscience à quel point le domaine maritime peut constituer un atout à l’aube d’une ère où celles qui sont issues des mers et des océans seront de plus en plus importantes. On pense non seulement aux ressources halieutiques et à l’aquaculture, mais aussi au potentiel des fonds marins.
À ce stade, nous avons préféré la préservation à l’exploitation. Le gouvernement a mis un terme, en 2020, à la recherche de gisements d’hydrocarbures offshore. Les projets miniers se heurtent parfois aux militants locaux (Montagne d’or en Guyane). Surtout, la France a choisi de soutenir « l’interdiction de toute exploitation des grands fonds marins ». Le caractère consensuel de ce choix a été confirmé par une résolution de l’Assemblée nationale qui, le 17 janvier, a déclaré « soutenir, dans le cadre d’un moratoire, l’interdiction de l’exploitation minière des fonds marins en haute mer tant qu’il n’aura pas été démontré par des groupes scientifiques indépendants et de manière certaine que cette activité extractive peut être entreprise sans dégrader les écosystèmes marins et sans perte de la biodiversité marine ».
L’avenir dira si cette position relève de la sagesse visionnaire permettant la protection d’un patrimoine de l’humanité, ou de l’aveuglement idéologique au détriment de notre économie. Dans tous les cas, le potentiel des territoires d’outre-mer ne pourra être conservé et exploité que si Paris maîtrise sa souveraineté sur ces territoires. Au-delà de l’hypothétique désir d’indépendance des populations locales (Nouvelle-Calédonie), les convoitises seront nombreuses. La présence de la France dans des zones stratégiques lointaines explique le nombre des différends territoriaux qu’elle entretient avec certains de ses voisins, notamment le Canada (délimitation des ZEE dans une zone riche en poissons) et dans l’océan Indien : les îles Éparses sont revendiquées par nos voisins (Madagascar, Maurice, les Comores). Raison pour laquelle on a pu voir un président de la République y poser le pied pour la première fois en 2020…
Certains s’inquiètent parfois d’un scénario de type « Malouines », qui verrait un grand État tenter de se saisir d’un territoire français. La probabilité d’un tel scénario est à peu près nulle, n’en déplaise à ceux qui imaginent un Brésil « bolsonariste » vouloir se saisir de la Guyane. Beaucoup plus préoccupante est la possibilité de voir la Chine étendre son influence sur les territoires de l’espace indo-pacifique et y grignoter la souveraineté française.
ARCHIVESÀ la (re)conquête de l’Indo-PacifiqueEmmanuel Macron le disait sur place en 2021 : « On ne peut être français un jour et chinois le lendemain. » Il a évoqué à plusieurs reprises, lors de ses vœux aux armées présentant les grandes lignes de la prochaine loi de programmation militaire, le sort des Drom et des COM de l’océan Indien et de l’océan Pacifique, « de plus en plus exposés » et « aux premières loges » de la compétition stratégique naissante. Pékin n’est pas la seule à s’intéresser à notre « constellation » maritime – terme proposé par M. Macron lors de ses vœux aux armées.
On a vu, récemment, des bâtiments militaires iraniens dans les eaux polynésiennes… Tout aussi préoccupante est l’activité d’acteurs non étatiques, organisés ou non, qui adoptent des comportements de prédation (pêche) ou profitent d’un maillage de la présence de l’État moins serré pour diverses activités illégales (trafics, piraterie).
Le dispositif des forces de présence est ainsi appelé à être renforcé. C’est une urgence : les matériels y sont souvent vétustes ou défaillants. Première étape : le déploiement de six nouveaux patrouilleurs outre-mer, d’une autonomie accrue et aptes à correspondre aux standards de l’Otan. Le premier a pris la mer en janvier pour rallier Nouméa, en Nouvelle-Calédonie ; le deuxième ralliera Tahiti en 2024. Les Drom et les COM sont ainsi, comme le disait le président de la République le 20 janvier, « un immense atout et une immense responsabilité »
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Oui voire la pêche à la legine dans les terres australes par les chinois, bien moins inquiétés qu’au large de l’Afrique de l’Ouest. Notre territoire national doit devenir selon les européistes/mondialistes post national, c’est à dire on ne sait pas quoi ! Il n’y a qu’à se servir ! Poutine surveille mieux sa cote arctique
Enfin des personnes autre que les Chinois se soucient de notre énorme ZEE. Nous sommes actuellement incapable de surveiller ces territoires et encore moins de les défendre. C’est notre marine qui doit bénéficier de ce budget augmenté. Aucun pays européen ne viendra nous aider en cas de problème en Polynésie alors qu’ils se débrouillent avec la menace russe…
Oui nos outre mers ont des vertus citées dans cet article mais on oublie les cauchemars et réalités. Ces outre mers sont devenus très dépendants et accros à la dette française et leurs revenus générés pour la plupart par le tourisme ne suffit plus à compenser le déficit de richesse qu’ils pourraient donner en retour à la France. Pire, Macron se désintéresse totalement de nos outre mer. Ainsi la Nouvelle Calédonie : porte avions du Pacifique plein de nickel, qui a refusé 3 fois l’indépendance, Macron y fait le mort pour relancer l’influence française sur place avec une solution qui pourrait être l’équivalent de l’autonomie polynésienne. Ensuite il faudrait travailler à développer fortement l’autonomie énergétique des outre mers avec un déploiement massif du renouvelable. Et là aussi Macron est absent. Hollande a failli lui lâcher Antigua et Europe des îlots au large de Madagascar et il a fallu une vigilance forte des députés et sénateurs pour bloquer le processus de lâchage. La relance des filières agricoles locales (cafe, vanille, banane, rhum, sucre et… ) comme de la pêche ” raisonnée” est là aussi laissé en jachère : l’Europe est focalisée sur les grandes productions sur sol de l’Europe et se désintéresse totalement des productions exotiques, imité par Macron trop heureux de ne rien faire, car c’est un champion des beaux discours… Exotiques et inutiles. Oui nos outre mers peuvent être des atouts quand on s’en occupe. Il suffit de voir le désastre de Mayotte pour tout comprendre ce qu’est la politique outre mer du blablateur Macron.
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