« Ce ne sont pas les mutants du Covid qui nous tueront mais la crise économique » : la fermeture des frontières est une catastrophe en Polynésie française où le tourisme est le pilier de l’économie. « Dans deux semaines on n’aura plus d’arrivée du tout de nos principaux marchés émetteurs pour au moins deux mois, peut-être trois », a déclaré Thierry Brovelli, directeur de l’hôtel Intercontinental Tahiti et coprésident du Conseil des Professionnels de l’Hôtellerie.
Depuis le 31 janvier, la France a fermé ses frontières aux pays extérieurs à l’Union européenne, « sauf motif impérieux ». Tous les déplacements en provenance et en direction de ses territoires ultramarins sont également soumis à la production de motif impérieux. La décision est mal comprise en Polynésie où l’épidémie reflue après un pic en novembre. Le président de cette collectivité autonome y était d’ailleurs opposé mais le contrôle des frontières reste une compétence d’État.
Le gouvernement local a demandé à la France que cette fermeture n’excède pas deux mois. Au-delà de trois mois, « ce ne seront pas les Covid mutants qui nous tueront, mais la crise économique, le chômage et les faillites », s’est inquiété le président polynésien Edouard Fritch.
Jusqu’à mercredi, le tourisme était admis comme motif impérieux de voyage, afin de préserver l’économie polynésienne. Ce n’est plus le cas : les seuls motifs reconnus comme impérieux portent sur la santé, la famille ou le travail. Deux passagers arrivés jeudi à l’aéroport de Tahiti-Faa’a ont été renvoyés dans leur pays d’origine. Les touristes qui séjournaient en Polynésie peuvent en revanche retourner chez eux.
Le gouvernement local tente de maintenir à flot le tourisme local avec le marché intérieur. Il va proposer un chèque voyage aux Tahitiens qui souhaitent découvrir d’autres îles polynésiennes. Une aide qui devrait surtout soutenir les petites structures familiales.
« Les pensions n’ont pas fermé définitivement : elles ont parfois licencié, suspendu leurs activités, mais ce sont des entreprises familiales, elles reprendront ensuite », espère Mélinda Bodin, propriétaire d’une pension et présidente de l’Association du Tourisme Authentique qui représente plus de 300 pensions et prestataires de services touristiques. Selon elle, certains ont investi 400 000 euros dans leur hôtel de famille et n’ont presque aucun revenu depuis dix mois. Les hôtels eux ne croient pas au sauvetage du tourisme par les touristes polynésiens. « On a 8 % de clientèle locale en temps normal : on ne peut pas être sauvés par le marché local », déplore Thierry Brovelli. Mais pour le moment, son hôtel reste ouvert.
« Pour tenir un hôtel en sommeil, il faut au moins 20 % du personnel et des charges qui se maintiennent. Autant avoir le marché local pour perdre moins d’argent », explique-t-il. « Les petites structures sont aidées mais, pour les grosses structures, il n’y a aucune aide de l’État pour le moment, on attend une réponse », regrette-t-il. Les six hôtels les plus luxueux de Bora Bora, prisés des touristes américains fortunés, ont choisi de fermer au moins jusqu’à la fin mars, tout comme le Brando de Tetiaroa, un hôtel écologique apprécié des stars et des milliardaires.
Depuis le début de la crise, tous secteurs confondus, l’État a versé près de 80 millions d’euros d’aides aux entreprises polynésiennes. Elles ont aussi contracté 438 millions d’euros de Prêts garantis par l’État (PGE), selon le haut-commissariat de la République en Polynésie française.

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