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Publié le 21.11.2022
La deuxième Rencontre nationale de l’éveil artistique et culturel des jeunes enfants, qui s’est tenue le 4 novembre dernier au Centre Pompidou, a mis l’accent sur les lieux et les espaces de l’éveil artistique et culturel au quotidien.
La première édition visait à fédérer les initiatives en faveur de la petite enfance. La deuxième Rencontre nationale de l’éveil artistique et culturel des jeunes enfants, qui s’est tenue le 4 novembre au Centre Pompidou en présence de Rima Abdul Malak, ministre de la Culture, entend, quant à elle, explorer les interstices – lieux ou espaces – dans lesquels se glisse au quotidien l’éveil artistique et culturel.
Autrice en 2019 du rapport « Une stratégie nationale pour la Santé Culturelle – promouvoir et pérenniser l’éveil culturel et artistique de l’enfant de la naissance à 3 ans dans le lien a son parent », la psychanalyste Sophie Marinopoulos invite à mieux penser les lieux fréquentés par les bébés. « Notre manière de penser les lieux pour les enfants n’est plus la même aujourd’hui mais c’est une très grande difficulté de vouloir faire évoluer nos institutions et espaces en fonction des besoins. Nous devons voir grand pour nos petits et l’espace qui peut encourager et autoriser peut aussi interdire ou décourager. Nous avons donc une responsabilité dans ces aménagements. »
Un souhait partagé par Sylviane Giampino, psychologue de l’enfance et psychanalyste, vice-présidente du Haut Conseil de la famille de l’enfance et de l’âge et présidente du Conseil de l’enfance et de l’adolescence qui prévoit de revenir l’an prochain sur les espaces autres que les lieux familiaux et scolaires. « C’est la place que nous voulons bien faire aux enfants qui est en jeu dans cette question. L’environnement que nous leur offrons à vivre, c’est-à-dire la manière dont sont organisés les services et institutions qui les soignent, les accompagnent, les éduquent ou les transportent, doit être organisé et donc bénéficier d’une politique de l’enfance la plus adaptée possible. »
Depuis quelques années, plusieurs structures locales se sont penchées sur la question de l’éveil artistique et culturel au quotidien. Ces réflexions ont débouché sur des initiatives et expérimentations, qui ont fait l’objet d’une présentation à l’occasion de la deuxième édition de la Rencontre nationale de l’éveil artistique et culturel des jeunes enfants.
Des professionnels du monde de la culture ont mené une réflexion, avec l’aide des professionnels de la petite enfance sur un âge clé : celui de trois ans avec l’entrée en école maternelle. En région Grand Est, la Drac expérimente depuis 2019 le projet Passerelle dans les cités éducatives. Ce dispositif amène des artistes dans les lieux d’accueil de la petite enfance pour préparer l’entrée en école maternelle. « Cette année 2019 était celle des premières labellisations de cités éducatives et du renouvellement de la stratégie de lutte contre la pauvreté donc nous cherchions à tisser des liens entre ces différents enjeux », se souvient Élise Mérigeau, conseillère action culturelle et territoire à la Drac Grand Est.
Une première expérience a été menée à Chaumont avec une halte-garderie et une école maternelle situées dans un même bâtiment proche du Signe, le centre national du graphisme. Des artistes et un collectif de graphistes ont imaginé pendant plusieurs mois – avant et après l’entrée à l’école – un projet de résidence artistique avec les deux structures en collaboration avec l’Éducation nationale, les parents et des partenaires de ce quartier classé Quartier prioritaire de la ville. « Nous avons fait l’hypothèse que cette proposition artistique peut être un moment qui accompagne la parentalité et l’enfant au moment de cette transition sensible », poursuit Elise Mérigeau.
Après cette première à Chaumont en 2019, neuf projets ont vu le jour cette année, l’objectif étant de mener un projet dans chaque département la saison prochaine, tous prenant en compte les spécificités de chaque territoire.
Une deuxième initiative veut explorer les transitions entre lieux de la petite enfance et de culture. Dans les Hauts-de-France, Colline Acepp (Association des collectifs enfants parents professionnels) et la Chambre d’eau ont élaboré le projet des Petits Art’penteurs, lauréat de l’appel à projets 1000 premiers jours accueil hors les murs. Cette fois-ci, la culture vient à la rencontre des enfants et de leurs familles, grâce à des ateliers d’éveil artistique et culturel dans le territoire Avesnois- Thiérache, à cheval sur deux départements. « C’est un territoire très étendu et rural avec des problématiques sociale et économique importantes, notamment en termes de mobilité des familles, explique Noémie Lanoë, chargée de mission animation au sein de Colline Acepp. L’idée est d’aller vers ces familles les plus éloignées des structures d’accueil de la petite enfance. »
Dans un premier temps, un réseau de professionnels de la petite enfance et de la culture a été monté pour pallier à ces problématiques et proposer des actions. Les premières ont débuté en janvier dernier, elles sont aujourd’hui une douzaine sur le territoire, dans des lieux d’accueil de la petite enfance et culturels. « En plus de partager moment avec leur jeune enfant, les familles découvrent de nouveaux lieux. Certaines n’étaient par exemple jamais entrées dans la médiathèque de leur village et ont pu appréhender le lieu et être accompagnées par un professionnel dans cette rencontre », poursuit Noémie Lanoë. Ce projet prévoir également la mise en relation des professionnels avec des formations.
Après une année d’expérimentation, un comité de suivi a été mis en place pour structurer le réseau de professionnels et ancrer la démarche sur le territoire et pérenniser ces actions d éveil artistique et culturel.
Enfin l’association Cinémas 93, qui regroupe 23 cinémas publics et associatifs de Seine-Saint-Denis, mène des dispositifs d’éveil à la salle obscure et d’accès à l’univers de l’image pour les tout-petits. « Nous menons une réflexion depuis vingt ans pour faire découvrir la salle de cinéma, souligne Xavier Grizon, chargé d’actions éducatives à l’association. Nous proposons des séances qui prennent le temps d’accueillir les enfants, qui expliquent comment on passe du dehors à la salle de cinéma. Nous avons tous une attention limitée dans le temps et pour les tout-petits, la question est de savoir comment on peut prendre en charge cette attention. Nous travaillons donc avec à sensibiliser les professionnels, les parents, les familles, la communauté éducative, les auxiliaires de puériculture et les PMI. » Ainsi, Cinémas 93 développe des séances avec des animations comme par exemple des spectacles cinématographiques mêlant danse, concert ou narration.
Parmi les lieux propices à l’éveil artistique et culturel, il en est un particulièrement sensible, celui qui relève du milieu du soin : centres hospitaliers, maternités ou salles d’attente. Partout en France, des associations mettent en place des initiatives dans ces espaces pour profiter de ces moments pour initier les tout-petits à l’art.
Près de Tours, Livre Passerelle, association d’éducation populaire créée en 1998 qui vise à lutter contre l’illettrisme, a lancé Lisons aux nourrissons, une double action de lecture à voix haute. La première est menée l’hôpital Parents-enfants (HOPE) d’Amboise – Château-Renault, auprès de parents souffrant de troubles psychiques pendant la période périnatale. Depuis 2020, tous les lundis matin, l’association arrive avec près de 150 albums jeunesse. « Cette session de lecture est devenu un élément marquant de la semaine d’hospitalisation tant pour les parents que pour les soignants, explique Catherine Métais, animatrice lecture. Notre objectif c’est de lire à un tout-petit sous le regard de son parent et présumer que la parole des albums, différente des mots du quotidien car plus poétique, prête aux parents les mots pour s’adresser à leur bébé et accompagner la construction ou la restauration du lien parent-enfant mis à mal par la maladie. »
La seconde prend place dans le service de néonatologie du CHU Bretonneau de Tours qui accueille des nouveau-nés atteints de pathologies lourdes ou de grande prématurité. « Le lien d’attachement est mis à mal car les parents ne peuvent pas prendre leur bébé dans les bras et se sentent démunis », explique Jeanne Beutter, animatrice lecture. Ainsi, chaque semaine, les membres de l’association viennent lire à des parents qui deviennent à leur tour lecteurs pour leur bébé. « L’idée est que les parents prennent plaisir à entendre des histoires pour les partager ensuite à leur bébé pour devenir acteurs de leur développement », poursuit Jeanne Beutter. Une recherche se met en place sur ces deux actions, en partenariat avec l’Université de Tours. L’an prochain, des interventions de lecture seront filmées et analysées pour en mesurer les effets.
Toujours pour favoriser ce lien parent-enfant, depuis le mois de mars, près de 250 maternités situées en territoire prioritaire (Quartier prioritaire de la ville et zone de revitalisation rurale) proposent le sac des 1 000 premiers jours instauré par le ministère de la Santé et des Solidarités. Dans ce sac, cinq objets clés pour le développement de l’enfant, dont un album jeunesse pour faciliter l’éveil culturel. « Quatre albums ont été sélectionnés pour leur facilité d’appropriation, y compris par les parents allophones », précise Solenne Gibon, chef de projet de ce sac des 1 000 premiers jours.
Cette action est complétée par des actions complémentaires au sein des PMI. C’est d’ailleurs dans les salles d’attente de ces lieux qu’intervient Livre pour l’Insertion et le Refus de l’Exclusion (L.I.R.E), association qui se déplace dans quatorze centres parisiens pour lire des albums aux enfants. « La salle d’attente est un contexte particulier puisque c’est un temps de consultation, un entre-deux. Ces lieux sont liés au soin donc comment y promouvoir la culture ? », interroge Frédéric Boyer, responsable de la coordination, lecteur et formateur. Ainsi, des espaces de lecture ont été aménagés dans ces salles, sur les tapis de motricité ou les comptoirs, à portée des enfants pour favoriser des « rencontres fortuites avec des familles qui ne seraient pas forcément venues à nous », comme le constate Frédéric Boyer.
Enfin, dans le registre musical, l’association Musique et Santé intervient dans le milieu hospitalier avec des concerts. « Le lieu de l’hôpital est très spécifique avec ses contraintes hygiénique ou acoustique. Il faut savoir se mettre à hauteur des enfants, dans un couloir ou entre deux passages de médecin », constate Philippe Bouteloup, musicien et formateur pour l’association. L’association propose une double approche en jouant pour et avec l’enfant. « Ça le remet dans une relance d’espérance, il peut se projeter sur demain », poursuit le musicien.
 
La notion des « 1 000 premiers jours », pour la période de vie allant de la grossesse aux deux ans de l’enfant, est une période fondamentale pour la construction de la santé de l’enfant. En 2021, un rapport sur cette période a été remis au secrétaire d’état à la famille et à l’enfance. Ce rapport s’assortit du déploiement d’une politique des 1 000 premiers jours par le ministère des Solidarités et de la Santé.
Dans cette politique, un appel à projets régionaux a été mis en place pour accompagner des initiatives innovantes favorables à l’éveil artistique et culturel du jeune enfant a été mis en place. L’un des quatre axes prioritaires de cet appel à projets est d’ailleurs consacré à « l’aménagement des lieux et de l’offre pour favoriser l’éveil culturel et artistique des tout-petits, notamment des plus défavorisés ».
 

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