L’Institut national d’études démographiques (Ined) est un organisme public de recherche spécialisé dans l’étude des populations, partenaire du monde universitaire et de la recherche au niveau national et à l’international.
Fondé en 1945, l’Ined est devenu en 1986 un Établissement public à caractère scientifique et technologique (EPST) placé sous la tutelle du Ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche, du Ministère de la santé et de la prévention et du Ministère des solidarités, de l’autonomie et des personnes handicapées L’institut a pour missions d’étudier les populations de la France et des pays étrangers, de diffuser largement les connaissances produites et d’apporter son concours à la formation à la recherche et par la recherche. Par une approche ouverte de la démographie, il mobilise un large éventail de disciplines comme l’économie, l’histoire, la géographie, la sociologie, l’anthropologie, la biologie, l’épidémiologie. Fort de ses équipes de recherche, il encourage les échanges et conduit de nombreux projets de recherche européens ou internationaux.
Depuis 1986, l’Ined fait partie des 8 établissements publics scientifique et technique (EPST), à l’image du CNRS, de l’Inserm ou encore de l’INRA et l’IRD. L’institut a pour missions d’étudier les populations sous tous leurs aspects, de former à la recherche et par la recherche, d’informer les pouvoirs publics et le public sur les questions démographiques et de diffuser les travaux démographiques français à l’international..
Les effectifs de l’Ined rassemblent près de 250 personnes, dont une cinquantaine de chercheurs titulaires, plus d’une quarantaine de doctorants et autant de chercheurs associés. L’institut compte 10 unités de recherche, une unité mixte de service et sept services d’appui à la recherche comme le service Méthodes statistiques et le service des Enquêtes.
L’Ined est doté de plusieurs instances : le conseil scientifique, le conseil d’administration, la commission d’évaluation et d’un comité d’éthique.
L’Ined est l’un des membres fondateurs du Campus Condorcet. Toutes ses équipes sont installées à Aubervilliers et contribuent activement à faire de ce nouveau pôle une référence pour les sciences humaines et sociales, à l’échelle nationale et internationale.
Les travaux de recherche de l’Ined sont en partie financés par les crédits budgétaires de l’établissement. Ils peuvent aussi bénéficier de dotations issues d’agences de financement telle que l’Agence nationale de la recherche (ANR), ou provenant d’organismes publics, de l’industrie ou de programmes européens tels que European Research Council (ERC) et Horizon 2020.
Chaque année, des chercheurs de l’Ined candidatent aux appels à projets lancés par l’Agence nationale de la recherche (ANR).
L’Ined figure parmi les lauréats des Laboratoires d’excellence (Labex), Equipements d’excellence (Equipex), Ecoles universitaires de recherche (EUR) et Institut Convergences. Ces projets, financés par le Programme des investissements d’avenir (PIA), dotent la recherche en sciences de la population d’instruments de financement afin de faire émerger des projets scientifiques ambitieux, capables d’augmenter l’excellence scientifique et la visibilité internationale de la recherche française.
En accord avec la politique d’internationalisation de l’Ined, les équipes de recherche de l’Institut répondent chaque année à des appels à projets internationaux et européens, en lien notamment avec les programme Horizon Europe, Erasmus+ ou encore les Partenariats Hubert Curie. Vous pouvez consulter les projets financés dans le cadre d’appels à projets européens et internationaux dans la rubrique : Appels à projets financés dans le cadre d’appels à projets
Des accords-cadres sont régulièrement signés entre l’Ined et des organismes pour concrétiser l’intérêt et la volonté des chercheurs de l’Ined et de leurs partenaires, établir le cadre de la collaboration et les objectifs scientifiques. Ils formalisent des engagements autour d’activités de recherches, de formation et de valorisation scientifique. Au niveau national, l’Ined renforce également ses liens avec l’enseignement supérieur.
L’Ined se distingue par sa capacité à mener des recherches qui couvrent non seulement la France mais une large partie du monde. Son envergure internationale se reflète dans ses nombreux partenariats à l’étranger et son rôle actif au sein de la communauté scientifique mondiale. L’institut entretient cette culture de la coopération internationale et prend toute sa place dans l’espace européen de la recherche.
L’Ined est un partenaire central dans les grandes initiatives de recherche en démographie européenne. L’institut participe à de nombreux projets financés par l’Union européenne ainsi qu’aux principales initiatives qui rassemblent la communauté des démographes européens.
L’Ined soutient la mobilité internationale des chercheurs, un instrument de formation et de coopération qui participe au renouvellement des problématiques et méthodes de recherche.
Le savoir est fait pour être partagé. L’Ined s’engage dans une politique active visant à promouvoir l’accès aussi ouvert que possible aux données, aux méthodes et aux résultats de la recherche sur la population
A travers sa charte pour la science ouverte, l’Ined promeut un accès aussi ouvert que possible aux données, aux méthodes et aux résultats de la recherche sur la population
Organisme public, l’Ined recrute ses fonctionnaires sur concours, à partir du CAP jusqu’au doctorat. L’Ined fait aussi appel à du personnel en vacation ou en contrats à durée déterminée dans des domaines très variés.
L’Ined recrute sur concours des chercheur-e-s, des ingénieur-e-s et des technicien-ne-s. Retrouvez ici les derniers avis de concours, la présentation des postes à pourvoir et les informations pour déposer sa candidature.
Pour un stage ou un emploi, cette rubrique vous permet d’adresser directement une candidature spontanée à l’Ined.
La recherche à l’Ined s’organise autour d’équipes pluridisciplinaires et thématiques composées de chercheurs titulaires et associés. Elles accueillent des doctorants et des post-doctorants formés à la recherche par la recherche. Plus de 70 projets de recherche pluriannuels sont engagés. Dans le cadre de certains d’entre eux, l’Ined produit ses propres enquêtes, l’une de ses spécificités. L’institut met les données recueillies à disposition de la communauté scientifique.
L’Ined accorde une place croissante à la formation à la recherche par la recherche. Chaque année, l’institut accueille des doctorants, venus de France ou de l’étranger, sélectionnés sur dossiers. Encadrés par un.e chercheur.e, ces étudiants intègrent une ou deux unités de recherche de l’Ined en fonction de leur sujet de thèse. Ils bénéficient ainsi des moyens de travail et de l’environnement stimulant offerts par l’Ined.
L’Ined propose des contrats post-doctoraux, d’un ou deux ans en général, à de jeunes chercheurs, français ou étrangers. Les bénéficiaires sont sélectionnés en fonction de leurs compétences, de la qualité et l’originalité de leur projet de recherche et de son adéquation avec les thématiques de recherche de l’Ined.
L’Ined produit ses propres enquêtes. Les données recueillies sont accessibles à l’ensemble de la communauté scientifique. L’institut possède un service des enquêtes, qui définit les plans de sondage, aide à la conception des questionnaires et l’élaboration des protocoles de collecte, redresse les échantillons statistiques. Il assure ensuite la mise à disposition des bases de données anonymisées. Le catalogue des enquêtes de l’Ined et la présentation des projets en cours peuvent être consultés en ligne.
L’Ined met à disposition des internautes de vastes ressources documentaires sur la population : sa bibliothèque, ouverte à tous et accessible en ligne, et une présentation des méthodes d’analyse statistique et de la méthodologie d’enquête.
La recherche s’appuie sur une palette de méthodes d’analyse statistique qui permettent de décrire et modéliser les événements ou phénomènes démographiques à partir des données recueillies lors des enquêtes. En plus de méthodologies classiques (analyse de données, régressions logistiques…), plusieurs méthodes se sont imposées ces 30 dernières années en démographie. De nombreuses ressources disponibles, notamment de séminaires et de publications, aident à s’informer sur l’utilisation de ces différentes méthodes.
Des séminaires méthodologiques et pratiques en France et à l’Etranger, des articles publiés sur l’utilisation de ces méthodes, des listes de références bibliographiques, voici quelques exemples de ressources statistiques disponibles
Chaque enquête est spécifique. Mais un certain nombre d’étapes sont incontournables. Dès le début, il faut envisager les questions du protocole d’enquête, de la base de sondage, du budget, de la réglementation, des tests, de la constitution de fichiers et de l’étude de la qualité. Au sein de l’Ined, le service des enquêtes et sondages suit la majeure partie des collectes de données requises par les projets de recherche de l’institut. Il accompagne la production des données tout au long du processus ou apporte un soutien ponctuel lors de certaines phases d’enquête.
Les enquêtes de l’Ined répondent chaque fois à une problématique de recherche particulière. Très souvent innovantes, elles sont réalisées «sur mesure». Les choix méthodologiques constituent en eux-mêmes une étape de la recherche. Les temps de la préparation, de la conception des questions et du bilan des enquêtes pilotes ne sont donc pas à sous-estimer, de même que l’étude de la qualité des données collectées.
L’Ined présente ici un ensemble de ressources et de contenus susceptibles d’apporter un éclairage scientifique sur plusieurs grands thèmes faisant parfois écho à l’actualité législative.
Les récentes avancées sociétales et médicales autour des enjeux contemporains de bioéthique ont fait émerger de nombreux sujets de recherche. A l’Ined, plusieurs projets de recherche, des enquêtes, des articles scientifiques contribuent à apporter de nouvelles connaissances sur des sujets comme l’AMP, la GPA, le choix du sexe de l’enfant ou encore la fin de vie.
Les éditions de l’Ined existent depuis la création de l’institut et constituent l’une de ses missions fondamentales de diffusion des savoirs. Elles reflètent et accompagnent la pluridisciplinarité de la sphère démographique par la valorisation de la production scientifique et des résultats d’enquêtes auprès d’un public diversifié, offrant ainsi une expertise scientifique et une connaissance solide au débat public et aux grandes questions de société. L’archive ouverte permet la diffusion élargie des publications en libre accès ainsi que l’archivage pérenne des travaux des chercheurs de l’Ined.
Le service de la Bibliothèque, documentation et archives de l’Ined a rejoint le Grand Équipement Documentaire (GED). Cette grande bibliothèque au service de la recherche en sciences humaines et sociales, rassemble des collections issues de plus de 50 bibliothèques, fonds documentaires et services d’archives.
n° 599, Avril 2022, 4 pages
https://doi.org/10.3917/popsoc.599.0001
L’exposition aux horaires atypiques de travail se recompose au cours de la dernière décennie plus qu’elle ne se diffuse à l’ensemble des salariés. Ce sont les femmes peu qualifiées qui pâtissent le plus de la montée des horaires atypiques, en particulier du travail habituel le samedi et le dimanche. À l’inverse, les cadres connaissent une relative normalisation de leurs horaires de travail, avec un recul des horaires atypiques, mais aussi des horaires imprévisibles et variables.
Horaires atypiques de travail, travail de nuit, travail dominical, dérégulation du temps de travail, catégories socioprofessionnelles, genres, enquête Conditions de travail, France
Les horaires atypiques de travail, tôt le matin, le soir, la nuit, le samedi et/ou le dimanche, ont progressé ces dernières décennies suite aux lois favorisant la modulation du temps de travail et étendant le recours dérogatoire au travail dominical. Quelles catégories socioprofessionnelles ont été les plus touchées par cette évolution ? Les femmes ont-elles été affectées de la même façon que les hommes ?
Les inégalités sur le marché du travail ont longtemps été examinées au travers des seules questions du statut d’emploi, du salaire et de la durée du travail. La répartition des heures et jours de travail dans la semaine soulève également d’importants défis pour les familles et la santé des salariés [1, 2, 3]. Si la « journée de bureau » s’est progressivement imposée comme la norme de référence au cours du XXe siècle, les horaires standards sont numériquement en recul. En 2019, 37 % des salariés de l’Union européenne travaillent ainsi habituellement en horaires non standards, c’est-à-dire le soir, la nuit, le samedi et/ou le dimanche. Plusieurs évolutions ont favorisé le développement des horaires atypiques de travail : l’essor de l’économie numérique et du travail à la demande, aussi appelée « ubérisation » de l’économie ; le vieillissement de la population et la hausse des besoins en matière de soins aux personnes âgées ; les changements dans les modes de vie et de consommation ; la dérégulation du temps de travail. En France, alors que les règles régissant la durée du travail sont fixées par le Code du travail, une série de lois récentes a favorisé la modulation du temps de travail par accord d’entreprise et étendu le recours dérogatoire au travail dominical. Ces transformations économiques et juridiques s’accompagnent-elles d’une progression des horaires atypiques de travail et, si oui, pour quels types d’activités et groupes de salariés ?
Au sens strict, les horaires atypiques de travail désignent les jours et horaires de travail non conventionnels, c’est-à-dire les horaires décalés dans la journée (le soir, la nuit, tôt le matin) et dans la semaine (le week-end). La mesure de ces horaires varie selon les réglementations nationales et les conventions statistiques (voirannexe en ligne [7]). Un salarié est dit en horaires atypiques ici s’il déclare travailler habituellement selon au moins l’une des modalités suivantes : tôt le matin (5h-7h), tard le soir (20h-0h), la nuit (0h-5h), le samedi, le dimanche. Sont ainsi exclus les salariés qui travaillent occasionnellement en horaires atypiques pour ne retenir que les expositions les plus fréquentes, susceptibles d’avoir des répercussions importantes dans la sphère familiale.
En France métropolitaine, en 2019, 36 % des salariés travaillent habituellement en horaires atypiques. Cette fréquence, qui situe la France dans la moyenne européenne, apparaît stable au cours de la dernière décennie. Toutefois, tandis que le travail du soir et de nuit a légèrement reculé entre 2013 et 2019, le travail du samedi, du dimanche et du matin (de 5h à 7h) a augmenté pour certaines catégories de salariés qui apparaissent plus exposées (figure 1). Les femmes sont désormais proportionnellement plus nombreuses que les hommes à travailler avec des horaires atypiques même si elles n’effectuent pas les mêmes types d’horaires. Elles travaillent plus souvent le samedi et le dimanche, et la part de femmes exposées à ce type d’horaires a augmenté au cours de la dernière décennie contrairement à celle des hommes. Ces derniers restent proportionnellement plus nombreux à travailler tôt le matin, le soir et surtout la nuit, mais leur exposition aux horaires atypiques tend à se réduire sur la période.
D’importantes différences existent également selon la catégorie socioprofessionnelle des salariés et les écarts entre groupes sociaux se creusent sur la période (figure 2). En 2019 comme en 2013, les horaires atypiques sont plus fréquents parmi les salariés peu qualifiés. En 2019, un cadre sur six travaille habituellement en horaires atypiques contre près de la moitié des ouvriers et plus de la moitié des employés non qualifiés, catégorie la plus exposée. Au sein de ce groupe, quatre salariés sur dix travaillent habituellement le samedi et un quart le dimanche. Mais entre 2013 et 2019, l’exposition aux horaires atypiques a diminué de 18 % chez les cadres tandis qu’elle stagnait ou augmentait pour les autres salariés. La nature des emplois (plus souvent télétravaillables) et le statut d’activité (CDI) ont pu constituer pour les cadres des facteurs favorables à la mise en œuvre d’accords d’entreprises visant à favoriser la conciliation des temps de vie, promue de longue date par l’Union européenne [4].
En croisant la catégorie socioprofessionnelle et le sexe pour tenir compte de la ségrégation sexuée du marché du travail, il apparaît que l’exposition des femmes aux horaires atypiques se réduit au cours de la dernière décennie pour les plus qualifiées alors qu’elle augmente au contraire pour celles qui le sont le moins. La part des femmes cadres en horaires atypiques diminue de 23 % entre 2013 et 2019 tandis qu’elle augmente de 11 % pour les ouvrières non qualifiées, catégorie qui subit la plus forte dégradation. Chez les hommes, la polarisation sociale des horaires de travail est moins marquée. La part des cadres en horaires atypiques diminue de 14 % entre 2013 et 2019, tandis que celle des ouvriers non qualifiés stagne.
L’association entre les horaires atypiques et le sexe varie selon la catégorie socioprofessionnelle et le secteur d’activité comme le confirme un modèle de régression logistique (voir annexe en ligne [7]). Si les employés sont en moyenne plus susceptibles de travailler en horaires atypiques que les cadres, être une femme dans cette catégorie attenue le risque d’exposition. Employées qualifiées, les femmes exercent en effet plus souvent dans les bureaux que leurs homologues masculins, qui sont surreprésentés dans les emplois de pompier, police, armée, agent de sécurité, où les horaires atypiques sont répandus. De même, les ouvriers non qualifiés sont plus susceptibles de travailler en horaires atypiques que les cadres mais, cette fois, être une femme renforce le risque d’exposition à des horaires atypiques : les ouvrières non qualifiées travaillent fréquemment comme agentes d’entretien tandis que les hommes de cette catégorie sont plus souvent manœuvres dans le bâtiment et les travaux publics (BTP) où les heures diurnes et en semaine sont plus fréquentes.
En matière de temps de travail, les horaires atypiques peuvent se combiner avec d’autres formes de contraintes temporelles [5]. Parmi ces dernières, les horaires irréguliers (variables d’un jour à l’autre), les journées discontinues (périodes de travail séparées d’au moins 3h) et les horaires imprévisibles (connus un jour à l’avance ou moins) sont susceptibles d’affecter le bien-être et l’organisation familiale des salariés [6]. Les salariés habituellement en horaires atypiques sont davantage concernés par ces contraintes temporelles que les salariés en horaires conventionnels : en 2019, 35 % des salariés travaillant habituellement en horaires atypiques ont également des horaires variables (contre 24 % des autres salariés), 12 % ne connaissent pas leurs horaires de travail à l’avance (contre 8 % des autres salariés) et 9 % effectuent des journées de travail discontinues (contre 3 % des autres salariés).
La proportion de salariés en horaires atypiques concernés par ces autres formes de contraintes temporelles varie toutefois selon le sexe et la catégorie socioprofessionnelle (tableau et figure 3). En bas de l’échelle sociale, les ouvrières et employées non qualifiées font plus souvent face à des journées discontinues et des horaires imprévisibles, dans des proportions identiques ou supérieures aux hommes de leur catégorie : elles sont parmi les plus exposées. Au contraire, les femmes qualifiées (cadres, et dans une moindre mesure professions intermédiaires et employées qualifiées) apparaissent moins touchées par ces contraintes et sont toujours plus protégées que les hommes de leur catégorie.
En outre, comme pour les horaires atypiques, ces contraintes temporelles tendent à se réduire pour les plus qualifiés au cours de la dernière décennie, en particulier pour les femmes, alors qu’elles connaissent des évolutions contrastées pour les moins qualifiées (figure 3). Chez les cadres en horaires atypiques, la part de femmes exposées aux horaires imprévisibles et aux journées discontinues diminue respectivement de – 58 % et – 49 % entre 2013 et 2019, la plus forte baisse observée. Au contraire, les employées non qualifiées sont de plus en plus exposées aux horaires imprévisibles (+ 18 %), tandis que les ouvrières non qualifiées en horaires atypiques ont moins de journées discontinues mais toujours autant d’horaires imprévisibles.
Quatre groupes de salariés se distinguent si on utilise une analyse des correspondances multiples pour appréhender la manière dont s’articulent les différentes contraintes temporelles (voir annexe en ligne [7]). Le premier groupe, qui réunit 58 % des salariés, correspond aux personnes ayant « des horaires standards de travail ou très faiblement atypiques ». La majorité d’entre elles travaillent entre 35h et 39h par semaine, en journée, même si un salarié sur dix exerce habituellement le samedi. En outre, 83 % travaillent tous les jours aux mêmes horaires (contre 64 % de l’ensemble des salariés), de sorte que les horaires sont connus longtemps à l’avance. Les cadres et les professions intermédiaires sont surreprésentés dans ce groupe, ainsi que les employées qualifiées (employées administratives d’entreprise et secrétaires notamment) ; 49 % sont diplômés du supérieur (contre 44 % de l’ensemble des salariés), rappelant le rôle protecteur du diplôme dans l’exposition aux contraintes temporelles.
Les autres groupes rassemblent des personnes ayant différents types d’horaires atypiques, en fonction de leur fréquence et de la manière dont ils se cumulent avec les autres contraintes temporelles. Dans le deuxième groupe, celui du « surtravail et horaires débordants », qui rassemble 12 % de l’ensemble des salariés, deux personnes sur cinq travaillent plus de 44h par semaine, soit près de trois fois plus que l’ensemble des salariés, et près d’un quart travaille entre 40h et 44h par semaine, contre un sixième de l’ensemble des salariés. En outre, la moitié travaille souvent ou tous les jours au-delà de l’horaire prévu (contre un quart des salariés en moyenne) et déclare avoir des horaires variables d’un jour à l’autre. Enfin, les horaires atypiques concernent surtout la soirée et sont occasionnels. Au sein de ce groupe majoritairement composé d’hommes qualifiés en milieu de carrière (40-49 ans), les cadres sont surreprésentés, de même que les salariés du secteur public (27 % contre 23 % de l’ensemble des salariés).
Le troisième groupe, qui correspond aux « petits temps fragmentés et horaires imprévisibles » et rassemble 18 % des salariés, est majoritairement féminin et peu qualifié. Près de la moitié des personnes de ce groupe travaille moins de 35h par semaine (contre un cinquième de l’ensemble des salariés) et une sur quatre a des journées de travail fragmentées (contre 5 % de l’ensemble des salariés). Le travail du week-end y est le plus fréquent d’entre tous les groupes (64 % des salariés de ce groupe travaillent habituellement le samedi et deux sur cinq le dimanche, soit trois fois plus que l’ensemble des salariés) et s’accompagne d’horaires décalés en soirée, tôt le matin ou la nuit. En outre, la majorité ont des horaires variables, non modifiables et imprévisibles. C’est dans ce groupe que l’imprévisibilité est la plus forte avec un salarié sur huit qui connaît ses horaires du jour au lendemain. Les femmes (65 % des effectifs), les jeunes de 15 à 29 ans et les moins diplômés sont surreprésentés dans ce groupe (la moitié n’a pas le bac). Disposant de statuts d’emploi moins protecteurs (22 % sont en CDD, contre 15 % de l’ensemble des salariés), ils et elles travaillent comme employées non qualifiées (aides à domicile, aides ménagères, aides-soignantes), ouvriers non qualifiés (agents d’entretien), dans le secteur du commerce, du transport, de l’hébergement et de la restauration.
Enfin, le quatrième groupe, celui des « horaires alternants réguliers », qui concerne 12 % des salariés, est lié au monde de l’usine (pour les hommes) et au secteur de la santé (pour les femmes). Ainsi, 45 % des personnes de ce groupe travaillent habituellement la nuit, la plus forte proportion de tous les groupes. La majorité travaille également régulièrement tôt le matin (80 %), le soir (68 %) et le week-end (près de la moitié). L’importance des horaires atypiques dans ce groupe est liée à l’organisation du travail en continu : 55 % ont des horaires alternants (contre 8 % de l’ensemble des salariés), travaillant le plus souvent en équipe et contre-équipe afin d’assurer la production ininterrompue d’un bien ou d’un service. Les employées qualifiées de la santé constituent une part importante des effectifs de ce groupe avec les ouvriers qualifiés des industries de process et de la manutention. Les jeunes de 15-39 ans y sont également nombreux, le travail de nuit diminuant en général avec l’âge.
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L’exposition aux horaires atypiques de travail, loin d’être marginale en France, se recompose au cours de la dernière décennie plus qu’elle ne se diffuse à l’ensemble des salariés. Ce sont les femmes peu qualifiées qui pâtissent le plus de la montée des horaires atypiques, en particulier du travail habituel le samedi et le dimanche. À l’inverse, les cadres connaissent une relative normalisation de leurs horaires de travail, avec un recul des horaires atypiques, mais aussi des horaires imprévisibles et variables.
L’exacerbation des différences sociales en matière d’horaires de travail, en particulier chez les femmes, semble résulter de la conjonction de deux phénomènes. D’un côté, les politiques de conciliation du travail et de la famille mises en œuvre dans les grandes entreprises depuis le milieu des années 2000 ont pu contribuer à améliorer les conditions de travail des plus qualifiés, notamment des femmes, également ciblées par les dispositifs d’égalité professionnelle. D’un autre côté, les femmes peu qualifiées sont surreprésentées dans les métiers du commerce et de la distribution, où le travail dominical a progressé (vendeuse, agent de nettoyage, ou personnel polyvalent qui se développe avec l’automatisation des caisses), ainsi que dans les métiers du soin et des services à la personne (aide-soignante, aide à domicile, aide-ménagère), où les horaires atypiques sont structurels et peu sujets à amélioration.
Créée en 1978, l’enquête Conditions de Travail de la Dares (voir annexe en ligne [7]) constitue la principale source d’informations sur l’organisation et les rythmes de travail en France. Afin de décrire l’exposition des salariés aux horaires atypiques, nous utilisons le volet « individus » des enquêtes Conditions de Travail 2013 et 2019, qui posent des questions identiques sur l’organisation du temps de travail et permettent des comparaisons dans le temps.
L’exposition aux horaires atypiques de travail se recompose au cours de la dernière décennie plus qu’elle ne se diffuse à l’ensemble des salariés. Ce sont les femmes peu qualifiées qui pâtissent le plus de la montée des horaires atypiques, en particulier du travail habituel le samedi et le dimanche. À l’inverse, les cadres connaissent une relative normalisation de leurs horaires de travail, avec un recul des horaires atypiques, mais aussi des horaires imprévisibles et variables.
Anne Lambert
Laetitia Langlois
Annexe sur les sources et les illustrations – https://doi.org/10.34847/nkl.efafyj01
Fichier Excel des tableaux et figures
Anne Lambert, Laetitia Langlois, Horaires atypiques de travail : les femmes peu qualifiées de plus en plus exposées, 2022, Population et Sociétés, n° 599