Publié le 06/11/2016 à 11h40
Philippe Renaud
En novembre 1991, le géant du cinéma américain loue une discrète propriété dans les bois, à Mézières-lez-Cléry, pour cacher sa fille, Cheyenne, recherchée par la justice. C’est là qu’elle a été interpellée par les policiers orléanais.
Cheyenne et Marlon Brando à leur arrivée au palais de justice d’Orléans.
La propriété cossue de « La Malvoisine », à laquelle on accède en empruntant un étroit sentier forestier, est tapie dans les bois. Bien à l’écart du bourg de Mézières-lez-Cléry, elle constitue une planque idéale, pour qui souhaite se soustraire à la justice, par exemple.
Précisément, voici quelques jours, Cheyenne Brando a fui une clinique du Vésinet (Yvelines) et fait faux bond à un juge d’instruction venu tout exprès de Tahiti pour l’interroger dans le cadre de l’assassinat de son mari, Dag Trollet. Depuis, la jeune femme, âgée seulement de 21 ans, s’est réfugiée à « La Malvoisine », en compagnie de son père, Marlon Brando.
Les policiers ont tôt fait de retrouver sa trace. Et le vendredi 15 novembre 1991, à 8 heures du matin, les inspecteurs de la police judiciaire d’Orléans font irruption à l’intérieur de la propriété louée par son père…
Un an et demi plus tôt, le 16 mai 1990 à Los Angeles, le demi-frère de Cheyenne, Christian Brando, a tué Dag Trollet d’une balle en plein cœur. Pour ces faits, il a été condamné par la justice américaine, le 28 février 1991, à dix ans de prison. Cependant, la famille de la victime a déposé plainte contre Cheyenne Brando devant le tribunal de Papeete où réside la jeune femme. Celle-ci était présente au moment du drame. Elle vu son demi-frère aller chercher l’arme du crime et s’est pourtant abstenue d’intervenir. Le magistrat instructeur, Max Gatti, l’a donc inculpée de complicité d’assassinat.
La Malvoisine, à Mézières-lez-Cléry, en plein coeur de la Sologne.
Dépressive, Cheyenne Brando a déjà tenté d’intenter à ses jours à deux reprises. Dans ces conditions, elle a été placée sous contrôle judiciaire et assignée à résidence dans une clinique du Vésinet, d’où elle a fini par s’échapper.
« Marlon Brando s’est comporté comme tous les pères dont les enfants sont entre les mains des services de police ».
Jean-Claude Colin Directeur adjoint de la PJ d’Orléans
L’interpellation à « La Malvoisine » se déroule de manière très courtoise. Marlon Brando insiste, cependant, pour accompagner sa fille. Tous deux prennent place à l’arrière d’un véhicule banalisé de la police. Direction, le commissariat d’Orléans. En fin de matinée, Cheyenne est transférée au palais de justice où le substitut Claire Girard doit lui notifier le mandat d’arrêt délivré à son encontre par le juge Gatti. En père bienveillant et protecteur, « Le Parrain » se tient toujours à ses côtés.
« Marlon Brando s’est comporté comme tous les pères dont les enfants sont entre les mains des services de police », se souvient Jean-Claude Colin, à l’époque directeur adjoint du service de police judiciaire d’Orléans.
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Marlon Brando avait rencontré la mère de Cheyenne sur le tournage des Révoltés du Bounty.
Entre-temps, l’avocat de la jeune femme, Jacques Vergès, a été informé du sort réservé à sa cliente. L’avocat débarque aussitôt à Orléans, entraînant dans son sillage plusieurs dizaines de journalistes parisiens et américains. À 12 h 15, toutes sirènes hurlantes, un véhicule de la police judiciaire quitte en trombe le tribunal. À son bord, Cheyenne Brando que le substitut Girard a placée sous mandat de dépôt. Compte tenu de sa fragilité psychologique, elle est conduite dans une cellule du centre hospitalier d’Orléans, en attendant son transfert à Papeete. Dès lors, les choses vont singulièrement se compliquer pour les autorités françaises, qui vont devoir composer avec la presse.
À l’époque, substitut au parquet d’Orléans, Philippe Stelmach avait en charge l’organisation du départ de la jeune femme. « Le problème était celui du respect de la confidentialité de ce voyage. Les médias américains étaient très intéressés par l’affaire. Il convenait de faire en sorte que le transfèrement s’opère de la manière la plus discrète possible », se souvient le magistrat. Durant tout le week-end, une centaine de journalistes investit l’hôpital de La Source, transformant le hall de l’établissement en gigantesque salle de presse. Tous rêvent d’emprisonner dans leurs objectifs l’image de Cheyenne, mains entravées, quittant le CHRO pour être conduite à Tahiti.
Les vols vers la Polynésie française ne sont pas légion. Et dans le prochain à venir, plusieurs représentants de la presse ont déjà réservé leur place. Il est donc décidé de faire voyager Cheyenne dans un aéronef de l’armée.Maître Jacques Vergès, l’avocat de Cheyenne Brando, arrive au tribunal d’Orléans.
Pour éviter tout débordement médiatique, la jeune femme est extraite de sa cellule le lundi 18 novembre, à quatre heures du matin, alors que les journalistes ont provisoirement déserté l’hôpital. C’est dans une camionnette de la gendarmerie que Cheyenne Brando rejoint l’aéroport de Roissy puis s’engouffre, en compagnie de deux médecins orléanais, dans l’avion militaire. Lorsque celui-ci atterrit, de longues heures plus tard à Papeete, une nuée de journalistes attend déjà la jeune femme. Quant à Marlon Brando, il a quitté le Loiret, dans l’après-midi du lundi, à bord d’un Beechcraft 200 qui a décollé de Saint-Denis-de-l’Hôtel à destination de l’Angleterre. Finalement, Cheyenne Brando bénéficiera d’un non-lieu. Elle mettra cependant fin à ses jours, le 16 avril 1995 à son domicile de Punaauia, près de Papeete, à l’âge de 25 ans.
Neuf ans plus tard, le 1 er juillet 2004, son père, monstre sacré du cinéma, décède à 80 ans d’une embolie pulmonaire, après avoir vécu les dernières années de sa vie dans la misère et le dénuement. Son fils Christian mourra à son tour, le 26 janvier 2008, d’une double pneumonie. Il avait 49 ans.
Chronologie
1990. Christian Brando, demi-frère de Cheyenne, tue, le 16 mai, d’une balle en plein cœur Dag Trollet, concubin de Cheyenne Brando, à Los Angeles.
1991. Christian Brando est condamné, le 28 février, à dix ans de prison pour ce meurtre. Parallèlement, les parents de la victime déposent plainte contre Cheyenne, qui a reconnu avoir vu son demi-frère aller chercher l’arme du crime. Cheyenne Brando est inculpée de complicité d’assassinat par le juge d’instruction Max Gatti, basé à Papeete, où réside la jeune femme.
En octobre, le magistrat instructeur fait le déplacement, depuis la Polynésie, jusque dans une clinique du Vésinet (Yvelines) où séjourne Cheyenne Brando qui souffre de troubles psychiatriques. Cependant, la jeune femme s’est enfuie. De retour à Papeete, Max Gatti délivre un mandat d’arrêt contre Cheyenne Brando.
Cheyenne est interpellée dans le Loiret, le 15 novembre. Un magistrat du parquet d’Orléans lui signifie le mandat d’arrêt délivré à son encontre. Le 18 novembre, Cheyenne Brando est reconduite à Papeete. Elle fera finalement l’objet d’un non-lieu dans cette affaire.Marlon Brando et sa fille avaient trouvé refuge dans le Loiret.
1995. En proie à une dépression sévère, Cheyenne Brando, 25 ans, met fin à ses jours, le 16 avril, à son domicile de Punaauia, près de Papeete.
1er juillet 2004. Marlon Brando, acteur ruiné, décède à Los Angeles d’une fibrose pulmonaire, à l’âge de 80 ans.
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Un entretien en français de Marlon Brando sur sa carrière. Un document rare…
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