Le moustique tigre gagne du terrain partout dans le monde. Vecteur du zika, de la dengue, du chikungunya et de la fièvre jaune, il mobilise les chercheurs. La technique la plus en vogue actuellement est celle du moustique stérile. Des laboratoires Outre-mer sont à la pointe de cette innovation.
 
En France hexagonale et Outre-mer, tous les laboratoires qui travaillent sur le moustique obtiennent aujourd’hui financement et soutien politique pour développer des programmes de recherche en particulier sur la technique du moustique stérile. Contrairement aux insecticides, ce procédé limite l’impact sur l’environnement et en particulier sur la faune non-cible comme les abeilles, les papillons et tous les pollinisateurs qui sont tués par les produits chimiques.

Depuis une cinquantaine d’années, la technique de l’insecte stérile est très utilisée en agriculture. Le procédé a donc été adapté aux moustiques selon plusieurs techniques possibles. Il y a des moyens chimiques et génétiques pour stériliser les moustiques mais en France seules deux techniques sont utilisées.

A La Réunion, l’IRD, l’Institut de Recherche et de Développement, a développé une technique de stérilisation par irradiation. En exposant les moustiques à des rayons, leurs spermatozoïdes sont tués. En Polynésie, Les scientifiques de l’Institut Louis Malardé utilisent une bactérie, la wolbachia, très présente chez les insectes. Ils inoculent aux moustiques de laboratoire une souche naturelle de cette wolbachia différente de celle présente chez les moustiques sauvages. Cette opération va rendre les mâles produits en laboratoire incompatibles avec les femelles sauvages. Leur descendance ne sera pas viable. 
On lâche sur le terrain les moustiques mâles produits en laboratoire qui ne pourront pas donner de descendance aux femelles sauvages. Les femelles vont pondre des œufs qui n’écloront donc jamais et au bout de quelques semaines, la population du moustique ciblée diminue.
 
Hervé Bossin responsable du laboratoire d’entomologie médicale de l’Institut Louis Malardé en Polynésie française

La Nouvelle Calédonie a rejoint en 2018 le World Mosquito Program développé dans 12 pays. En 2019, des lâchers de moustiques stérilisés par la bactérie wolbachia seront organisés par l’Institut Pasteur de Nouméa. Le programme mondial contre les moustiques est soutenu par des gouvernements, des instituts de recherche, des entreprises du monde entier et des partenaires philanthropiques dont la fondation Bill and Melinda Gates Foundation.
L’Institut Louis Malardé est le laboratoire français qui maîtrise le mieux les lâchers de moustiques produits en laboratoire. Le gouvernement polynésien a accordé tous les agréments nécessaires pour permettre à l’ILM d’effectuer des lâchers de moustiques stérile aedes polynesiensis. Des lâchers réalisés depuis 2015 sur l’atoll de Tetiaroa au nord de Tahiti où se trouve l’hôtel de luxe The Brando.  En 2017, Barak Obama qui y séjournait a participé à un lâcher de moustiques organisé par l’hôtel et l’Institut Louis Malardé. En 2019, le moustique aedes Polynesiensis n’est plus recensé sur l’atoll de Tetiaroa. Depuis 2018, le Tahaa, un autre hôtel situé dans l’archipel de la Société a également passé une convention avec l’Institut Louis Malardé. 
Ces partenariats public-privé nous permettent de démontrer qu’en quelques mois, nous sommes capables de réduire de façon drastique la population des moustiques aedes polynesiensis qui était jusqu’alors une source de nuisance très importante. 

 – Hervé Bossin responsable du laboratoire d’entomologie médicale de l’Institut Louis Malardé en Polynésie française

Fort de ce succès sur l’aedes polynesiensis, l’Institut Louis Malardé compte désormais reproduire la même technique sur l’aedes aegypti, vecteur du zika, de la dengue, du chikungunya et de la fièvre jaune. L’Institut envisage de produire de façon industrielle ce moustique porteur également de la bactérie wolbachia pour reproduire la même technique que celle employée sur l’aedes polynesiensis. D’ici 2021, un module de 600 mètres carrés dédié à la production de moustiques stériles va être construit à l’Institut Louis Malardé grâce à des financements conjoints du pays et de l’Etat. L’Insitut Louis Malardé prévoit de réaliser des lâchers à grande échelle (communes, puis îles entières) en partenariat étroit avec la direction de la santé de Polynésie Française.

A La Réunion, l’IRD, l’Institut de Recherche et de Développement, a la capacité scientifique de réaliser des lâchers de moustiques mâles aedes albopictus stérilisés en laboratoire mais il n’y a pas encore de réglementation pour encadrer de telles opérations. Depuis plusieurs années, scientifiques et pouvoirs publics travaillent ensemble à combler ce vide juridique. 
Il faut aussi rassurer la population sur l’innocuité de cette nouvelle méthode de lutte. Ce sont des méthodes qui implique les gens. On ne peut pas l’imposer. 

Frédéric Simard, entomologiste médical et directeur de l’Unité Mixte de Recherche des maladies infectieuses et vecteurs du Vectopole de l’IRD

Au delà de la Polynésie, des lâchers de moustiques stériles ont déjà été effectués en Espagne, en Allemagne et en Grèce. Au Brésil, des insectes transgéniques ont déjà été relâchés de façon confinée. Les anglo-saxons sont beaucoup plus ouverts que les européens à la recherche génétique.
 
Certains redoutent que la technique du moustique stérile déséquilibre l’environnement. Le moustique a certes son rôle dans la nature mais les aedes sont dans la plupart des territoires des espèces invasives. La technique du moustique stérile permet par ailleurs d’épargner les autres insectes, contrairement aux insecticides, y compris les moustiques non ciblés car justement, cette technique ne touche que l’espèce traitée en laboratoire, à savoir, les aedes. Toutefois, pour contrôler dans le temps une population de moustiques, il faut combiner plusieurs techniques de lutte. Si une seule méthode est utilisée, comme par exemple un insecticide, des moustiques résistants se développent, en plus de tuer des espèces non ciblées comme les pollinisateurs. De même, si la technique du moustique stérile est la seule qui soit mise en place, certains scientifiques craignent que tôt ou tard des résistances puissent se développer. Il faut donc combiner toutes les réponses : les pièges, les répulsifs et la lutte par moustique stérile. 
Ce qu’on cherche à anéantir, c’est la transmission d’agent pathogène qui provoque des maladies, ce n’est pas éliminer le moustique de l’environnement. Le moustique, il a autant le droit que vous ou moi de vivre sur terre. Ils étaient là bien avant nous, ils seront là probablement bien après nous. 

– Frédéric Simard, entomologiste médical, directeur de l’Unité Mixte de Recherche des maladies infectieuses et vecteurs du Vectopole de l’IRD.
La technique du moustique stérile
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