Cette huile sacrée veut devenir, après le tourisme, la perle noire et la vanille, un pilier économique de la Polynésie française. Elle se vend déjà dans plus de 100 pays.
Avec la vanille et la fleur de tiaré , il fait partie de la Sainte Trinité de la Polynésie française . Onguent de beauté à l’odeur entêtante, le monoï fête en 2022 ses trente ans d’appellation d’origine contrôlée. Le nom de cette institution à Tahiti signifie « huile sacrée ».
Durant des siècles, il était réservé à la noblesse des archipels et utilisé pour les cérémonies rituelles. Des Tuamotu aux Marquises, le baume est encore utilisé pour masser les nourrissons et pour lustrer les cheveux, les pêcheurs s’en servent pour s’enduire le corps et se protéger du froid, tout relatif en Polynésie.
« C’est l’un des nouveaux piliers économiques de ce territoire plus grand que l’Europe et qui ne compte que 280 000 habitants », explique Éric Vaxelaire, président du Tahiti Consulting Group et représentant de la filière. En quelques décennies, la Polynésie française est passée d’une économie de comptoir à une économie de garnison avec les essais nucléaires à Mururoa, puis de service avec l’essor du séjour de luxe symbolisé par les « farés » de Bora Bora à 2 000 euros la nuitée. Le Covid, qui a divisé par quatre le nombre de visiteurs, a redistribué les cartes. Il faut aujourd’hui di-ver-si-fi er. Derrière le tourisme repositionné éco-chic, la vanille et la perle noire, le monoï veut devenir une vraie source de francs Pacifique.
« Il est exporté à 80 %, dans plus de 100 pays. En France, bien sûr, mais aussi au Japon et au Brésil, poursuit Éric Vaxelaire. On connaît son succès auprès de l’industrie cosmétique, avec des marques comme Ambre Solaire [bronzage], Ushuaïa [gel douche] ou Yves Rocher [eau de toilette]. Mais il a d’autres emplois. Il est utilisé pour fixer les rouges à lèvres, car il ne fige que sous 20 à 24 °C. » On le retrouve aussi dans la microencapsulation, soit l’utilisation de petites billes dans les vêtements techniques afin d’éviter la transpiration ou d’ajouter une touche de soyeux au vêtement.
À la base, ce jus est compliqué à fabriquer et nécessite 4,5 millions de fleurs par an. Or la fleur de tiaré n’essaime pas. Pour la cultiver, il faut marcotter, c’est-à-dire replanter des tiges afin d’en faire pousser de nouvelles. Le monoï est ensuite obtenu par macération de la « Gardenia tahitensis », nom savant de la fleur de tiaré, dans de l’huile raffinée de coprah, obtenue à partir de pulpe séchée de noix de coco. Un écosystème particulier fait que la fl eur de tiaré ne pousse qu’en Polynésie, ce qui protège le monoï de la concurrence. Cueilleurs, pros de l’enfl eurage, de l’extraction… la fi lière est bien organisée. C’est même un parangon de développement durable. Prochain enjeu : développer des produits 100 % made in Tahiti. Et mettre son poids économique au diapason de sa notoriété : 94 % des Français connaissent le mot « monoï »