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Le Covid n’est pas fini pour le transport aérien. Jean-François Dominiak, ancien directeur général d’ASL Airlines France mais toujours à la tête du Syndicat des compagnies aériennes autonomes (SCARA), met en garde contre tout optimisme démesuré qui pourrait découler de la reprise du trafic. « Nous avons fait le tour de nos adhérents, et au-delà, et il reste encore beaucoup de compagnies aériennes qui sont plus qu’à la peine », affirme-t-il.
Le président du Scara souhaite attirer en particulier l’attention sur les transporteurs qui n’étaient « pas suffisamment morts » pour bénéficier d’un appui ciblé de la part de Bercy, contrairement à « une certaine compagnie qui a eu de très belles subventions car l’Etat est actionnaire », en l’occurrence Air France, ou d’autres qui ont négocié des plans de restructurations à l’instar d’Air Austral et de Corsair. « Certaines ont pu s’en sortir plus facilement que d’autres, mais il reste encore tout un pan d’activité qui est encore plus que fragile au moment où l’inflation frappe à la porte, où le prix du carburant explose et où il faut rembourser les prêts garantis par l’Etat (PGE) », poursuit-il.
S’il salue l’apport des PGE pendant la crise, Jean-François Dominiak rappelle qu’il ne s’agissait pas d’argent gratuit avec des taux d’intérêt aujourd’hui de « 3,4, voire 5 % et que l’on demande de rembourser maintenant ». Et pas question de laisser jouer la garantie de l’Etat pour échapper au remboursement : l’ancien DG d’ASL Airlines France explique que pour que cette garantie joue, il faut que la banque prêteuse établisse que la compagnie aérienne ne peut pas rembourser à cause d’une défaillance due au Covid, contrairement à ce qui a pu être fait dans d’autres pays comme les Pays-Bas. Beaucoup d’adhérents du Scara – qui représente 12 compagnies dont Air Tahiti Nui, Air Calédonie, Air Antilles, ASL Airlines France ou encore Air Corsica – estiment qu’ils vont avoir un gros souci avec des PGE très compliqués à rembourser ».
A cela viendra s’ajouter la nécessité pour la Direction générale de l’aviation civile (DGAC) de reconstituer ses finances, avec le risque d’en faire peser le poids sur les compagnies aériennes avec une hausse des taxes sur le transport aérien de passagers : le tarif de l’aviation civile indexé sur l’inflation, le mécanisme de rattrapage des redevances de navigation aérienne et les répercussions du remboursement à partir de 2024 des avances de 700 millions d’euros accordées par l’Etat aux aéroports pour le financement des missions de sûreté-sécurité.
En parallèle, le Scara dénonce la concurrence renforcée que leur opposent « des majors pas seulement françaises, mais qui elles ont été abondamment aidées, voire subventionnées par leurs Etats ». Jean-François Dominiak cible ainsi les grosses compagnies américaines et asiatiques qui desservent l’outre-mer.
Un des exemples les plus parlants est celui de la Polynésie française, où la compagnie locale Air Tahiti Nui est confrontée à la concurrence accrue d’Air France et de United Airlines, puis de Delta Air Lines. Même avec une forte demande sur la destination, cela a entraîné une guerre tarifaire importante, empêchant la compagnie polynésienne de rétablir ses marges. Cet été, Mathieu Bechonnet, directeur général d’Air Tahiti Nui, dénonçait ainsi des prix de billets restés bas, contrairement à la tendance mondiale, et un contexte inflationniste marqué par des coûts variables en hausse de l’ordre de 30 % (redevances aéroportuaires, carburant…).
Bien qu’il n’ait plus d’intérêt direct dans une compagnie, le Scara appelle donc l’Etat à prendre conscience que la situation n’est pas encore normalisée. Et pour y faire face, il demande d’annuler la dette liée aux avances sur le tarif de sûreté et de sécurité (ancienne taxe d’aéroport), ou ayant trait « à la couverture du déficit de la DGAC ». De même, il souhaite que le gouvernement « tienne compte de la situation économique de chaque compagnie pour procéder au remboursement total ou partiel des PGE ».
Les revendications du syndicat portent aussi sur des évolutions plus structurelles. « Dès l’été 2020, nous avons interpellé l’Etat pour avoir une vraie réflexion et pas une assise du transport aérien (en référence aux Assises nationales de 2019, qui n’ont débouché sur aucune évolution notable sous le patronage d’Elisabeth Borne alors chargée des Transports, NDLR) », déclare ainsi Jean-François Dominiak. Il souhaite tout d’abord revoir « l’implication de l’État dans les transports, sa responsabilité et la nécessité de mettre en place des moyens financés par l’Etat pour les missions régaliennes comme la sûreté ». Ensuite, il demande une nouvelle réflexion sur le financement et la régulation des aéroports, avec la remise en cause du principe de « double caisse ».
Bien que ce système ne soit en place que dans les aéroports de Paris et de Nice, la réflexion autour de son bien fondé pourrait enflammer les débats entre compagnies aériennes et aéroports à l’heure de restructurer le transport aérien français.
Contrairement au système dit de « caisse unique », dans lequel les revenus des commerces et parkings sont mélangés avec ceux des redevances aéroportuaires, la double caisse sépare la comptabilité de ces deux sources de revenus. Résultat : les services aéronautiques, qui font partie du périmètre régulé, ne peuvent plus être subventionnés par les revenus des commerces ou des parkings (services dits extra-aéronautiques) sur lesquels les aéroports ont la liberté de fixer les prix et qui dégagent de très fortes marges.
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