Un petit cirque de la vie politique insulaire se raconte dans un climat de farniente morbide.
Pacifiction est le titre d’un film qui ne ment pas sur l’endroit où l’on met les pieds : un champ de visions suaves et obscures, un espace de fantasmes éveillés, où spectateurs et spectatrices trouveront le trip le plus entêtant de la saison. Ce sont presque trois heures à se laisser engloutir dans un drôle de paradis noir, qui glisse de couchers de soleil en fluorescences nocturnes, dans des lagons bien trop bleus pour les yeux des mortels. Ainsi se révèle une île de Tahiti où les tensions postcoloniales apparaissant comme tamisées, parvenues à un point de somnolence. Un fonctionnaire de la métropole nommé De Roller, équivalent du préfet en Polynésie française, cultive une amitié tactique avec les locaux, se prétendant à leur service tout en surveillant les intérêts de l’Etat français.
Le périmètre de ses fonctions ? Plus qu’incertain. Tout juste affirme-t-il «faire de la figuration» dans les élections locales, se défendant d’ingérer dans les affaires. Ses relations avec les Tahitiens ? Elles sont tissées de paternalisme, d’égards onctueux (tout est «charmant», «ravissant», les «mon ami» sont de rigueur) et néanmoins, d’un état de qui-vive perpétuel. Car autour du commissaire, l’île bruit d’une rumeur insistante : des essais nucléaires auraient repris dans le Pacifique. La menace, c’est cette tache foncée dans l’eau, une trappe dans l’océan qui pourrait appartenir à un sous-marin. Les délégués polynésiens s’en alarment lors de réunions au cadre on
© Libé 2022
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