L’Institut national d’études démographiques (Ined) est un organisme public de recherche spécialisé dans l’étude des populations, partenaire du monde universitaire et de la recherche au niveau national et à l’international.
Fondé en 1945, l’Ined est devenu en 1986 un Établissement public à caractère scientifique et technologique (EPST) placé sous la tutelle du Ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche, du Ministère de la santé et de la prévention et du Ministère des solidarités, de l’autonomie et des personnes handicapées L’institut a pour missions d’étudier les populations de la France et des pays étrangers, de diffuser largement les connaissances produites et d’apporter son concours à la formation à la recherche et par la recherche. Par une approche ouverte de la démographie, il mobilise un large éventail de disciplines comme l’économie, l’histoire, la géographie, la sociologie, l’anthropologie, la biologie, l’épidémiologie. Fort de ses équipes de recherche, il encourage les échanges et conduit de nombreux projets de recherche européens ou internationaux.
Depuis 1986, l’Ined fait partie des 8 établissements publics scientifique et technique (EPST), à l’image du CNRS, de l’Inserm ou encore de l’INRA et l’IRD. L’institut a pour missions d’étudier les populations sous tous leurs aspects, de former à la recherche et par la recherche, d’informer les pouvoirs publics et le public sur les questions démographiques et de diffuser les travaux démographiques français à l’international..
Les effectifs de l’Ined rassemblent près de 250 personnes, dont une cinquantaine de chercheurs titulaires, plus d’une quarantaine de doctorants et autant de chercheurs associés. L’institut compte 10 unités de recherche, une unité mixte de service et sept services d’appui à la recherche comme le service Méthodes statistiques et le service des Enquêtes.
L’Ined est doté de plusieurs instances : le conseil scientifique, le conseil d’administration, la commission d’évaluation et d’un comité d’éthique.
L’Ined est l’un des membres fondateurs du Campus Condorcet. Toutes ses équipes sont installées à Aubervilliers et contribuent activement à faire de ce nouveau pôle une référence pour les sciences humaines et sociales, à l’échelle nationale et internationale.
Les travaux de recherche de l’Ined sont en partie financés par les crédits budgétaires de l’établissement. Ils peuvent aussi bénéficier de dotations issues d’agences de financement telle que l’Agence nationale de la recherche (ANR), ou provenant d’organismes publics, de l’industrie ou de programmes européens tels que European Research Council (ERC) et Horizon 2020.
Chaque année, des chercheurs de l’Ined candidatent aux appels à projets lancés par l’Agence nationale de la recherche (ANR).
L’Ined figure parmi les lauréats des Laboratoires d’excellence (Labex), Equipements d’excellence (Equipex), Ecoles universitaires de recherche (EUR) et Institut Convergences. Ces projets, financés par le Programme des investissements d’avenir (PIA), dotent la recherche en sciences de la population d’instruments de financement afin de faire émerger des projets scientifiques ambitieux, capables d’augmenter l’excellence scientifique et la visibilité internationale de la recherche française.
En accord avec la politique d’internationalisation de l’Ined, les équipes de recherche de l’Institut répondent chaque année à des appels à projets internationaux et européens, en lien notamment avec les programme Horizon Europe, Erasmus+ ou encore les Partenariats Hubert Curie. Vous pouvez consulter les projets financés dans le cadre d’appels à projets européens et internationaux dans la rubrique : Appels à projets financés dans le cadre d’appels à projets
Des accords-cadres sont régulièrement signés entre l’Ined et des organismes pour concrétiser l’intérêt et la volonté des chercheurs de l’Ined et de leurs partenaires, établir le cadre de la collaboration et les objectifs scientifiques. Ils formalisent des engagements autour d’activités de recherches, de formation et de valorisation scientifique. Au niveau national, l’Ined renforce également ses liens avec l’enseignement supérieur.
L’Ined se distingue par sa capacité à mener des recherches qui couvrent non seulement la France mais une large partie du monde. Son envergure internationale se reflète dans ses nombreux partenariats à l’étranger et son rôle actif au sein de la communauté scientifique mondiale. L’institut entretient cette culture de la coopération internationale et prend toute sa place dans l’espace européen de la recherche.
L’Ined est un partenaire central dans les grandes initiatives de recherche en démographie européenne. L’institut participe à de nombreux projets financés par l’Union européenne ainsi qu’aux principales initiatives qui rassemblent la communauté des démographes européens.
L’Ined soutient la mobilité internationale des chercheurs, un instrument de formation et de coopération qui participe au renouvellement des problématiques et méthodes de recherche.
Le savoir est fait pour être partagé. L’Ined s’engage dans une politique active visant à promouvoir l’accès aussi ouvert que possible aux données, aux méthodes et aux résultats de la recherche sur la population
A travers sa charte pour la science ouverte, l’Ined promeut un accès aussi ouvert que possible aux données, aux méthodes et aux résultats de la recherche sur la population
Organisme public, l’Ined recrute ses fonctionnaires sur concours, à partir du CAP jusqu’au doctorat. L’Ined fait aussi appel à du personnel en vacation ou en contrats à durée déterminée dans des domaines très variés.
L’Ined recrute sur concours des chercheur-e-s, des ingénieur-e-s et des technicien-ne-s. Retrouvez ici les derniers avis de concours, la présentation des postes à pourvoir et les informations pour déposer sa candidature.
Pour un stage ou un emploi, cette rubrique vous permet d’adresser directement une candidature spontanée à l’Ined.
La recherche à l’Ined s’organise autour d’équipes pluridisciplinaires et thématiques composées de chercheurs titulaires et associés. Elles accueillent des doctorants et des post-doctorants formés à la recherche par la recherche. Plus de 70 projets de recherche pluriannuels sont engagés. Dans le cadre de certains d’entre eux, l’Ined produit ses propres enquêtes, l’une de ses spécificités. L’institut met les données recueillies à disposition de la communauté scientifique.
L’Ined accorde une place croissante à la formation à la recherche par la recherche. Chaque année, l’institut accueille des doctorants, venus de France ou de l’étranger, sélectionnés sur dossiers. Encadrés par un.e chercheur.e, ces étudiants intègrent une ou deux unités de recherche de l’Ined en fonction de leur sujet de thèse. Ils bénéficient ainsi des moyens de travail et de l’environnement stimulant offerts par l’Ined.
L’Ined propose des contrats post-doctoraux, d’un ou deux ans en général, à de jeunes chercheurs, français ou étrangers. Les bénéficiaires sont sélectionnés en fonction de leurs compétences, de la qualité et l’originalité de leur projet de recherche et de son adéquation avec les thématiques de recherche de l’Ined.
L’Ined produit ses propres enquêtes. Les données recueillies sont accessibles à l’ensemble de la communauté scientifique. L’institut possède un service des enquêtes, qui définit les plans de sondage, aide à la conception des questionnaires et l’élaboration des protocoles de collecte, redresse les échantillons statistiques. Il assure ensuite la mise à disposition des bases de données anonymisées. Le catalogue des enquêtes de l’Ined et la présentation des projets en cours peuvent être consultés en ligne.
L’Ined met à disposition des internautes de vastes ressources documentaires sur la population : sa bibliothèque, ouverte à tous et accessible en ligne, et une présentation des méthodes d’analyse statistique et de la méthodologie d’enquête.
La recherche s’appuie sur une palette de méthodes d’analyse statistique qui permettent de décrire et modéliser les événements ou phénomènes démographiques à partir des données recueillies lors des enquêtes. En plus de méthodologies classiques (analyse de données, régressions logistiques…), plusieurs méthodes se sont imposées ces 30 dernières années en démographie. De nombreuses ressources disponibles, notamment de séminaires et de publications, aident à s’informer sur l’utilisation de ces différentes méthodes.
Des séminaires méthodologiques et pratiques en France et à l’Etranger, des articles publiés sur l’utilisation de ces méthodes, des listes de références bibliographiques, voici quelques exemples de ressources statistiques disponibles
Chaque enquête est spécifique. Mais un certain nombre d’étapes sont incontournables. Dès le début, il faut envisager les questions du protocole d’enquête, de la base de sondage, du budget, de la réglementation, des tests, de la constitution de fichiers et de l’étude de la qualité. Au sein de l’Ined, le service des enquêtes et sondages suit la majeure partie des collectes de données requises par les projets de recherche de l’institut. Il accompagne la production des données tout au long du processus ou apporte un soutien ponctuel lors de certaines phases d’enquête.
Les enquêtes de l’Ined répondent chaque fois à une problématique de recherche particulière. Très souvent innovantes, elles sont réalisées «sur mesure». Les choix méthodologiques constituent en eux-mêmes une étape de la recherche. Les temps de la préparation, de la conception des questions et du bilan des enquêtes pilotes ne sont donc pas à sous-estimer, de même que l’étude de la qualité des données collectées.
L’Ined présente ici un ensemble de ressources et de contenus susceptibles d’apporter un éclairage scientifique sur plusieurs grands thèmes faisant parfois écho à l’actualité législative.
Les récentes avancées sociétales et médicales autour des enjeux contemporains de bioéthique ont fait émerger de nombreux sujets de recherche. A l’Ined, plusieurs projets de recherche, des enquêtes, des articles scientifiques contribuent à apporter de nouvelles connaissances sur des sujets comme l’AMP, la GPA, le choix du sexe de l’enfant ou encore la fin de vie.
Les éditions de l’Ined existent depuis la création de l’institut et constituent l’une de ses missions fondamentales de diffusion des savoirs. Elles reflètent et accompagnent la pluridisciplinarité de la sphère démographique par la valorisation de la production scientifique et des résultats d’enquêtes auprès d’un public diversifié, offrant ainsi une expertise scientifique et une connaissance solide au débat public et aux grandes questions de société. L’archive ouverte permet la diffusion élargie des publications en libre accès ainsi que l’archivage pérenne des travaux des chercheurs de l’Ined.
Le service de la Bibliothèque, documentation et archives de l’Ined a rejoint le Grand Équipement Documentaire (GED). Cette grande bibliothèque au service de la recherche en sciences humaines et sociales, rassemble des collections issues de plus de 50 bibliothèques, fonds documentaires et services d’archives.
Un tour du monde et des questions de population : pour comparer les indicateurs démographiques de tous les pays, préparer un cours ou un exposé, trouver des réponses simples, réfléchir à des sujets complexes, s’initier à la démographie, approfondir ses connaissances en s’amusant…
Toute la population en chiffres : retrouvez les données sur la population française et mondiale, présentées sous forme de tableaux, et accédez aux bases de données en ligne.
Les données les plus récentes sur la structure et l’évolution de la population en France sont présentées sous forme de tableaux, réalisés à partir des publications régulières de l’Insee et des estimations et calculs de l’Ined. Les données peuvent aussi être téléchargées sous forme de séries remontant plus loin dans le passé. «Evolution de la population» propose des chiffres sur la « France entière» incluant les DOM. Les autres rubriques concernent la France métropolitaine, pour laquelle les données disponibles sont plus complètes et homogènes sur de longues périodes.
Les tableaux pour la « France entière » regroupent les données sur la France métropolitaine et les quatre départements d’outre-mer (DOM). Ces chiffres n’incluent pas Mayotte, devenue le cinquième département d’outre-mer depuis le 31 mars 2011, ni les autres territoires et collectivités d’outre-mer : Nouvelle Calédonie, Polynésie française, Saint-Barthélemy, Saint-Martin, Saint-Pierre-et-Miquelon, Wallis et Futuna. L’Insee intègre les DOM dans son bilan démographique annuel et dans une grande majorité des tableaux du volume annuel détaillé sur la situation démographique.
D’abord estimés de manière provisoire, les effectifs de la population par sexe et âge sont ensuite revus par l’Insee, pour l’ensemble du territoire, comme pour les régions et départements ; les recensements permettent par exemple de disposer, pour certaines années, de comptages précis. Les données définitives sont publiées avec un décalage de deux ans.
La population se modifie, d’une année à l’autre, par les mouvements de la population. Le mouvement naturel est la différence entre les naissances et les décès, connus précisément grâce aux bulletins issus de l’enregistrement à l’état civil. Le solde migratoire représente la différence entre les entrées et les sorties ; il est évalué à partir des informations disponibles. Pour garantir la cohérence comptable entre, d’une part, les évolutions de la population entre deux recensements et, d’autre part, les mouvements estimés de la population, il est parfois nécessaire de rajouter un ajustement statistique aux mouvements. Pour estimer l’importance relative des mouvements de population, on les rapporte souvent à la population moyenne de l’année. On obtient ainsi des taux de natalité, de mortalité, de croissance naturelle et de variation totale.
L’enregistrement des naissances à l’état civil donne lieu à des bulletins statistiques qui contiennent de nombreuses informations. On compte donc les naissances selon de nombreuses caractéristiques : situation matrimoniale et nationalité des parents, sexe de l’enfant, grossesses gémellaires, etc. Les informations sur l’âge de la mère permettent de calculer des indicateurs démographiques de fécondité annuels, comme l’indicateur conjoncturel exprimé en nombre d’enfants par femme au cours de la vie. Année après année, on complète également la descendance des générations : par exemple les femmes nées en 1970 ont eu 34 ans en 2004. On sait combien elles ont eu d’enfants avant 34 ans, et l’on peut estimer combien elles auront d’enfants au cours de leur vie.
L’utilisation de la contraception et le recours à l’avortement rendent possible la maîtrise de la fécondité. Les comportements de contraception sont connus grâce à des enquêtes réalisées par l’Ined auprès de l’ensemble des femmes depuis 1978. Les caractéristiques des avortements sont connues à partir des bulletins statistiques d’interruption volontaire de grossesse et des statistiques hospitalières. L’Ined est chargé de la publication de la statistique des bulletins d’interruption de grossesse.
L’enregistrement des mariages à l’état civil permet de compter les mariages selon de nombreuses caractéristiques : situation matrimoniale antérieure de chacun des époux, nationalité, etc. Les statistiques du ministère de la Justice renseignent sur les divorces ainsi que sur les formations et les dissolutions de Pacs.
Les recensements de la population recensent d’abord des logements. Les personnes vivant dans un même logement forment un ménage, chaque ménage regroupant donc l’ensemble des habitants d’un logement. D’après les définitions du recensement, un ménage peut être composé d’une ou plusieurs familles. On appelle famille un groupe de personnes composé soit d’un couple sans enfant, soit d’un couple avec des enfants, soit d’un (seul) adulte et de ses enfants.
L’enregistrement des décès à l’état civil permet de mesurer les variations de la mortalité. Les décès par sexe et âge permettent de calculer des tables de mortalité. Ces tables fournissent l’espérance de vie à la naissance, c’est-à-dire le nombre d’années qu’un nouveau-né pourrait s’attendre à vivre, s’il devait subir toute sa vie les conditions de mortalité observées au cours de l’année. Par ailleurs, la mortalité des enfants de moins d’un an fait l’objet d’un suivi particulier. Les causes de décès sont renseignées par un médecin sur un certificat spécifique de décès et les certificats sont envoyés à l’Inserm qui code les causes de décès.
Deux séries statistiques utilisant des sources différentes sont présentées. L’Insee s’appuie sur l’exploitation des enquêtes annuelles de recensement offrant une vision globale du solde migratoire et des entrées et sorties des personnes non-immigrées ou immigrés (y compris les étrangers en situation irrégulière). L’Ined dénombre plus précisément les admissions au séjour des étrangers non ressortissants de l’Union européenne obtenant un premier titre de séjour d’une durée d’au moins un an (fichier AGDREF, ministère de l’Intérieur).
Les recensements de la population sont l’occasion de compter le nombre d’habitants qui ne sont pas nés sur le territoire. Parmi les personnes nées à l’étranger, on a coutume de distinguer les Français de naissance et les immigrés, nés avec une autre nationalité. On distingue les habitants selon leur nationalité, française ou étrangère, et, parmi les Français, les Français de naissance ou les Français par acquisition. Le recensement permet donc de connaître la nationalité actuelle ainsi que la nationalité à la naissance. Les catégories d’étrangers et d’immigrés sont différentes : les immigrés, « nés étrangers à l’étranger », peuvent être encore étrangers au recensement ou être devenus Français. Les étrangers, quant à eux, peuvent être nés à l’étranger (ils sont alors immigrés) ou nés en France (dans ce cas ils ne sont pas immigrés).
Les tableaux présentent les populations, les naissances et les décès en Europe et dans les pays développés. Ces données sont complétées par des indicateurs : taux de natalité et de mortalité, indicateur conjoncturel de fécondité et espérance de vie à la naissance.
La publication World Population Prospects fournit les estimations de population des Nations unies pour tous les pays du monde pour chaque année entre 1950 et 2020 et les projections selon différents scénarios (bas, moyen et haut) pour chaque année entre 2020 et 2100. Les chiffres présentés ici correspondent aux projections pour l’année en cours selon le scénario moyen.
Toute la population sous vos yeux : un atlas, des cartes interactives, une animation sur les migrations et des graphiques interprétés pour visualiser et comprendre les enjeux et les évolutions démographiques mondiales.
Avec le simulateur de population, les animations et les quiz, maîtriser les grands concepts démographiques, des projections aux facteurs de fécondité, devient (presque) un jeu d’enfant.
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Mise à jour : janvier 2019, sur la base des estimations de la Population mondiale des Nations Unies
Les “mémos de la démo” offrent un panorama des connaissances sur la population, dans des formats courts et accessibles à tous.
Fiches, analyses et interviews proposent un résumé de l’actualité scientifique, un décryptage des enjeux liés aux questions de population et des outils pédagogiques pour aborder les phénomènes démographiques et leurs évolutions, en France et dans le monde.
605, Novembre 2022
https://doi.org/10.3917/popsoc.605.0001
La majorité des femmes se disent plutôt féminines et la majorité des hommes plutôt masculins. On enregistre sans doute ici le sentiment d’être « normal » du point de vue du genre. Pour autant les positionnements de genre ne s’organisent pas de la même manière selon le sexe : un tiers des hommes se disent très masculins, alors que moins d’un quart des femmes se disent très féminines ; un peu plus de 9 % des femmes se disent « pas très féminines », alors que seuls 2 % des hommes se disent « pas très masculins ». Les variations du genre selon le sexe reflètent sans aucun doute une dévalorisation du féminin par rapport au masculin, mais aussi des questionnements sur ce qu’est être une femme ou un homme.
Genre, sexe, féminité, masculinité, norme de genre, positionnement de genre, catégorie socioéconomique, surpoids, enquête Virage
Les différences de féminité et de masculinité sont une dimension ordinaire du genre peu prise en compte dans les enquêtes statistiques. Combien de femmes se disent peu ou très féminines, combien d’hommes se disent peu ou très masculins, quelles sont-elles et quels sont-ils ? S’appuyant sur l’enquête Virage, Mathieu Trachman explique que ces positionnements sont des manières de se distinguer au sein des groupes de sexe. Ils peuvent être une distance à l’égard d’une norme désirée ou le refus d’un rôle assigné.
Dans la vie quotidienne comme dans les enquêtes statistiques, le genre renvoie le plus souvent à une séparation des individus en deux groupes, celui des femmes et celui des hommes. Cette approche binaire a ses limites : des personnes non binaires ne s’identifient ni comme homme, ni comme femme, le genre des personnes trans ne correspond pas au sexe qui leur a été assigné à la naissance. Plus généralement, les individus peuvent se sentir plus ou moins féminins, plus ou moins masculins : il existe ainsi des variations de genre internes au groupe de sexe. Celles-ci sont des pratiques et des perceptions de soi-même et d’autrui qui ne remettent pas nécessairement en question la bipartition des sexes, mais qui montrent que l’expérience du genre a plusieurs dimensions. De plus en plus d’enquêtes statistiques tentent de saisir les variations du genre, en particulier sous la forme d’échelles de masculinité et de féminité [1]. C’est le cas de l’enquête Virage [2] (encadré). Que nous apprennent ces variations de l’organisation sociale du féminin et du masculin ?
L’enquête Violences et rapports de genre (Virage) porte sur les violences interpersonnelles subies dans les douze derniers mois et au cours de la vie [2]. Elle a été réalisée en 2015 par l’Institut national d’études démographiques auprès d’un échantillon représentatif de 27 268 personnes (15 556 femmes et 11 712 hommes) âgées de 20 à 69 ans, vivant en ménage ordinaire en France métropolitaine, enquêtées par téléphone. La question sur les masculinités et les féminités est posée ainsi :
On attend généralement des femmes qu’elles se comportent de façon féminine. Vous-même vous diriez vous… Très féminine / Plutôt féminine / Pas très féminine / Un peu masculine / Très masculine / Ne souhaite pas répondre / Ne sais pas.
On attend généralement des hommes qu’ils se comportent de façon masculine. Vous-même vous diriez vous… Très masculin / Plutôt masculin / Pas très masculin / Un peu féminin / Très féminin / Ne souhaite pas répondre / Ne sais pas.
Cette question peut être considérée comme un indicateur de positionnement de genre, du rapport que les individus peuvent avoir aux normes de genre assignées à leur sexe. Du fait des faibles effectifs, on a regroupé les femmes se disant « un peu » et « très masculines », et les hommes « un peu » et « très féminins ». Cette question ne convient pas à tout le monde : 143 femmes et 154 hommes ont préféré ne pas y répondre. Il s’agit pour une part de personnes dont le refus de répondre est très fréquent, indépendamment des thèmes abordés, mais aussi de personnes qui ne se reconnaissent pas dans les catégories de genre majoritaires [3].
La majorité des femmes se disent plutôt féminines et la majorité des hommes plutôt masculins (figure). On enregistre sans doute ici le sentiment d’être « normal » du point de vue du genre : être une femme conduit le plus souvent à se dire féminine, ni trop, ni pas assez. Peu de femmes et d’hommes affirment un genre opposé à leur sexe : « un peu » et « très féminin » pour les hommes, « un peu » et « très masculine » pour les femmes sont des catégories repoussoir pour la majeure partie des individus. Pour autant les positionnements de genre ne s’organisent pas de la même manière selon le sexe : un tiers des hommes se disent très masculins, alors que moins d’un quart des femmes se disent très féminines ; un peu plus de 9 % des femmes se disent « pas très féminines », alors que seuls 2 % des hommes se disent « pas très masculins ».
Ce résultat peut être interprété à la lumière des valeurs que les personnes attribuent à la féminité et à la masculinité. Les variations du genre selon le sexe reflètent sans aucun doute une dévalorisation du féminin par rapport au masculin : les hommes s’identifient plus volontiers à une catégorie socialement valorisée, les femmes prennent leur distance vis-à-vis d’une catégorie discréditée. Ces variations du genre peuvent également être l’indice d’une distanciation féminine par rapport à des normes de genre jugées illégitimes ou trop contraignantes : celles qui concernent le corps, la tenue vestimentaire, les modes de vie conjugaux ou sexuels par exemple. Chez les hommes comme les femmes, il peut s’agir de la reconnaissance d’un écart par rapport à une norme désirée ou l’expression d’un rapport conflictuel à une norme imposée. Pour saisir les significations sociales des variations de genre, il est possible d’analyser quels hommes se disent peu ou très masculins, quelles femmes peu ou très féminines.
Les normes de genre peuvent être liées à l’apparence physique et corporelle. Les hommes en sous-poids (mesuré par l’indice de masse corporelle de l’Organisation mondiale de la santé) sont plus nombreux à se dire un peu, très féminins et pas très masculins ; dans une moindre mesure les femmes en surpoids sont plus nombreuses à se dire un peu, très masculines et pas très féminines (tableaux 1 et 2). Les positionnements de genre reflètent des représentations sans doute largement partagées des féminités et des masculinités, qui conduisent à se sentir « hors norme » ; le corps exprime le genre, mais de façon opposée chez les femmes et chez les hommes.
Le niveau de diplôme et la catégorie socioprofessionnelle font nettement varier les positionnements de genre chez les hommes (tableau 1). Plus les hommes sont diplômés, moins ils ont tendance à se dire très masculins : certains se disent pas très masculins, mais ils tendent à se reporter vers la catégorie « plutôt masculin ». Les catégories socioprofessionnelles reflètent pour une part cette tendance : les cadres et les professions intellectuelles supérieures se disent moins souvent très masculins que les ouvriers, les agriculteurs et les employés.
On peut penser qu’il ne s’agit pas nécessairement d’une contestation des hiérarchies du genre, mais de l’affirmation d’une masculinité distinguée : ne pas se dire très masculin serait une manière de faire des distinctions de classe avec du genre, de tenir pour un peu fruste une affirmation masculine sans nuance, sans que cela soit lié par ailleurs aux pratiques de genre ou que cela remette en cause la hiérarchie du masculin et du féminin [4]. Les enquêtes sur la répartition des tâches domestiques, qui montrent que les hommes appartenant aux classes supérieures ne s’investissent pas plus que ceux des classes populaires, en sont un indice [5].
Les positionnements de genre des femmes ne varient pas tout à fait de la même manière (tableau 2). Les diplômes et les catégories socioprofessionnelles ont moins de poids : les positions et les espaces où se font les féminités et les masculinités ne sont pas les mêmes. Cependant les femmes diplômées se disent moins souvent très féminines et surtout certaines professions conduisent les femmes à se dire pas très féminines, en particulier les agricultrices et les ouvrières : on enregistre sans doute ici la dimension genrée de certains métiers, associés à la fois au masculin et aux classes populaires. Il semble que certaines positions professionnelles accentuent la difficulté pour les femmes à se sentir à l’aise avec la féminité qu’elles tiennent pour « normale », ou bien sont l’occasion pour certaines de mettre à distance les normes de féminité. Elles peuvent se sentir moins féminines parce qu’elles appartiennent à certains métiers, ou au contraire investir certains métiers parce qu’elles se distancient de certaines normes de féminité.
Certains groupes minoritaires peuvent avoir un rapport spécifique au genre : c’est le cas des minorités sexuelles, dont le désir pour les personnes de même sexe a été historiquement constitué comme une inversion de genre, représentation qui a contribué à diffuser les figures de la lesbienne masculine et du gay efféminé dans l’espace social [6]. Les positionnements de genre des personnes qui s’identifient comme homosexuelles ou bisexuelles sont très différents de ceux des hétérosexuels. Ils varient selon le sexe et l’identification sexuelle (tableaux 1 et 2) : « pas très masculin » reste une catégorie repoussoir pour les hommes, y compris gays, tandis que « pas très féminine » est une catégorie investie par certaines femmes, en particulier lesbiennes. Les femmes qui se disent bisexuelles sont plus nombreuses que les hétérosexuelles à se dire pas très féminines, mais elles se disent majoritairement plutôt féminines. On peut faire l’hypothèse que la valorisation sociale du masculin explique son attrait pour certaines femmes, en particulier lesbiennes, et la difficulté à s’en distancer pour les hommes, même gays.
Les positionnements de genre peuvent être dépendants non seulement d’appartenances durables, mais d’expériences plus circonscrites. Si le genre se façonne dans de nombreuses sphères de la vie des individus, comme le travail et la famille, la sexualité est sans doute un des espaces où les enjeux de masculinité et de féminité sont particulièrement prégnants. Les différences de socialisation sexuelle entre les femmes et les hommes concernant la masturbation ou la consommation de pornographie par exemple, et plus largement les différences sociales de conception des sexualités féminines et masculines en attestent [7]. L’enquête Virage enregistre certaines expériences sexuelles récentes : avoir eu des disputes à propos de la sexualité, avoir refusé d’avoir des rapports sexuels avec son ou sa partenaire, avoir accepté des rapports sexuels sans en avoir envie au cours des 12 derniers mois. L’analyse de ces expériences porte sur les personnes hétérosexuelles en couple au moment de l’enquête : nous écartons les minorités sexuelles, dont nous avons vu que les positionnements de genre sont très spécifiques, et nous concentrons sur la sexualité conjugale (voir annexe en ligne, https://doi.org/10.34847/nkl.33da852d [8]).
Les hommes qui se disent pas très masculins sont plus susceptibles d’avoir eu des disputes à propos de leur sexualité avec leur partenaire, et plus encore d’avoir accepté des rapports sexuels sans en avoir envie, que ceux qui se disent plutôt ou très masculins. Du point de vue de ces expériences sexuelles, ces deux derniers groupes se distinguent peu. Les différences sont moins nettes chez les femmes. Celles qui se disent pas très féminines sont plus susceptibles d’avoir refusé d’avoir des rapports sexuels avec leur partenaire, contrairement aux femmes qui se disent très féminines qui, à l’inverse, déclarent moins souvent ces refus. Ce ne sont donc pas les mêmes expériences sexuelles qui caractérisent les positionnements de genre des femmes et des hommes. De plus ces expériences expliquent plus les différences de positionnement de genre chez ces derniers que chez les premières.
Ces résultats montrent que certaines expériences sexuelles récentes ont plus d’importance pour la masculinité que pour la féminité. Ils permettent également de mieux caractériser les individus qui se distancient du positionnement de genre majoritaire, et le sens de cette distanciation. Les femmes qui se disent pas très féminines affirment plus nettement leurs désirs que les autres : ce positionnement peut relever de la revendication d’une certaine autonomie sexuelle. Celle-ci ne les conduit pas cependant à refuser tout compromis : elles acceptent également d’avoir des rapports sexuels sans en avoir vraiment envie.
Les hommes qui se disent pas très masculins ne se distinguent pas sur tous les plans : ainsi ils ne déclarent pas plus souvent avoir refusé d’avoir des rapports sexuels. La norme selon laquelle un homme doit toujours avoir du désir sexuel reste ici prégnante [7]. La plus grande fréquence des disputes concernant la sexualité, accepter plus souvent d’avoir des rapports sexuels sans en avoir envie peuvent être interprétés comme l’expression de difficultés dans le couple. Mais pour les hommes, ils peuvent être également les indices d’une manière de prendre en compte les désirs de leur partenaire, de faire état de désaccords concernant des sujets qui peuvent être difficiles à aborder. De ce point de vue, se dire pas très masculin relèverait d’un questionnement de certaines normes de genre que la majorité des autres hommes n’interrogent pas.
Questionner les individus sur leur masculinité et leur féminité permet de saisir des différences entre femmes et hommes sans se limiter à la comparaison entre les groupes de sexe. La question posée dans l’enquête Virage apporte quelques éléments sur cette dimension du genre, mais d’autres informations sont nécessaires pour mieux les comprendre : il serait notamment judicieux de renseigner la féminité et la masculinité des femmes comme des hommes [1], de recueillir des opinions diverses sur les normes de genre.
Malgré ces limites les résultats qui précèdent attestent d’une relative diversité de positionnements de genre. Ceux-ci ne sont pas nécessairement cohérents avec des pratiques de genre mais expriment des manières de se distinguer d’autres femmes, d’autres hommes. Pour plus de femmes que d’hommes, le genre ne va pas de soi, sans doute parce qu’elles sont plus nombreuses à en subir le poids. Les appartenances de classe, certaines expériences sexuelles, font plus nettement varier les positionnements des hommes : si elle est valorisée, la masculinité semble moins stable. Les distanciations ne relèvent sans doute pas d’un refus total des normes de genre, mais d’une certaine ambivalence à leurs égards, de questionnements concernant ce qu’est être une femme ou un homme.
La majorité des femmes se disent plutôt féminines et la majorité des hommes plutôt masculins. On enregistre sans doute ici le sentiment d’être « normal » du point de vue du genre. Pour autant les positionnements de genre ne s’organisent pas de la même manière selon le sexe : un tiers des hommes se disent très masculins, alors que moins d’un quart des femmes se disent très féminines ; un peu plus de 9 % des femmes se disent « pas très féminines », alors que seuls 2 % des hommes se disent « pas très masculins ». Les variations du genre selon le sexe reflètent sans aucun doute une dévalorisation du féminin par rapport au masculin, mais aussi des questionnements sur ce qu’est être une femme ou un homme.
Mathieu Trachman
605-Fichier des tableaux et figures.xlsx
https://doi.org/10.34847/nkl.33da852d
Mathieu Trachman, Très masculin, pas très féminine. Les variations sociales du genre, 2022, Population et Sociétés, n° 605

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