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Comment ces archipels lointains se sont-ils peuplés ? En partie grâce à des marins aventuriers venus d’Asie.
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Le paquetage est ficelé, la grand-voile vérifiée. Sur la carte marine, la trajectoire est tracée : cap au Nord, pour une croisière de 29 milles nautiques (53,7 kilomètres) entre le port de Papeete et l’atoll de Tetiaroa, cette pépite qui fut la villégiature de Marlon Brando. On va voyager «à l’ancienne», sur une pirogue double à voiles triangulaires, un catamaran avec des bois grinçants et des bouts épais comme le bras. Pas de GPS, on se guidera grâce au soleil et aux vagues, sans autre repère que la ligne séparant le ciel de la mer. De quoi éprouver les mêmes sensations que les marins d’avant l’an mil.
Hélas pour les organisatrices, Josiane Teamotuaitau et Vâhi Sylvia Richaud, professeures de culture polynésienne à l’université de Papeete, à l’heure du départ, en ce jour de novembre 2016, le ciel s’est éteint et la pluie a crépité sur le lagon. Après quoi, le calme plat. Il faut s’y résoudre : l’expédition sera pour un autre jour. «Nous devons nous réadapter à la nature, comme les premiers migrants, jadis, car c’est elle qui décide», résume Josiane. Elle et sa collègue avaient prévu d’entraîner leurs étudiants de quatrième année dans une expédition qui valait tous les cours magistraux. Cette fois, au moins, les élèves ont touché du doigt l’essentiel : l’épopée des ancêtres était des plus aléatoires.
Les premiers Polynésiens s’en sont-ils remis au hasard pour leurs migrations ? L’importance de la figure de Hiro le laisse penser. Dans le panthéon archaïque, il incarne si bien l’imprévisible qu’il est le dieu des Marins, ainsi que celui des Voleurs et des Vagabonds. La tradition orale que les premiers missionnaires européens ont transcrite montre qu’on a vénéré ce facétieux Hiro dans les îles Sous-le-Vent, en particulier à Huahine et à Raiatea. Pour le reste, «il manque encore des pièces au puzzle», reconnaît Tara Hiquily, le conservateur du Musée de Tahiti et des îles (MTI). Si les scientifiques tombent d’accord sur les itinéraires successifs des migrations, des zones d’ombre demeurent sur les datations et la durée des trajets. Autre inconnue, les raisons de ces mouvements. Pénurie alimentaire ? Guerre ? Evénements météo ? Surpopulation ? Rassemblées à l’automne dernier dans le journal scientifique Nature, plusieurs études confirment que tout commença en Asie du Sud-Est, sans doute à partir de l’actuelle île de Taiwan et du nord des Philippines. De cette zone, il y a environ 4 000 ans, un petit nombre d’individus prit la mer en direction de l’ouest, vers Madagascar. Mais la majorité des migrants mit le cap sur le sud-est. Ce groupe marqua sans doute un premier arrêt dans les archipels philippins et indonésiens, avant de poursuivre jusqu’en Papouasie-Nouvelle-Guinée. De là, vers 1500 avant notre ère, une nouvelle vague migratoire les mena jusqu’aux îles Fidji et Tonga, puis vers les Samoa.
Bien des questions restent en suspens, mais on pense que c’est au cours de ces mouvements que se constitua le melting-pot polynésien, métissage entre les descendants des hommes venus d’Asie et les peuplades déjà présentes dans les îles. Parmi elles, les Lapitas, nomades du Pacifique identifiés par les archéologues grâce à leurs poteries, qui se seraient répandus en Mélanésie il y a 3 000 ans et dont les racines seraient à chercher du côté des aborigènes d’Australie et des Papous.
Mais reprenons la mer. Car la route est encore longue avant d’atteindre Tahiti, qui ne fut déflorée qu’au début de notre ère. Jusqu’en 600, les archipels furent certainement découverts par hasard. La pirogue – qui figure aujourd’hui au centre du drapeau polynésien – était dirigée à la fois à la rame et à la voile, en s’aidant des étoiles, du soleil, des nuages, ou de repères tels que les oiseaux, la couleur de l’eau ou l’allure de la houle. «A bord, chacun avait un rôle défini, on recréait une microsociété, similaire à celle en place sur la terre ferme, et on embarquait des animaux, des vivres, des plantes», détaille Josiane Teamotuaitau. Les expéditions se faisaient en flottilles de plusieurs embarcations, quasiment contre le vent, de manière à faire demi-tour en cas d’épuisement des ressources.
«Ces hardis navigateurs sont sûrement allés jusqu’en Amérique», ajoute Tara Hiquily, du MTI. Les explorateurs européens du XVIIIe siècle ne furent-ils pas stupéfaits de constater à leur arrivée que la patate douce, tubercule originaire du Pérou, les avait devancés ? Quant aux tikis, ces statues sacrées anthropomorphes largement présentes aux Marquises, leur ressemblance avec le style pré-incaïque est frappante. Vers l’an 850, les marins pionniers approchèrent les îles de Pâques et d’Hawaii. En l’an mil, ce fut la Nouvelle-Zélande.
A partir de là, les échanges au sein du «triangle maori», terme qui désigne la zone de répartition de l’ensemble des peuples polynésiens, furent intenses, sur des distances parfois colossales. Puis, curieusement, ils ont pris fin au milieu du XVIe siècle. Le phénomène El Niño, apparu à cette époque, en est peut-être la cause. Les chercheurs ont relevé de nombreuses références à ce changement météo dans les journaux de bord des navigateurs européens dès 1524, date du voyage sur la côte péruvienne du conquistador Francisco Pizarro. Ce flux d’air chaud qui circule sur la ceinture intertropicale du Pacifique rendait soudain la navigation difficile, modifiant les vents, multipliant tempêtes et précipitations. Preuve que l’aléa climatique est toujours à prendre en compte quand on prévoit, par un beau matin de novembre, d’embarquer à bord d’une pirogue double à voiles triangulaires…
Cet article est tiré du magazine GEO n°455 (janvier 2017)
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